Publié par Jean-Patrick Grumberg le 14 mai 2019

Dimanche prochain, la Suisse tiendra un référendum pour décider si elle doit renforcer ses lois sur les armes à feu.

Dans un contexte de recrudescence des attentats islamistes, les simples citoyens doivent-ils pouvoir se défendre, voilà une des questions au centre du référendum suisse, dans un pays où les citoyens se sentent généralement très à l’aise avec les armes.

Le référendum à venir porte en réalité autant sur les relations de la Suisse avec l’Union européenne que sur le contrôle des armes à feu.

Il vise à décider si le pays doit durcir ses lois sur les armes à feu en adoptant la directive révisée de l’Union européenne sur les armes à feu.

Les nouvelles règles de l’UE pour les propriétaires suisses d’armes à feu

  • En 2017, après une vague d’attentats terroristes meurtriers dans toute l’Europe, le Conseil européen et le Parlement européen ont approuvé des modifications de la législation européenne sur les armes.
  • Ces modifications comprennent l’interdiction de certains types de pistolets, revolvers et fusils semi-automatiques capables de tirer un grand nombre de balles dans un court laps de temps.
  • En d’autres termes, l’UE vise à désarmer les honnêtes citoyens, tandis que les terroristes ne seront affectés ni par la loi, ni par l’interdiction, puisqu’ils se fournissent auprès de réseaux clandestins.
  • La directive demande également que tous les composants essentiels des armes soient clairement étiquetés et enregistrés électroniquement pour aider la police à déterminer d’où proviennent les armes.

Pour la Suisse

Si les électeurs suisses soutiennent les nouvelles règles de l’UE, le pays ne sera pas tenu d’interdire toutes les armes contenant des chargeurs de grande capacité, mais elle devra mettre en place de nouvelles règles plus restrictives en ce qui concerne leur propriété.

Pourquoi la Suisse vote-t-elle ?

En tant que membre de l’espace Schengen – un groupe de pays européens sans contrôle aux frontières – la Suisse est légalement tenue d’adopter les nouvelles règles de l’UE sur la possession d’armes à feu. En fait, le gouvernement et le parlement suisses ont déjà apporté leur soutien à la directive révisée de l’UE sur les armes à feu.

Le référendum sur cette question a lieu parce que le groupe d’intérêt suisse pour les armes à feu, soutenu par l’UDC (Parti populaire suisse) conservateur, a lancé une initiative populaire appelant les électeurs suisses à rejeter la directive européenne.

La commission à l’origine de cette initiative a recueilli le nombre de signatures nécessaire pour déclencher un référendum dans le cadre du système unique de démocratie directe de la Suisse.

Pourquoi les défenseurs de la liberté suisse s’opposent-ils aux changements de l’UE ?

Les changements prévus ont touché un nerf parmi les propriétaires d’armes à feu. Le pays a une forte tradition d’adresse au tir et le service militaire obligatoire signifie que beaucoup de gens sont à l’aise avec les armes.

L’organisation Swiss Shooting, par exemple, compte plus de 130’000 membres et propose même des cours de tir à l’air comprimé d’initiation pour les enfants de huit ans et plus.

  • Selon l’organisation Small Arms Survey, basée à Genève, on estime à 2 300 000 le nombre d’armes détenues par des civils en Suisse, soit un peu plus d’une arme pour quatre habitants (bien que le nombre réel soit difficile à établir, car de nombreuses armes ne sont pas enregistrées).
  • L’achat d’une arme n’est pas particulièrement difficile en Suisse, et la police rapporte qu’il y a eu une augmentation de la demande de permis d’armes à feu à travers le pays depuis la montée de la menace islamiste.

Dans ce contexte, le comité qui a lancé l’initiative du référendum du 19 mai a décrit la directive révisée sur les armes à feu comme un “diktat du désarmement de l’UE”, arguant qu’il s’agit d’une attaque contre les droits des propriétaires d’armes.

Les opposants aux règles de l’UE déclarent qu’elles ne font rien pour lutter contre le terrorisme ou la criminalité. Ils expliquent en toute logique que ces changements mettraient fin à la forte tradition du pays en matière de tir à la cible en rendant l’accès aux armes plus difficile pour les gens, mais n’affecteraient en rien l’accès aux armes pour les islamistes et criminels.

En outre, l’article 17 de la directive européenne sur les armes à feu, qui prévoit un mécanisme de réévaluation de la législation européenne sur les armes à feu tous les cinq ans, suscite de vives inquiétudes.

Les amateurs d’armes à feu en Suisse craignent de voir leurs droits progressivement érodés par l’application automatique de cet article à l’avenir.

Quels sont les enjeux ?

Le gouvernement suisse avance qu’aux termes de l’accord de Schengen entre l’UE et la Suisse, la Suisse “pourrait”, en théorie – cela n’est pas du tout certain – être séparée de la famille Schengen si elle ne se soumet pas aux nouvelles règles sur les armes à feu.

Le gouvernement ajoute, toujours au conditionnel – et cela fait beaucoup de conditionnel – que cela “pourrait” coûter des milliards de francs par an à l’économie suisse.

