Publié par Abbé Alain René Arbez le 29 mai 2019

Jésus a repris la célèbre phrase du Lévitique « Aime ton prochain comme toi-même ». Il l’a connectée à l’amour de Dieu proclamé dans le Shema Israël : « Ecoute Israël, le Seigneur est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces et de toute ton âme… ».

Cette relation divine donne à l’amour du prochain une prééminence considérable. Comment en effet aimer Dieu sans aimer le prochain simultanément ? Il n’est pas question de remettre en cause l’hospitalité ou la compassion, mais pour que cela se réalise dans des conditions viables, il faut d’abord clarifier certaines questions.

Qui est le prochain ? Dans l’histoire biblique, où apparaissent les principes de vie ci-dessus mentionnés, il n’y a pas que le compatriote : même le guer, l’étranger venu de loin, l’étranger de passage, est accueilli, à condition qu’il respecte les lois du pays d’accueil et, s’il y demeure durablement, qu’il s’assimile. C’est l’exigence de base.

Il y a d’ailleurs toujours eu en Israël des sentinelles pour avertir sur les dangers de pratiques exogènes et idolâtriques. Ces influences extérieures infiltrées par l’arrivée d’étrangers risquant de provoquer rapidement de graves problèmes de cohésion dans la communauté. La diversité ne peut donc pas être un faux fuyant qui n’aurait pour objectif masqué que de dissoudre l’unité. La défense universelle de la planète ne peut pas servir de prétexte à la dissolution des peuples particuliers, car l’universel n’existe pas sans les particularités localisées.

L’amour du « prochain » est donc primordial. Aime ton prochain « comme toi-même »… La nuance est essentielle : si un être ou un peuple ne s’aime pas soi-même, il sera bien incapable d’aimer un autre, appelé par les circonstances à devenir proche.

Sans estime de soi, l’ouverture à l’autre est illusoire. Ces carences de l’être peuvent faciliter des instrumentalisations malsaines. De ce fait, un pays qui renie sa propre identité (histoire et culture) n’est plus en mesure d’assurer un accueil à des étrangers. On se retrouve dans cette configuration lorsque paradoxalement des autochtones doivent se faire eux-mêmes « accueillir » et se faire accepter dans leur propre pays par des individus ou des groupes venus d’ailleurs avec des pratiques ouvertement hostiles à la culture locale.

Certains diront : mais la parabole du bon Samaritain nous démontre qu’on doit se faire le prochain de celui qui au départ ne l’était pas ! En effet le Samaritain a fait le choix de se faire le prochain du Judéen blessé à terre, alors que tout s’y opposait en raison de la mésentente entre leurs deux collectivités. Précisément, on peut comme dans cette histoire évangélique se faire le prochain d’un autre, mais ce n’est possible que par libre choix spirituel ou humanitaire. Cet autre devient prochain parce qu’on l’a voulu, cette proximité n’est pas imposée, elle est choisie librement. Le respect de l’altérité est une constante dans toute la tradition biblique, mais cela suppose une colonne vertébrale. Et du discernement.

Beaucoup de graves tensions existent aujourd’hui lorsque la présence de familles ou d’individus venus d’ailleurs est imposée de force sans l’assentiment des citoyens du pays d’accueil, et sans conditions préalables de réciprocité dans les droits et les devoirs. Les faits divers illustrent quotidiennement ce décalage et ce danger, c’est pourquoi il serait intellectuellement malhonnête d’instrumentaliser « l’amour du prochain » pour faire accepter toute sorte de pression migratoire sans aucun critère éthique ou législatif. Le refus de toute régulation au nom de bons sentiments religieux ou humanitaires n’amènera que de graves désillusions.

« Aimer son prochain comme soi-même » est un bel idéal de vie, individuel et collectif. Les rappels à l’hospitalité ne sont pas inutiles lorsque menace le repli sur soi ou la phobie maladive de l’autre. Cependant, s’aimer soi-même est prioritaire si l’on veut être responsable, et donc si l’on veut être capable d’accueillir et d’apprécier des hôtes ! Ce qui signifie : ne pas démissionner de son libre arbitre, garder conscience de son identité et de ses valeurs propres, gérer la situation avant d’établir toute forme de proximité.

Luc 14, 28 : « si l’on veut construire une tour, on s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir si l’on a les moyens d’aller au bout de son projet ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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