Publié par Abbé Alain René Arbez le 10 mai 2019

La shoah a constitué une terrifiante onde de choc pour les juifs d’Europe survivants, et c’est un véritable séisme auquel les Eglises sont confrontées dès la fin de la 2ème guerre mondiale : alors, une remise en question fondamentale s’impose.

La problématique se précise : en quoi l’interprétation traditionnelle du rapport Eglise-peuple juif a-t-elle contribué à l’extermination de masse?

Il est intéressant de voir comment cette démarche se met en mouvement, comment le concile la finalise, et, au cours des décennies on peut analyser les suites de cette nouvelle posture théologique qui est un processus de réforme par un retour aux sources du 1er siècle.

La déclaration conciliaire Nostra Aetate est donc en 1965 le marqueur de ce tournant dans les relations chrétiens et juifs.

Dès la fin de la guerre, l’Eglise catholique romaine a été littéralement saisie d’effroi devant l’ampleur sans précédent de l’assassinat massif des juifs d’Europe. L’approche théologique du judaïsme et des juifs était jusqu’alors réduite à sa plus simple expression et plutôt de tournure négative. Dans le peuple chrétien, l’affirmation courante est jusque dans les années 60 : les juifs ont mis à mort Jésus. Tous les pratiquants étaient persuadés que l’Eglise avait remplacé Israël.

Mais Nostra Aetate a pu être préparée à travers différentes étapes. L’homme-clé de cet événement, et pratiquement providentiel, c’est Jules Isaac, l’historien juif érudit. Il va à la rencontre de Jean XXIII en juin 1960 pour ouvrir un dialogue sur la manière dont l’Eglise parle des juifs. Son étude Jésus et Israël montre à quel point il a approfondi son sujet. Alors que l’Eglise catholique est en pleins préparatifs conciliaires, Jules Isaac est reçu chaleureusement par Jean XXIII juste avant que ne se mette en route l’élaboration des diverses déclarations prévues. C’est une phase préparatoire où la rencontre entre les deux hommes va être décisive pour la suite : le courant passe bien entre eux, et Jean XXIII est connu pour avoir sauvé des juifs lorsqu’il était nonce apostolique en Turquie. Jules Isaac développe devant le pape ses arguments sur l’enseignement du mépris exercé depuis des siècles par l’Eglise envers les juifs. Jean XXIII mesure clairement combien cette dérive a pu endommager les relations mutuelles. Et aboutir à une catastrophe.

Jules Isaac a préparé un dossier précis à présenter au pape : il contient 1/ un programme de modification de l’enseignement chrétien sur Israël, 2/ la contestation du mythe de la dispersion d’Israël comme châtiment après la mort du Christ, 3/ des extraits du Concile de Trente indiquant que l’accusation de déicide est contraire à la vraie tradition catholique (le concile disait que la mort de jésus n’est pas imputable aux juifs mais à tous les êtres humains des origines à aujourd’hui).

Jean XXIII désire profondément un aggiornamento de l’Eglise dans un monde en mutation. Il va enclencher une révision totale de l’enseignement catholique à l’égard des juifs.

Comment s’est mise en place cette phase décisive ?

Plus lointainement, on se souvient de la prise de position de Pie XI : l’encyclique « mit brennender Sorge » qui dénonce le caractère anti-chrétien de l’idéologie nazie. Un décret du pape condamne comme erreurs les axiomes principaux du nazisme selon Hitler : ° le sang, siège des caractéristiques raciales et source des qualités humaines. ° l’instinct racial, fondement décisif de l’ordre juridique ° la préservation de la race aryenne, par la pureté du sang.

En septembre 1938, le pape Pie XI attaque frontalement cette idéologie nazie où on se manifeste l’obsession antijuive. C’est à l’occasion d’un pèlerinage belge que le pape déclare : « l’antisémitisme, nous ne pouvons le supporter ! c’est un mouvement révoltant, c’est un vice auquel un chrétien ne peut prendre part : car spirituellement, nous sommes des sémites », tout en condamnant toute forme de haine raciale ou ethnique.

(La théorie d’Hitler reposait essentiellement sur les thèses de Darwin : et son origine des espèces, où le postulat est que le moteur de l’évolution, c’est la survie des races supérieures, c’est à dire celles qui étant les plus fortes seront seules à survivre sur les autres.)

