Publié par Jean-Patrick Grumberg le 15 juin 2019

Le mois dernier, quatre tankers transportant du pétrole ont été attaqués dans le détroit d’Hormuz. Ce jeudi, deux pétroliers, un norvégien et un japonais, ont été bombardés dans la mer d’Oman. L’Iran est fortement soupçonné.

Les Etats-Unis ont accusé vendredi l’Iran d’avoir perpétré les attaques de la veille contre deux pétroliers dans la région du Golfe. L’armée a diffusé une vidéo qui montre l’implication des forces iraniennes dans l’une des opérations. L’Iran a bien entendu rejeté ces affirmations. Qui imaginerait qu’ils revendiqueraient de telles attaques, même s’ils ont clairement menacé de le faire, lorsque l’Administration Trump a classé le corps des Gardiens de la révolution islamique comme organisation terroriste.

Les médias français ont largement mis en doute les Etats-Unis. Cela ne surprendra personne : les journalistes sont des anti-américains primaires, beaucoup sont d’anciens trotskistes qui détestent l’Amérique, son succès et ses réussites, et vouent une admiration sans limites pour les persécutions du peuple vénézuélien par leur président communiste, ou l’absence de liberté du peuple cubain. Si vous prenez du recul sur plusieurs décennies d’informations, vous apercevez cette tendance de fond que les médias se rangent toujours du côté des dictatures communistes et des pays oppresseurs – sauf lorsqu’ils sont dirigés par un dictateur de droite.

De plus, les médias, c’est bien dramatique mais bien réel, sont en matière d’Affaires étrangères aux ordres du Quai d’Orsay au lieu d’être la force de contre-pouvoir qui est leur fonction. Et le Quai d’Orsay n’accusera pas l’Iran avec qui il tente toujours de signer des contrats pour éviter le naufrage de l’économie française.

Dans un de ses rarissimes moments d’honnêteté, l’AFP a analysé la vidéo publiée jeudi par le Commandement central américain (Centcom). AFP conclut que la vidéo atteste de sa réalité.

Elle montre l’accostage du tanker japonais Kokuka Courageous par une vedette des Gardiens de la Révolution, dont l’équipage est en train de retirer une mine non explosée de la coque.

Et l’AFP conclut que les images sont cohérentes avec le narratif, à l’exception près qu’il n’est pas possible de savoir quel objet les Iraniens sont en train de retirer du pétrolier.

Bellingcat a publié une version au contraste amélioré de la vidéo :

Il n’y a pas d’équivalence morale entre l’Iran et les Etats-Unis

Opposer dos à dos et à valeur égale, comme le font les journalistes, les accusations des Etats-Unis et le déni de l’Iran est moralement aussi corrompu que lorsque ces mêmes journalistes mettent en cause les propos d’Israël pour préférer ceux des terroristes islamistes du Hamas.

Les Etats-Unis sont le phare de la liberté dans le monde. L’Iran est le plus grand sponsor du terrorisme dans le monde. Les deux sont-ils à mettre sur le même pied d’égalité ? Pour un esprit corrompu, sans aucun doute.

Cependant, quelques faits sont incontournables :

  • C’est l’Iran, qui a fomenté un attentat terroriste à Villepinte en banlieue de Paris en octobre 2018, pas les Etats-Unis.
  • C’est l’Iran qui pend des centaines d’homosexuels, pourchasse et emprisonne les femmes qui retirent le foulard de la persécution.
  • C’est l’Iran encore qui a perpétré un attentat contre des touristes israéliens, sur le sol européen en 2012, en célébration du 18e anniversaire de l’attentat commis par l’Iran en 1994 contre la Mutuelle juive argentine (Amia) à Buenos Aires, et qui avait fait 85 morts et 300 blessés.

Un timing qui ressemble aux méthodes mafieuses

Les deux tankers bombardés jeudi transportaient du pétrole non-iranien à destination du Japon, au moment où le Premier ministre japonais Shinzo Abe rencontrait à Téhéran le président iranien Hassan Rouhani, qui faisait pression sur le Japon pour qu’il reprenne l’achat de pétrole iranien, interrompu depuis le mois de mai.

Abe a refusé, se rangeant dans le camp de son allié américain. Les pétroliers qui livraient le Japon ont été bombardés.

  • Le Japon est le quatrième plus gros consommateur de pétrole au monde.
  • Il dépend presque entièrement des importations pour se fournir en pétrole, ce qui en fait l’un des plus gros importateurs du monde.
  • Quatre pays – l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Qatar et les Émirats arabes unis – représentent près de 80 % des importations de brut du Japon.
  • Et par où passe le pétrole à destination du Japon ? Par le détroit d’Hormuz et la mer d’Oman.

