Publié par Dern le 19 avril 2019

Nous sommes en 2019, ainsi qu’aiment à nous le rappeler les partisans du Camp du Bien à longueur de journée en guise d’argument. En 2019, nous sommes censés manger intégralement bio, nous chauffer à la bouse de vache et genrer correctement nos animaux de compagnie.

Nous sommes en 2019, ou le sommes nous vraiment ? Quand on regarde les sorties cinéma ou de jeu vidéo, on vient à douter de cette assertion.

On prend les mêmes et on recommence

Il est vrai que les dernières sorties cinéma nous autorisent une latitude de doute respectable : Ce que veulent les hommes, Le Roi Lion, Dumbo, Aladdin, Highlander, Men in Black, La Famille Addams, Les Maîtres de l’Univers, Charlie’s Angels, Terminator…

Tout semble être un reboot (remise à zéro d’une licence), remake (remise au goût du jour sur une histoire identique), sequel (suite) ou prequel (préquelle) d’une licence que nous avions chéri durant notre enfance ou notre adolescence, dans les années 70, 80 ou 90 pour les plus jeunes d’entre nous.

Les studios reprennent leurs propres licences et les font passer à la moulinette de la modernité : on rajoute un peu de femmes fortes et indépendantes, un peu de « minorités », une dose de préoccupation environnementales, et de effets spéciaux bien lourds pour arranger le tout, et nous soulager de 15 deniers réglementaires.

Disney devance tous les autre studios, et de loin : après Cendrillon et Le Livre de la Jungle, ils se sont attaqués à La Belle et la Bête puis maintenant lancent Aladdin et Dumbo.

Après tout, ce qui a fait leur succès à l’époque devrait encore fonctionner, forcément.

Aurions-nous plongé avec délice dans un temps où la cathédrale Notre Dame était encore intacte, les téléphones étaient de simple tamtams et les cafés à moins de quatre francs à Paris Intra muros ?

C’est faux, reviens Marlène, je t’aime !

La maison la plus prolixe en la matière reste sans doute Disney. Après le Cendrillon de 2017 puis La Belle et la Bête de 2018, on passe la vitesse supérieure : trois nouvelles licences se prennent un coup de jeune (et nous un coup de vieux) avec un petit lifting tout en CGI.

Comment se fait-il qu’une maison aussi créative que Disney puisse en venir à faire les fonds de tiroir pour nous produire leur blockbuster d’été et film de Noël, tels des galèriens de 1ère à la bourre sur leur rédac de français ?

L’évolution de la technique

Tout d’abord, on soulignera le très grand attrait des nouvelles technologies mises à disposition des créateurs. Là où l’informatique perçait à peine pour la première sortie du Roi Lion, la CGI (les “images de synthèse”) a progressé plus vite qu’un salaire de député. Les dernières images du Roi Lion prévue pour juillet prochain frisent la précision et le réalisme visuel d’un documentaire animalier.

Simba, toujours complètement motivé par le projet

Pour un public de plus en plus exigeant sur ses dose de spectacle, on peut espérer un renouveau dans l’engouement – et des ventes de produits dérivés à la clef.

En revanche, sur le plan des nouveautés, on attend encore la perle rare.

Une question de budget

On pourrait se dire qu’il s’agit d’une question purement économique : après tout, quand on lâche le PIB du Liechtenstein pour une licence comme l’a fait Disney en acquérant Star Wars, on se refuse à verser dans la possibilité d’un échec. Pour éviter les échecs, on prend les mêmes, et on recommence.

On ne peut pas trop leur en vouloir de nous refourger inlassablement la même compote. Les industriels de l’entertainement ont compris le filon : les geeks achètent, achètent beaucoup, et en se réappropriant l’œuvre, créent eux-même le buzz qui fera vendre encore plus de figurines à vingt dollars les deux.

G Tou

Autant ne pas se priver maintenant que les petits collectionneurs de l’époque ont acquis le pouvoir d’achat et des enfants à convertir !

On peut aussi penser, plus malicieusement, que certaines licences approchent de leur date d’expiration, et que les droits d’auteur seront bientôt dans le domaine public. Avec un petit remake, on maintient les poules dans une bon enclos, et les œufs d’or sagement dans le bon coffre-fort.

On peut aussi corriger les erreurs de tirs, comme par exemple grâce au reboot de Dune, échec en 1982 du nullissime film de David Lynch.

Mais le facteur économique, côté investissement comme côté retombées, ne suffit pas à expliquer cette mode, qui semble prendre plus d’ampleur d’années en années.

Les mondes du cinéma asiatiques nous le rappellent à grands renforts de recettes et d’exportations. Les budgets engagés légèrement moins faramineux, mais les moyens mis en oeuvre sont tout autant avant gardistes, et cela ne les prévient pas de l’échec. On pensera à l’excellence Detective Dee, sorti l’été 2018, vrai blockbuster du genre avec ses méchants, ses gentils, ses enquêtes et ses explosions.

La vivacité et la créativité du cinéma asiatique minorent la thèse de l’explication purement économique. Alors, keske ?

Nostalgiques de liberté

Une bonne partie du succès de la série Stranger Things, outre que le scénario est excessivement bien ficelé, est qu’elle se déroule dans les années 80 : les objets, la manière de filmer à la Spielberg de ses (plus) jeunes années, les références des enfants… Je ne vous parle pas des bananes, des épaulettes ou des coupes de cheveux à la créativité très enlevée, mais bien du climat qui régnait durant cette période.

On peut fumer dans les baaaars !!!

A cette époque, les nouveaux puritains du Camp du Bien n’avaient pas réussi à tout passer sous leur contrôle, et le champ artistique permettait encore aux scénaristes et aux créateurs de se ménager des espaces de liberté.

De nos jours, faire la moindre oeuvre, la moindre création, la moindre blague même, est devenu plus aléatoire et dangereux que prendre la ligne 13 un vendredi soir à 18h : Bear Grylls a déjà tenté, et il a renoncé.

C’était pas ma blague… #RamboGrylls

La terreur instaurée par la Team Progrès lie les mains et le cerveau de nos créateurs.

Il y a beaucoup de choses que l’on ne pourrait plus dire ou faire, et la récente polémique sur les films de Louis de Funès à la cinémathèque nous le confirme. Ce qu’elle nous confirme aussi, c’est l’aura de l’ancienneté : les films déjà faits et aimés du public bénéficient du totem d’immunité, d’un genre de passe-droit magique qui ouvre les portes de Télérama et les sourires de la Team Progrès.

On est nostalgiques de notre liberté de créer et voir autre chose que les fades et ennuyeux blockbusters.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Dern. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur (son site)

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