L’étape préparatoire pour l’engagement de Jean XXIII :

Seelisberg

En 1947, à Seelisberg, en Suisse, une rencontre réunit quinze personnalités juives et chrétiennes, parmi lesquelles on peut citer le Grand Rabbin Safran, l’historien Jules Isaac, et l’abbé Charles Journet, futur cardinal. Je rappelle quelques uns de ces points qui ouvraient la voie à une réévaluation théologique des Eglises chrétiennes dans leur relation au judaïsme.

Ces propositions aujourd’hui peuvent nous paraître assez timides, et elles posent en tout cas une vraie question : comment une tradition dont les fondateurs et toutes les racines sont dans le judaïsme a-t-elle pu développer un refoulement aussi féroce de sa propre origine. Dans un christianisme issu du judaïsme, quel basculement a provoqué la déjudaïsation de Jésus et des écrits évangéliques au point de créer un mode de pensée anti-juif et meurtrier ?

Aussitôt après Seelisberg, laboratoire d’idées préparant la suite, Jules Isaac intervient en 1949 auprès du pape Pie XII pour qu’on modifie la prière du vendredi saint. (Ce qui sera fait en 1959 par Jean XXIII)

Avec la déclaration Nostra aetate peuvent se structurer des conditions nouvelles en faveur de relations constructives entre chrétiens et juifs. Prévu au départ pour être un texte en soi sur les juifs, Nostra Aetate a dû s’intégrer dans un ensemble interreligieux. Il s’est avéré impossible de finaliser un texte indépendant, et ce qui a subsisté aux multiples amendements successifs a été rattaché à un texte plus global sur les religions. La motion a tout de même été officialisée le 28 octobre 1965 à la majorité de 2221 voix pour et 88 voix contre, pour affirmer solennellement le lien vital unissant l’Eglise au peuple juif d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Il faut bien reconnaître que le contentieux, depuis 19 siècles, était considérable, en termes aussi bien humains que théologiques.

Nostra Aetate, une nouvelle orientation officielle de l’Eglise, c’est un enseignement d’abord dirigé vers les catholiques. Après Jean XXIII, le processus continue, et la perspective est poursuivie et approfondie par les papes suivants, Paul VI et surtout Jean-Paul II, qui a fait plus en 28 ans que tous ses prédécesseurs des siècles antérieurs réunis…

D’autres changements parallèles issus du concile ont contribué au déverrouillage des concepts, à une évolution des mentalités chez les catholiques : par exemple, la réforme liturgique, qui a rétabli la lecture de l’Ancien testament, (la Bible hébraïque) chaque dimanche, ainsi qu’aux célébrations de semaine. Auparavant, ce n’était qu’une fois par année, pour Pâques !

Des changements dans le matériel pédagogique de catéchèse auprès des enfants sont allés dans le même sens. Les jeunes ont appris à découvrir l’ensemble de l’histoire sainte, le rôle fondamental d’Israël, et ils ont mieux compris que tout ne commence pas de zéro avec la personne de Jésus de Nazareth, mais qu’il y a eu d’abord un peuple élu, une alliance, des prophètes, une attente messianique.

La promulgation de Nostra aetate en 1965 par le pape Paul VI, c’est donc le résultat d’étapes antérieures. On a parlé de Seelisberg. Après le traumatisme de la Shoah, l’historien Jules Isaac prend l’initiative d’aller personnellement à la rencontre du pape Jean XXIII, c’est alors que ce dernier met sous la présidence du cardinal Bea une commission de travail, avec en particulier Mgr John Oesterreicher, un prélat d’origine juive ayant fui le régime nazi et fondé aux USA l’Institut d’Etudes judéo-chrétiennes.

Le Concile Vatican II s’emploie à redéfinir d’abord l’identité de l’Eglise, puis dans ce cadre clarifié, la relation de l’Eglise avec les juifs. L’initiative en revient  à Jean XXIII  et après sa mort, le pape Paul VI prend le relais et il fait le forcing pour que soit définitivement tournée la page de l’accusation de déicide qui a fait tant de dégâts au cours des siècles. C’est donc sous la responsabilité de Paul VI que s’écrit la septième version du texte remanié pour clore ce chapitre en 1965, malgré certaines réactions hostiles des patriarches arabes.

Substitution

Ce qui va de pair avec la notion de déicide, c’est la renonciation par l’Eglise à la théorie de la substitution. Selon cette ancienne approche, l’Eglise aurait remplacé Israël, et elle devenait ainsi le verus Israel, le vrai Israël. Ce qui voulait dire que le peuple juif originel avait pour ainsi dire été disqualifié par Dieu et condamné à l’errance par châtiment divin.