L’Office fédéral de la police ajoute lui que la Suisse serait privée d’informations clés en matière de sécurité et de criminalité accessibles via le Système d’information Schengen, reconnaissant ainsi que la menace augmenterait si les Suisses renoncent à la protection de leurs armes.

Le gouvernement “prévient” que l’immigration pourrait augmenter

Cet autre argument est intéressant : alors que le gouvernement s’échine à faire croire que l’immigration est une bonne chose, il s’en sert au contraire comme un épouvantail pour faire pression sur les citoyens.

Il explique, et là encore il s’agit d’une hypothèse et non d’une réalité, que la perte du statut Schengen “pourrait” également avoir un effet accélérateur sur l’immigration car, en tant que pays non Schengen, la Suisse cesserait d’être couverte par le règlement dit de Dublin.

De quoi s’agit-il ?

  • En vertu des règles de Dublin, les demandeurs d’asile ne peuvent demander la protection qu’à un seul État membre de l’UE.
  • Si la Suisse n’était plus couverte par ces règles, les demandes d’asile pourraient connaître un pic, car les demandeurs d’asile déboutés d’autres pays de l’UE pourraient alors faire une nouvelle escale en Suisse.
  • Mais le gouvernement s’arrête au plus court, et s’abstient de préciser que si des illégaux ont été refoulés de l’UE, ils savent risquer un probable refus en Suisse, réduisant d’autant le supposé “pic”.

Le gouvernement suisse est-il totalement honnête vis-à-vis des préoccupations propriétaires d’armes à feu ?

  • Le gouvernement affirme que la culture du tir en Suisse n’est pas menacée par l’adoption de la directive de l’UE.
  • Il fait remarquer que l’UE a déjà accordé à ce pays un certain nombre de concessions importantes, énoncées à l’article 6 de la directive européenne sur les armes à feu :
    • elles permettent aux soldats suisses de continuer à emporter chez eux, à la fin de leur service militaire, leurs armes de service, qui ont des chargeurs de grande capacité.
    • Elles offrent à toute personne en Suisse qui possède actuellement ce type d’armes (en particulier les fusils d’assaut SIG SG 510 et SIG SG 550) la possibilité de les conserver, mais elle sera tenue d’enregistrer ces armes auprès des autorités cantonales dans un délai de trois ans.
    • Evidemment, l’enregistrement facilite grandement la possibilité, dans le futur, d’une confiscation massive ou d’un rachat rendu obligatoire. Le gouvernement ne dit rien là-dessus.
  • Les personnes qui souhaitent acheter des armes à chargeur de grande capacité pour le tir à la cible pourront également le faire à l’avenir, bien qu’elles devront obtenir un “permis d’exemption” pour utiliser ce qui est essentiellement une arme interdite dans l’UE.
  • Pour obtenir un tel permis, les propriétaires de ces armes devront prouver qu’ils sont membres d’un club de tir ou qu’ils sont des tireurs sportifs réguliers (dans ce cas, le terme “réguliers” signifie qu’ils ont fait du tir à la cible au moins cinq fois au cours des cinq dernières années).
  • Cependant, les amateurs de tir disent que les nouvelles règles sont beaucoup plus restrictives. Ils entraîneront un cauchemar bureaucratique et une diminution du nombre de tireurs sportifs en Suisse.

Quels groupes s’opposent aux règles plus strictes de l’UE en matière de contrôle des armes à feu ?

  • Le Swiss Shooting Interest Group,
  • L’UDC,
  • La Société suisse des officiers (SOG),
  • La Société suisse des sous-officiers (SUOV),
  • L’association de chasse Hunting Switzerland,
  • Le groupe pro-gun Pro Tell,
  • Le Swiss Rifle Makers
  • Sellers Group (SBV).
  • Et plus généralement toute personne éprise de liberté, tout conservateur qui souhaite limiterl’augmentation tentaculaire du pouvoir de l’Etat fédéral.

Qui soutient l’adoption de la directive sur les armes à feu par la Suisse ?

Le gouvernement, le parlement, la police et l’armée suisses, plusieurs partis politiques suisses, à l’exception de l’UDC.

Des syndicats et organisations touristiques et hôtelières, souhaitent également que la Suisse adopte la nouvelle réglementation.

Et plus généralement les personnes qui penchent à gauche, les socialistes et européistes et souhaitent que l’Etat retire aux citoyens une partie croissante du contrôle sur leur vie, une part croissante de leur liberté de vivre selon leurs propres décisions.

Comment les gens sont-ils susceptibles de voter ?

Près des deux tiers des électeurs (65%) se déclarent “définitivement en faveur” ou “généralement en faveur” de l’adoption de la mesure européenne.

Conclusion

Chaque fois que le gouvernement tente d’accroître son pouvoir, et une autorité renforcée, cela ne profite qu’à la bureaucratie, jamais aux citoyens. L’UE a largement fait les preuves depuis quarante ans de sa tendance excessive à régenter la vie des gens jusque dans les moindres détails, leur retirant peu à peu leur autonomie de décision sur leur propre vie. Tout laisse à penser que les eurocrates ne s’arrêteront pas là.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.


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