Publié par Michelle d’Astier de la Vigerie le 27 avril 2019
Conférence de presse de Macron

Hier, 26 avril 2019, j’ai failli craquer. J’écoutais Macron depuis une heure, avec l’impression que l’on venait enfin de recevoir le sauveur de la France.

Il avait si bien entendu le cœur des Français battre durant le grand débat, qu’il avait résolu de leur donner le beurre, l’argent du beurre, et la confiture par-dessus. C’était lisse, tellement simple, ses solutions !

Sans compter certains mea culpa. Je n’arrive plus à me souvenir des fautes qu’il s’est reprochées, parce qu’à l’évidence, aux yeux du peuple, c’étaient forcément des peccadilles dont ils pouvaient presque sourire.

Et puis, quelle magnanimité face à la haine qu’il a suscitée chez une grande partie des Français, et qu’il avait encaissée dans une grande solitude, mais avec philosophie : n’était-ce pas le lot de tous les grands hommes d’État ? Il a juste, furtivement, critiqué ceux qui avaient vilipendé sa «famille», en zappant le fait que ce n’était pas sa «famille» qui avait écœuré les Français, mais l’étalage de ses mœurs. D’ailleurs, avec de grandes envolées, il a parlé de «nos enfants» et de l’importance de leur laisser une patrie dont ils soient fiers. Encore une fois, la presse n’a pas fait son travail : Brigitte aurait-elle accouché de jumeaux ou triplés depuis qu’elle est à l’Elysée ?

J’ai écouté, bouche bée, ce long discours. Notre Macron national n’avait-il pas été touché par la grâce ? Quelle virtuosité ! Peut-être que les flammes de Notre Dame l’avaient éclairé, bouleversé, métamorphosé. Ce ne pouvait être que cela pour, en dix jours, montrer un changement aussi radical.

Tout le mal de la France et des Français, il en a donné la cause. Elle est lumineuse. C’était la faute à la décennie qui avait précédé sa prise de pouvoir. Il l’a répété par deux fois. Suivez mon regard : Macron et Hollande. C’étaient eux les vilains responsables du gâchis économique, du chômage, des retraites misérables, de la fermeture des écoles et des maternités en province, de la disparition des services publics dans les petites villes, de l’écrasement par les taxes et impôts, etc. Lui, Macron, s’engageait personnellement, solennellement, et avec des accents gaulliens, à renverser la vapeur et à remettre tout au carré d’ici quelques années. Tout le monde comprenait qu’il lui fallait un second quinquennat pour mener ce grand combat à terme et restaurer la France dans sa place de grande puissance mondiale. Elle allait devenir un modèle pour tous ses voisins. Et dans la foulée, pour le monde entier. Quand on est Jupiter, on contrôle l’univers. Alors la France, facile !

Bien sûr, j’étais un peu dérangée par sa manière de financer son si magnifique programme. 140.000 fonctionnaires en moins (départs à la retraite, sans doute), quel chiffre courageux ! Il me semblait qu’il aurait fallu ajouter un zéro pour faire quelques économies sonnantes et trébuchantes. Mais bien sûr, mon cerveau calcule forcément bien moins que celui d’un énarque.

Justement, à propos de l’ENA, bonne nouvelle, Macron-le-magnifique supprime cette école qui ne fabrique que des grosses têtes abstraites et qui a un défaut majeur : elle est devenue la bête noire des Français. Mais bien sûr, on garde les murs et les profs : c’est tout de même grâce à eux – il l’a dit– qu’il est devenu énarque. Donc murs et profs sont excellentissimes. Il va juste falloir changer de nom. Puisqu’ils parlent anglais, on pourrait proposer NAFS (National Administration French School). Ça éviterait cette manie qu’ont les gens de faire une anagramme et de prononcer ANE.

Un redéploiement des fonctionnaires sur le territoire ? Quels fonctionnaires ? Des gens compétents, intelligents, bosseurs ? On en a, bien sûr : les sous-payés et pressurisés parmi les infirmières, la police, les profs de ZEP… Mais comme ceux-là sont en sous-effectif chronique, il faudra aller piocher ailleurs, parmi ceux qui tombent en dépression s’ils dépassent les 32 heures/semaine, surtout s’ils n’ont pas encore pris leur quota annuel de congés maladie. Ces agents-là ne manqueront pas à l’administration où ils sont en surnombre, comme à Bercy, avec ses 84 km de couloirs.

Eureka ! Macron a eu une autre idée de génie. Supprimer les niches fiscales dont abusent les vilaines entreprises (trois niches sur quelques centaines ?). Mais cela ne concerne évidemment pas les multinationales qui ont financé sa campagne, et qui gouvernent de fait les pays de l’Europe via le lobbying enragé qui se déroule à Bruxelles ; celles-là savent comment ne payer d’impôt nulle part. Donc on oublie les places offshore et les paradis fiscaux et on cible les niches fiscales qui permettaient à certaines entreprises de survivre.

En sus, promis, il va renforcer l’aide aux associations. Elles sont si précieuses ! Gageons que parmi les premières servies, il y aura SOS racisme, les lobbys LGTB, les ONG cueilleuses de migrants… Ne parlons pas des associations islamiques. Il paraît même – information à vérifier – que s’il y a du surplus dans les dons pour la restauration de Notre Dame, cela ira en aide aux autres confessions… catholiques, protestantes, musulmanes (rayez la mention “évangéliques”, SVP), pour la réfection de leurs lieux de culte.

J’arrête le listing des sauvetages et miracles promis. Le France est sauvée. Voilà, tout était si simple ! Il fallait juste y penser.

«Franççççaaaiiisss, Franççççaaaiiissseeesss, vous n’avez plus besoin de RIC : une perte de temps. On réservera les référendums pour des occasions vraiment importantes.”

J’écoutais, impressionnée, ce déploiement d’intelligence.

Quand les journalistes ont commencé à poser leurs questions, j’ai eu comme un malaise. C’était si évident que ces questions avaient été soigneusement préparées, et qu’il y avait une préséance dans le droit de les poser ! Les médias les plus béni-oui-oui du pouvoir avaient la priorité. Mais après tout, n’est-ce pas de jeu ? D’ailleurs, Macron avait des petits papiers, préparés d’avance, pour répondre sans faille et sans se tromper, des fois qu’un journaliste présent, faute de vigilance des organisateurs, poserait une question piège ou trop pertinente.

Un, deux, trois, quatre journalistes, plus béats d’admiration les uns que les autres…

C’est au cinquième que je me suis écroulée. J’avais une overdose, l’intox était trop toxique. J’allais mourir, empoisonnée. Au final, j’ai fermé ma télé, et je suis allée directement me coucher. Il y avait certainement des grosses têtes, dans les partis politiques, qui, à travers leurs réactions, pourraient m’expliquer pourquoi j’avais cru mourir. Mais je n’ai lu dans leurs tweets que les mots sempiternels :

” Creux”, “assommant”, «soporifique ;»…

Seulement cela, creux… soporifique ?

Moi, je suis groggy, avec la conviction qu’il ne faudrait pas longtemps pour que la France réalise, une fois de plus, qu’elle a été entubée. Elle aussi est dans l’overdose. Comment réagira-t-elle, cette fois-ci, en s’apercevant que toutes ces promesses ne peuvent être tenues. Encore quelques milliers de gilets jaunes, affrontant les LBD, avec au milieu d’eux des blacks blocs déguisés pour aller en casser ? Ou une vague de rage absolument incontrôlable ?

J’ai bien peur de connaître la réponse.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Michelle d’Astier de la Vigerie pour Dreuz.info.

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