Le concile Vatican II laisse de côté cette ancienne doctrine (absente du nouveau testament), doctrine qui en réalité n’a jamais constitué un dogme officiel mais plutôt une coutume de pensée inopportune, déficiente spirituellement, et élaborée au fil des discordes entre communautés dans les premiers siècles.

Sans faire un commentaire exhaustif du texte, retenons cette phrase :

« Scrutant le mystère de l’Eglise, le concile se souvient du lien spirituel qui unit le peuple du Nouveau testament à la lignée d’Abraham ».

Cette affirmation qui reconnecte les deux testaments révèle un vide théologique intervenu après la séparation des 1er et 2ème siècles entre juifs et chrétiens.  Que restait-il alors de l’existence juive, pour la pensée chrétienne ? On s’était vite aligné sur St Augustin et sa vision négative, lui qui, dans sa Cité de Dieu, présente les juifs comme témoins nécessaires pour la foi mais témoins de leur propre disqualification.

Or, voici que N.Ae replace l’Eglise dans la ligne positive du mystère de l’élection qui constitue le peuple juif. Dans cette vision initiale restituée, l’Eglise ne se substitue pas à Israël et Israël garde toute la dignité de sa mission spécifique.

En réaffirmant la permanence d’Israël, l’Eglise affirme en même temps que dans le projet de Dieu, elle n’est qu’au service de l’humanité et donc qu’elle n’est pas son propre but pour elle-même. On s’éloigne de la fameuse phrase de Loisy : on attendait le royaume de Dieu et c’est l’Eglise qui est arrivée !

Le Concile veut rappeler, en se référant à Paul dans l’épître aux Romains, que les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables et que, par conséquent, ce que Dieu a offert et confié à Israël est toujours valable et mérite le respect des chrétiens. La petite phrase de Paul le résume : « Ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte ! »

On se souvient combien les accusations de déicide et les malédictions proférées envers les juifs ont provoqué tant de tragédies au cours des siècles (pogroms, discriminations, massacres, spoliations, dépor-tations, conversions forcées).

Or Nostra Aetate insiste bien pour dire que Dieu n’a jamais rejeté son peuple ; et après avoir annulé ces notions dangereuses de substitution et de déicide, le texte exhorte les pasteurs et les catéchistes à l’expliciter désormais régulièrement dans la catéchèse et la prédication.

Osana

Ensuite, à Rome, en 1974, arrive la publication d’un autre document qui veut approfondir les choses dans le même sens, sous la responsabilité du pape Paul VI. Il s’agit de Orientations et suggestions pour l’application de Nostra aetate.

Son introduction condamne de manière très forte « toute forme d’antisémitisme comme opposée à l’esprit même du christianisme ».

Il invite ensuite les chrétiens à « mieux connaître les composantes de la tradition juive, et à apprendre par quels traits les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité vécue».

Jean-Paul II

Pope John Paul II greets Rabbi Elio Toaff at Rome’s main synagogue April 13, 1986.

L’étape la plus décisive comme suite du processus Nostra Aetate : en 1978 est élu évêque de Rome un Polonais, Karol Wojtyla qui ne veut pas perdre de temps sur ce chemin de la réconciliation judéo-chrétienne. Dès 1979, l’ancien archevêque de Krakovie se rend en pèlerinage à Auschwitz, où il honore solennellement la mémoire des juifs massivement assassinés par le régime nazi.

Dans les nombreux déplacements qu’il fera en Europe et ailleurs dans les 5 continents, Jean Paul II tiendra toujours à rencontrer la communauté juive locale. Le Pape ne veut pas qu’on s’imagine qu’il a envers les juifs une considération de type archéologique : comme s’il n’avait d’intérêt que pour les juifs d’il y a 3000 ans, ou pour les juifs disparus lors de la Shoah ; en plus du devoir de mémoire et de respect du passé, il veut que les catholiques prennent en considération les juifs vivants d’aujourd’hui.

A Mayence, en 1980, une petite phrase provoque des réactions, parce qu’elle rompt avec les perspectives habituelles. Dans un discours, JP II évoque l’alliance de Dieu avec Israël, comme « alliance jamais révoquée ». Lors de sa visite à la synagogue de Rome, en 1986, le pape répond aux paroles de bienvenue du grand rabbin Elio Toaff : « Vous êtes nos frères aînés. Pour les chrétiens, la foi juive n’est pas extérieure, mais intérieure ».

Quelques années plus tard Jean-Paul II va poursuivre dans cette ligne en affirmant que l’eucharistie chrétienne elle-même est incompréhensible sans référence à l’alliance du Sinaï.