Et l’Iran a été retiré de la liste des fournisseurs du Japon le 1er mai 2019, lorsque les Etats-Unis ont resserré les sanctions contre le régime islamiste et criminel.

Si la question de savoir à qui profite le crime est posée, l’Iran arrive au premier rang de la liste. Cependant, l’Iran n’est pas le seul à profiter potentiellement de cette attaque, ce qui m’empêche pour l’instant de conclure avec une certitude absolue. L’Arabie saoudite et plusieurs des Etats du Golfe voisins ont un intérêt pressant à renforcer aux yeux de l’Union européenne et de plusieurs Etats européens, réticents par cupidité, la vraie nature de la République islamique.

La Norvège, plusieurs fois ciblée, a sa petite opinion

Le chercheur Sverre Lodgaard, du ministère norvégien des Affaires étrangères, suit la politique étrangère iranienne depuis de nombreuses années.

Il considère que plusieurs entités pourraient être à l’origine des attaques contre les pétroliers dans la région. Lodgaard rappelle les attaquées du mois dernier et pense que celles de jeudi sont semblables. En mai, quatre pétroliers ont été attaqués, et un oléoduc traversant l’Arabie Saoudite a été attaqué par des drones.

Cela [les attaques] s’est produit après que les États-Unis aient inscrit les Gardiens de la révolution iraniens sur leur liste de terroristes.

L’Iran a ensuite annoncé que cela aurait des conséquences sur les valeurs américaines dans la région.

Les Gardiens de la Révolution avaient ainsi un motif pour attaquer.

Donc mon suspect numéro un dans cette affaire sont les Gardiens de la Révolution.

Le suspect numéro deux est celui des opposants iraniens, qui se voient servis par l’escalade de la situation, a déclaré M. Lodgaard.

Aftenposten

Lodgaard ajoute :

Ce qui s’est passé cette semaine semble être plus ou moins la même chose [que le mois dernier]. Mais nous n’avons aucune documentation sur qui a fait quoi, souligne le chercheur, qui précise qu’il a du mal à imaginer le président Donald Trump s’engager dans une guerre avec l’Iran alors que les Etats-Unis entrent dans une nouvelle campagne présidentielle – ce serait désastreux et lui ferait perdre toutes chances d’être réélu.

“Nous avons le droit d’espérer que l’Iran et les États-Unis sont réticents qu’une guerre ne se déclenche, ajoute M. Lodgaard. En Iran aussi, il y a de nombreux politiciens sages qui se gardent de réagir de manière excessive. Cependant, en Iran, précise Lodgaard, la politique est en concurrence entre plusieurs centres de pouvoir.

Aujourd’hui, comme en de nombreuses occasions précédentes, les éléments bellicistes sont renforcés des deux côtés”, conclut-il.

Il est trop tôt pour conclure qui peut se tenir derrière [les attaques], dit le chercheur norvégien Kjetil Selvik, pour l’Institut norvégien des Affaires internationales (NUPI) spécialisé sur les luttes entre les États et les régimes du Moyen-Orient.

Il se peut qu’il s’agisse d’une stratégie globale bien pensée de la part de l’Iran, qui veut envoyer deux signaux en même temps, à savoir qu’il est disposé à dialoguer, tout en montrant qu’il y a un autre visage derrière le miroir, dit Selvik.

Mais il est probable que les Gardiens de la révolution soutiennent le chef suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei, et ce sans informer ni impliquer le président Hassan Rouhani.

Le conflit interne entre Rouhani et les Gardiens de la révolution est profond et dure depuis plusieurs années” ajoute Selvik, un fait que les médias francophones s’abstiennent de rapporter, ajoutant que d’autres acteurs, y compris l’Arabie saoudite, a intérêt à un conflit entre les Etats-Unis et l’Iran.

Conclusion

Dans l’intervalle, personne, parmi ceux qui défendent l’Iran, n’ont réussi à expliquer ce que la vedette rapide des Gardiens de la révolution islamique retirait du Kokuta Courageous, dix heures après l’attaque, ni pourquoi ils l’ont accosté.

S’il s’agissait bien d’une mine qui n’a pas explosé, cette dernière aurait permis sans aucun doute d’identifier les responsables des attaques. D’autant que la présence d’une mine non explosée a été remarquée par les 21 marins du pétrolier japonais, et a motivé son évacuation sur le vaisseau hollandais Coastal Ace.

Personne n’a pu non plus expliquer pourquoi les Iraniens ont forcé le navire Hyundai Dubaï, qui a sauvé les marins du pétrolier norvégien Front Altair, à leur remettre l’équipage et les a fait monter à bord des petites embarcations iraniennes. L’équipage, qui était en parfaite sécurité sur le tanker, a été conduit vers la ville portuaire iranienne de Jask.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading