Publié par Ftouh Souhail le 1 avril 2019

Le Royaume chérifien veut projeter une image d’ouverture vers les pays occidentaux en recevant le souverain pontife.

Dans ce pays où l’islam est la religion d’État, la minorité des convertis à la chrétienté plaide pour vivre sa foi “sans persécution” et “sans discrimination”.

Le pape François a célébré, ce dimanche 31 mars 2019, une messe dans un complexe sportif de Rabat, en présence de la communauté catholique du royaume chérifien.

Le monarque de l’État du Vatican a mis en garde les chrétiens contre toute tentation de «prosélytisme» au Maroc.

«Les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui conduit toujours à une impasse», a fortement insisté le pape. «S’il vous plaît, pas de prosélytisme !», a martelé le chef de l’Église.

La remarque récurrente du pape prend une résonance particulière dans un pays où le prosélytisme auprès de musulmans marocains peut valoir jusqu’à trois ans de prison. En revanche, les musulmans marocains ont le droit de convertir les chrétiens.

Le visage de la dhimmitude ne disparaîtra pas encore. Les non-musulmans vivant dans les pays islamiques (dar al-islam)doivent encore vivre avec les contraintes des «dhimmis». Les églises officielles, quant à elles, s’interdisent strictement le prosélytisme.

Maroc, une communauté qui vit l’anathème et l’exclusion

Cette visite semble cacher la vraie persécution des convertis chrétiens.

Le Maroc, où l’islam est la religion d’État, reste strict sur la question des convertis et de la liberté de religion, conformément à l’école malékite de la jurisprudence islamique, surtout afin d’éviter de déplaire à la frange la plus conservatrice de la société.

  • L’article 6 de la Constitution marocaine stipule que «l’islam est la religion de l’Etat.» La Constitution marocaine définit l’identité du peuple marocain et le pays comme terre d’islam.
  • La visite du pape François ne changera rien au Royaume à 99 % musulman, où les chrétiens sans interdits de se montrer de façon ostentation.
  • Le Royaume s’enorgueillit d’avoir inscrit la liberté de conscience et de culte dans sa Constitution mais tous ses ressortissants convertis au christianisme n’en sont pas moins placés au ban de la société.
  • La plupart des chrétiens marocains sont convertis et vivent leur foi en cachette de la société. La communauté est contrainte de vivre sa foi dans le secretpour fuir l’opprobre d’une société conservatrice qui condamne fermement l’apostasie.

Plusieurs centaines épousent chaque année la foi chrétienne en secret. Ils sont souvent de jeunes hommes ou femmes qui vivent leur foi en cachette de leur proche et de la société.

Dans tous les cas, les églises catholique et évangélique ne font pas de prosélytisme, comme cela leur est interdit.

  • Si le renoncement à l’islam n’est pas explicitement mentionné dans le Code pénal, ceux qui sont soupçonnés d'”ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion” peuvent être poursuivis.
  • En vertu du Code pénal marocain, le prosélytisme des non-musulmans, c’est-à-dire le fait «d’ébranler la foi» de la population musulmane, est illégal.
  • La distribution de matériel religieux non islamique est également interdite.
  • L’article 220 du code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 100 à 500 dirhams (environ 11 à 55 dollars), pour toute personne qui «emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion…»

Des témoignages de Marocains chrétiens, régulièrement relatés par la presse, prouvent à quel point évoquer sa foi chrétienne lorsque l’on est Marocain et né musulman peut mener à la case prison.

Les expulsions de prêcheurs de diverses nationalités se sont multipliées ces dernières années (plus de 113 personnes, dont des missionnaires, protestants suisses et anglo-saxons, ont été invitées à quitter le territoire pour la seule année 2018).

Une organisation comme Arab World Ministries, société missionnaire internationale, est interdire d’activité sur le territoire. Les évangéliques affiliés à la droite américaine conservatrice, sont également interdit. C’est le cas de la National Association of Evangelicals.

Discriminations et injustice pour les chrétiens convertis

Si le Code pénal marocain ne prévoit pas la peine de mort pour les apostats de l’islam, une fatwa encore valable du Haut Conseil des oulémas condamne à mort les apostats au Maroc.

  • Les Marocains chrétiens convertis n’ont pas droit de se réunir. Leurs activités sont réprimées par la loi et n’existent qu’au travers de réseaux clandestins.
  • Les églises officielles, majoritairement catholiques, doivent faire profil bas.
  • Même l’église protestante du Maroc ne s’aventure pas à faire du prosélytisme dans un contexte religieux, social et juridique très hostile à la prédication d’une autre foi que l’islam.

Le 19 avril 2019, le Comité chrétien marocain, au nom de 380 000 fidèles, publiait dans le quotidien arabophone al-Massae, une lettre ouverte audacieuse dénonçant les violations de la liberté religieuse.

«Les services de sécurité marocains seraient responsables de jouer un rôle important dans la persécution des chrétiens en procédant à des arrestations abusives», rapporte-t-il.

Dans la lettre, le Comité déclare que les autorités marocaines ont «arrêté et maltraité des personnes pour avoir proclamé leur religion ou avoir adhéré à des prières dans des églises secrètes. Les autorités les ont torturées, injuriées et les ont privées de leurs documents d’identité».

  • Arrestations de chrétiens, enlèvement des croix et réglementation des activités religieuses en ligne, l’heure est à la persécution silencieuse au Royaume. Un simple SMS de dénonciation permet de faire intervenir la police.

Des conversions de plus en plus nombreuses

Les conversions de l’islam vers le christianisme sont de plus en plus nombreuses au Maroc (1). Cette évolution peut susciter des craintes auprès du pouvoir central de Rabat, et déclencher un renforcement du contrôle de la police (2).

Pour endiguer les conversions, présentées comme un danger, plusieurs missionnaires du pays ont été expulsés. Ainsi, si la Constitution marocaine garantit officiellement la liberté de confession, la réalité du terrain est bien différente.

Comme l’État tunisien, qui réprime en catimini la liberté du culte de ses citoyens chrétiens, le Maroc opère également un contrôle accru de l’Etat sur la chrétienté.

Zouhair Doukali, président de la Coordination des chrétiens marocains (CCM) a appelé dans un communiqué «les autorités marocaines et le Saint-Père à saisir l’occasion de cette visite papale pour dialoguer avec la plus grande sincérité sur le sujet de la liberté religieuse pour les citoyens marocains».

La CCM réclame notamment la possibilité de se marier religieusement, d’enterrer ses morts selon le rite chrétien, de baptiser leurs enfants de noms chrétiens.

  • A l’église Notre-Dame-de-Lourdes de Casablanca, par exemple, les nouveaux chrétiens sont incapables de baptiser leurs enfants.
  • Près d’Oujda, ville frontalière avec l’Algérie, les fidèles sont obligés d’enterrer leurs morts selon le rite islamique.

La vie des chrétiens est donc marquée par l’arbitraire musulman. Blasphémer l’islam est une accusation gravissime, souvent utilisée à tort dans les tribunaux marocains.

Durant des siècles, dans les pays musulmans, le visage de la dhimmitude a varié selon les lieux, les circonstances et les pouvoirs, il a pu parfois être presque souriant, comme aujourd’hui au Maroc. Mais derrière le sourire se cache une réalité qui ne peut en aucun cas être qualifiée de tolérance, et certainement pas d’amour envers les non-musulmans.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

(1) C’est un phénomène de plus en plus répandu : beaucoup de musulmans au Maghreb, lassés par les contradictions de l’islam, rejoignent des Églises évangéliques, ainsi que l’Église catholique – même s’ils sont moins nombreux.

(2) Aucun chiffre officiel n’existe sur le nombre de convertis marocains, estimés entre 2.000 et 6.000 par le Département d’État américain. Concentrés entre Marrakech et Agadir, ils sont principalement protestants -baptistes et évangéliques.

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