En 1985, paraît un nouveau document romain, sur le même sujet, qui traduit par son titre l’insuffisance de la prise de conscience qu’aurait dû générer Nostra Aetate dans l’Eglise et dans son fonctionnement sur le terrain des paroisses. Ce sont des directives pour la pastorale.

Ce titre est :

Notes pour une présentation correcte des Juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse.

Autrement dit, vu le titre : les prêtres et les catéchistes n’ont pas encore suffisamment su mettre en valeur la judéité de Jésus et la fraternité en alliance des chrétiens avec les juifs. (Il est vrai que ce document n’a rien perdu de sa pertinence. Les arguments sont cette fois plus musclés. Six thèmes sont abordés :

  • enseignement religieux et prédication
  • rapports entre ancien et nouveau testaments
  • racines juives du christianisme
  • les juifs dans le nouveau testament
  • la liturgie et ses sources juives
  • judaïsme et christianisme dans l’histoire

Est donc réaffirmée dans ce texte la nécessité pour les catholiques de prendre en compte sérieusement la dimension du judaïsme dans la catéchèse, puisque les deux visions religieuses sont liées dans leur identité même. De ce fait, les juifs et le judaïsme doivent occuper une place centrale et non marginale ou occasionnelle dans la catéchèse et la prédication. (J’invite ici certains lecteurs de Dreuz à constater que – en tant que prêtre obéissant – je ne fais que mon devoir !…)

Le texte insiste aussi sur le fait que cet enseignement positif sur le judaïsme auprès des jeunes et des adultes est seul capable de déraciner l’antisémitisme dans les mentalités héritées du passé.

Cette idée fera son chemin puisque la commission biblique pontificale va publier en 2001, avec préface de Joseph Ratzinger, « Le peuple juif et ses saintes Ecritures dans la Bible chrétienne ».

Les chrétiens soient encouragés à s’intéresser de près à l’approche spécifiquement juive des livres de la Bible hébraïque lorsqu’ils étudient l’Ecriture. Autre document officiel de l’Eglise catholique, pas assez connu lui aussi…

Cette recommandation aurait été évidemment impensable dans la perspective antijudaïque héritée de certains Pères de l’Eglise : ils estimaient que les juifs aveuglés avaient perdu le sens de l’Ecriture. On connaît ces statues des cathédrales gothiques (comme à Strasbourg) où deux femmes côte à côte représentent la Synagogue et l’Eglise : l’une avec les yeux bandés, le judaïsme, et l’autre les yeux ouverts, le christianisme. On mesure donc à travers ce texte de 2001 la révolution théologique qui s’est réalisée suite à Nostra Aetate depuis ces longues périodes discriminatoires facteurs d’incompréhension et de haine.

Autre partie essentielle de ce document des Notes pour une présentation correcte de 1985, c’est la réflexion sur Jésus et sa pleine appartenance à la religion juive. Il est rappelé avec force que ce n’est pas par accident que Jésus est juif. Il est né et mort juif.

D’où l’intérêt de la partie du texte qui, à la lumière de cette évidence, analyse la présence de clichés négatifs envers les juifs dans le Nouveau Testament.

On en donne quelques éclairages, qui montrent que le problème est d’ordre rédactionnel dans les évangiles. Les lectures négatives de ces passages sont anachroniques. En effet, les accents polémiques envers les juifs sont bien postérieurs à Jésus et datent de la fin du premier siècle, en période troublée sous pression romaine.

Et il est aussi demandé dans le document de ne pas confondre les juifs de cette époque lointaine avec ceux d’aujourd’hui, au sens où la situation n’est pas semblable et les amalgames seraient mal venus.

Enfin la partie finale aborde la question sensible du lien très fort des juifs à la terre d’Israël. Le texte précise que cet attachement à la terre d’Israël plonge ses racines dans la tradition biblique elle-même, et que le don de la terre fait partie intégrante de l’alliance. Nous connaissons la salutation célèbre : « L’an prochain à Jérusalem ! ». En 1993, 5 ans plus tard, le Saint-Siège reconnaîtra l’Etat d’Israël.

L’enseignement du pape Jean Paul II en personne est un élément–clé dans les changements survenus en trois décennies, entre l’après-concile et la période actuelle.

Son geste de prière au mur du Kottel en l’an 2000, suivi de son recueillement à Yad Vashem, sont des images qui parlent d’elles-mêmes et qui ont fortement marqué les esprits. Elles ont manifesté qu’un changement était réellement intervenu dans les relations entre Eglise catholique et peuple juif.

On le perçoit bien lorsque le pape affirme : « qui rencontre Jésus Christ rencontre le judaïsme ! » Ou lorsqu’il dit : « la rencontre entre le peuple de l’ancien testament  et celui du nouveau est en quelque sorte un dialogue interne entre la première et la deuxième partie de la Bible… »

Ce que Jean-Paul II a souhaité, c’est que chrétiens et juifs se rencontrent fraternellement et puissent échanger en profondeur à partir de leur identité et de leur tradition respectives.

Il a également voulu clarifier pour les chrétiens comme pour les juifs la position théologique de l’Eglise qui refuse catégoriquement tout marcionisme, c’est-à-dire toute disqualification de l’ancien testament. L’affirmation bien connue selon laquelle le Dieu de l’ancien testament est un dieu vengeur et violent et celui du nouveau testament un Dieu bon et miséricordieux ne tient pas la route.

Lors d’une assemblée plénière, JP II déclare : « Priver le Christ de son rapport à l’ancien testament, c’est le détacher de ses racines et vider son mystère de tout sens. Pour être significative, l’incarnation a besoin de s’enraciner dans des siècles de préparation.

Autrement, le Christ aurait été un météore tombé accidentellement sur la terre et privé de tout lien avec l’histoire. »

Alliance et mission

Dans cet élan impulsé par le pape JP II, eurent lieu de multiples rencontres de haut niveau entre juifs et chrétiens.

Des sessions ont été organisées conjointement par le Congrès juif européen et le Vatican à Paris en 2001 et 2002. Une autre significative elle aussi a été organisée aux USA en 2002, sous l’égide du conseil épiscopal pour l’œcuménisme et du conseil national des synagogues, dont le thème était : « Alliance et mission ».

C’est lors de ce colloque coprésidé par les autorités rabbiniques et les cardinaux qu’a été exprimé du côté catholique l’affirmation selon laquelle l’Eglise catholique n’a aucune intention de convertir les juifs. Pour la simple raison que la mission prioritaire de l’Eglise consiste à faire découvrir le vrai Dieu aux personnes immergées dans le paganisme… en tenant compte du fait que ce vrai Dieu est celui d’Israël, celui enseigné par Jésus Christ, le Dieu d’Abraham, de Moïse et des prophètes israélites.

Ce qui veut dire que l’Eglise refuse d’appliquer aux juifs ce qui structure sa mission dans le monde païen. Il est affirmé dans le même document que les juifs ont eux-mêmes tous les moyens de salut voulus par Dieu, puisque l’alliance est toujours vivante.

Cette position ne nie pas la différence de foi, mais elle nie l’antagonisme des siècles antérieurs et en refusant tout prosélytisme, elle rappelle avec humilité que c’est d’Israël que l’Eglise a reçu le contenu de sa foi, une foi dont elle assume l’interprétation qu’elle en fait, mais sans plus jamais se permettre de l’imposer à qui que ce soit. L’Eglise ne s’affirme pas présente à la place d’Israël, mais présente aux côtés d’Israël.

Dernière référence de texte officiel, oecuménique cette fois, c’est la déclaration Charta Oecumenica signée par les représentants d’Eglises chrétiennes en Europe en 2001 et réactualisée en Suisse récemment encore. Le document invite les chrétiens au § 10 à vivre « en communion avec le judaïsme ».

En conclusion, il ne s’agit pas ici de donner une vision idyllique du rapprochement, puisque, si beaucoup a été fait, tout reste encore à poursuivre, mais il s’agit de montrer à travers ces documents officiels d’Eglise, la nouvelle dynamique théologique qui oriente les relations entre chrétiens et juifs.

L’échange de messages entre Benoît XVI et la communauté juive après son élection, la visite du pape allemand à la synagogue de Cologne, et son discours très engagé vers une fraternité retrouvée, beaucoup de signaux indiquent que le cheminement judéo-chrétien ou christiano-juif poursuit ses étapes, et que comme le disait un poète latino américain, le chemin n’existe qu’avec chaque pas que l’on pose l’un après l’autre.

Je pense qu’on peut conclure notre réflexion avec la phrase provocatrice lancée par le cardinal Etchegaray, et qui résume assez bien l’enjeu et le défi des attitudes chrétiennes actuelles :

« Tant que le judaïsme restera extérieur à notre théologie et à notre histoire, nous serons en germe des antisémites ! » La suite concrète de cet appel va être donnée par le document « LesDons et l’Appel de Dieu sont irrévocables » élaboré par la Commission biblique pontificale.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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