Publié par Abbé Alain René Arbez le 14 mai 2019

Après deux mille ans de culture chrétienne, il est bien difficile de se faire une idée exacte du nom originel des grands personnages bibliques. En effet, la première qehila des disciples du rabbi Yeshouah a pris par la suite le nom d’ecclesia après l’arrivée massive des membres de culture hellénistique dans les communautés messianiques. Puis l’universalisation du mouvement de Jésus en direction de l’Asie mineure, de Rome et de la Grèce a transformé les noms hébraïques d’origine en noms hellénisés ou entièrement modifiés, à tel point qu’il faut faire une recherche pour retrouver les originaux. La francisation des noms propres de la Bible hébraïque et du Nouveau Testament fait perdre de vue l’identité et la culture originelle de ces personnages qui ont eu une fonction significative dans l’historique de la révélation.

La Bible Chouraqui s’est donné pour but de restituer la tonalité des noms et des expressions originelles. Quant aux psaumes, le travail bilingue de Patrick Calame et Frank Lalou nous restitue toute la saveur spirituelle de ces prières juives reprises quotidiennement depuis deux mille ans dans les communautés chrétiennes. Il vaut la peine également de découvrir le travail de Claude Tresmontant avec sa traduction des évangiles en fonction du texte hébreu primitif reconstitué.

A moins de tenir à une modification d’apparence « judenrein » comme du temps du 3ème Reich, retrouvons le sens originel des noms bibliques :

Moïse est Moshè : sauvé des eaux (meshitihou expression correspondant aussi à un mot égyptien signifiant enfant).

Isaïe est Yeshayahou : Yahvé sauve. (Les protestants l’appellent Esaïe afin de ne pas le confondre avec le père de David Isaï, Jessé pour les catholiques).

Jérémie est Yirmyahou : celui que Yahvé a désigné.

Sophonie est Tsefanyah : Yahvé a protégé.

Néhémie est Nehemyah : Yahvé a consolé. (Même racine que Menahem, consolateur, qu’on retrouve dans Kfar nahum, le hameau du consolateur, où Jésus a habité).

Osée est Hoshea : Yahvé sauve. La racine hosh se retrouve dans Yehoshua et dans l’appel Hoshanna (hosanna).

Josué est Yehoshuah : Yahvé sauve. Contracté en Yeshouah, c’est ce qui a donné Iesous en grec puis Jesus en latin.

Juda est Yehuda : Yahvé est loué, remercié. 4ème fils de Jacob et Lea, appelé ainsi en remerciement à Dieu ; Yehuda donnera son nom à la Judée. Le juif est celui qui remercie Dieu (au contraire des païens qui amadouent les divinités instrumentalisées). La même racine (odeh, merci et yehodot, remercier) donnera sa  désignation initiale à l’eucharistie (action de grâces) des disciples de Jésus, appelée « toda » dans sa version hébraïque première.

Jacob, puis Jacques : Yaacov. Il a tenu son frère par le talon. Ce nom a pris le sens de Yahvé soutient. C’est le patriarche qui recevra le nom d’Israël. Il y a plusieurs Jacques dans le Nouveau Testament. Un des premiers disciples, avec son frère Jean, les deux travaillant comme pêcheurs sur le lac Kinnereth avec leur père Zabdaï.

Jean est Iohanan : Yahvé fait grâce. Il y a plusieurs Jean, c’est un nom courant. Le 4ème évangile porte ce nom, mais les exégètes doutent fort que l’auteur soit le même Jean que le disciple des récits évangéliques. Un Jean célèbre est le Baptiste, prêtre fils de Zakarie, qui purifie en signe de teshuva au bord du Jourdain au lieu d’officier au temple tenu par les Sadducéens.

Zakarie est Zekharyah : Yahvé garde en mémoire. Le zakhor est plus qu’un souvenir du passé, c’est une actualisation d’un événement pour aujourd’hui. Jésus a institué pour ses disciples son mémorial pascal d’action de grâces comme un zakhor et une toda appellation antérieure à eucharistie, mot grec)

André est Amotz : fort et courageux. Frère de Simon Pierre, son nom dans les évangiles est grec : André, de andros, viril. C’est la traduction hellénique du nom hébreu Amotz.

Philippe : nom grec, qui aime les chevaux. On ignore son véritable nom hébraïque d’origine. Il est ami d’enfance de Pierre et André (ou Shimon et Amotz).

Marc est en fait le surnom romain d’un Yohanan. Le livre des Actes l’appelle Jean-Marc. Marcus signifie marteau, c’est la traduction du nom hébreu maccabi, comme un certain Yehuda maccabi, résistant du temps de l’occupation séleucide d’Antiochus Epiphanos en terre d’Israël.

Nicodème est le nom hellénisé de Nakdimon ou Nikdamon ben Gurion, pharisien et notable important dans la communauté. Son nom signifie : celui qui va de l’avant. C’est à lui que Jésus recommande de naître de l’eau et de l’Esprit.

Luc vient du grec leukos, brillant, ou du latin lux, lumière. C’était soit un païen converti soit un juif de la diaspora. Son nom hébreu serait logiquement Elior, Le Seigneur est lumière.

Pierre est le surnom donné par Jésus à Shimon bar Yona (Simon fils de colombe). Shimon est de la même racine que shema : qui est à l’écoute. Son nom hébreu originel était Eben, Pierre, traduit dans un second temps en araméen par Kepha.

Marie est Myriam. C’est d’abord le nom de la sœur de Moïse et Aaron, première prophétesse. C’est elle qui prend le tambourin pour chanter le Chirat hayam, le chant de la mer, après la traversée salvifique du peuple d’Israël. Il y a plusieurs sens possibles à ce nom : ainsi, mar évoque le maror, l’amertume, signifiée par les herbes amères dans le seder pascal en souvenir des épreuves endurées. Yam est la mer. C’est le nom de la mère de Jésus, Yeshouah. L’ange Gabriel la salue : « shalom, lekh Myriam ! ».

Paul est Schaoul. Hébreu né d’hébreux, instruit à la meilleure école pharisienne de Jérusalem, comme il se définit lui-même. Paulus signifie petit. C’est donc Schaoul Ha Katan, son nom originel. Il parcourra de nombreuses régions pour propager l’annonce de la résurrection, en particulier dans les synagogues de la diaspora.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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