Publié par Dreuz Info le 18 juin 2019

Source : Le Point

Marcel Kuntz, biologiste au CNRS, défend l’innocuité des plantes transgéniques et fustige un discours sensationnaliste sur le glyphosate.

Directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’université de Grenoble et médaille d’or 2017 de l’Académie d’agriculture de France, Marcel Kuntz est l’un des rares scientifiques français à s’engager publiquement pour défendre les OGM et les biotechnologies. Sur son site ou dans son livre OGM, la question politique (PUG), le biologiste végétal déplore que la question des plantes transgéniques en France ne relève plus d’un débat scientifique, mais de l’idéologie et de peurs, selon lui, infondées. Alors que Le Point consacre sa couverture de cette semaine à l’écologie et à la science, nous l’avons longuement interrogé sur les OGM, mais aussi sur l’actuelle controverse autour du glyphosate. Marcel Kuntz fustige notamment le traitement alarmiste par les médias de l’agriculture et de l’alimentation. Entretien.

Le Point : En 2012, Le Nouvel Observateur titrait « oui, les OGM sont des poisons » en se basant sur une étude de Gilles-Éric Séralini censée montrer la toxicité du maïs NK 603 sur les rats, mais qui a ensuite été dépubliée et discréditée. Est-ce un tournant dans notre perception des OGM ?

Marcel Kuntz : Le premier tournant, c’est, au milieu des années 1990, la crise de la vache folle et une méfiance alimentaire omniprésente. Tout ce qui touche à l’alimentation est alors devenu suspicieux, notamment ce qui est considéré comme non naturel. En 1996, la première cargaison de soja génétiquement modifié arrive en Europe en provenance des États-Unis. Libé titre « Alerte au soja fou », alors que la crise de la vache folle n’a rien à voir avec les OGM ou la biotechnologie. Auparavant, les opposants de longue date aux OGM, principalement des anticapitalistes ayant une autre vision de l’agriculture, n’avaient pas tellement d’arguments pour s’adresser au grand public. Mais, à partir du moment où on s’est mis à dire « ça va se retrouver dans votre assiette », les OGM sont devenus un sujet de préoccupation médiatique. Les responsables politiques n’ont pas réussi à gérer le problème. Aucun d’entre eux n’a eu le courage de dire : « La question des OGM, nous la maîtrisons, il y a une réglementation depuis 1990 avec une directive européenne. » Les politiques ont reculé petit à petit. Et puis, en septembre 2012, arrive cette étude de Séralini habilement médiatisée. Le fond scientifique a été rapidement critiqué et l’étude de Séralini a été logiquement retirée par le journal Food and Chemical Toxicology en novembre 2013. Il avait notamment utilisé une race de rats sujette au développement spontané de tumeurs. Mais cela a été une opération de communication très réussie, avec des images spectaculaires.

L’année dernière, trois grandes études européennes, GMO 90+, G-TwYST et Grace, ont montré l’innocuité des maïs OGM NK 603 et MON 810…

Grace avait débuté en juin 2012, avant l’annonce-choc de Séralini, et portait sur MON 810. Démarrée en 2014, G-TwYST est, elle, une conséquence directe de l’étude de Séralini et portait sur le fameux maïs NK 603 (celui étudié par Séralini), avec un suivi en toxicologie et cancérogénicité sur deux ans : c’est le pendant des travaux de Séralini, sauf que la race de rats était plus adaptée pour ce type d’étude et qu’il y avait plus de rats. Portant sur NK 603 et MON 810, GMO 90+ a utilisé les techniques transcriptomiques et métabolomiques pour chercher des biomarqueurs précoces, autrement dit des signaux faibles d’alerte. Ils n’ont trouvé aucune différence entre ces deux maïs et les témoins. Ces trois études, qui ont coûté 12 millions d’euros, sont complémentaires et ont les mêmes conclusions : il n’y a pas d’effet détecté sur la santé et le métabolisme des rats après consommation des maïs NK603 et MON 810. Séralini s’auto-proclame indépendant. Indépendant de Monsanto, oui, mais pas indépendant d’une idéologie. Il a été financé par le Criigen, cofondé par Corinne Lepage et Jean-Marie Pelt et lui. Séralini a notamment reçu le soutien de groupes comme Carrefour, depuis toujours dans une posture anti-OGM. Ça aurait dû alerter les médias…

En France, plus de 90 % des chercheurs spécialisés s’accordent à dire que les OGM ne sont pas dangereux pour la santé, mais seuls 16 % des Français pensent de même. Comment expliquez-vous ce grand écart ?

Il faut faire un effort pour approfondir les choses, pour lire des articles un peu pointus. Tout le monde n’a ni l’envie ni le temps pour cela, ce qui est parfaitement légitime. Vous voyez un reportage alarmiste à la télévision et vous vous dites qu’il faut se méfier, car il y a eu le problème de la vache folle, du sang contaminé… Tous ces « scandales » ont abouti à une méfiance très forte vis-à-vis de la gestion des crises par les pouvoirs publics. C’est un réflexe naturel qui, d’un côté, est sain. Il n’est pas irrationnel de se dire que, si on m’a déjà trompé x fois, il faut se méfier, ne pas prendre de risques pour nos enfants. Mais il y a aussi l’habileté militante de l’écologie politique. Ils ont des moyens d’instrumentaliser la presse, de développer ce que j’appelle une science parallèle, à l’image du Criigen, ils sont capables de provoquer un déferlement de reportages à la télévision dans leur ligne idéologique. Personnellement, je suis choqué que le service public milite pour des thèses fallacieuses, ce qui pose un problème démocratique majeur.

Vous visez France 2 ?

Oui, avec Envoyé spécial ou Cash Investigation. Tout le monde peut se tromper. Mais, quand vous évoquez des chiffres bidon sur la contamination de l’alimentation par les pesticides et que vous ne vous excusez pas derrière, c’est problématique. Le numéro de Cash Investigation en 2016 sur les pesticides a ainsi expliqué que plus de « 97 % des aliments contiennent des résidus de pesticides », alors que, selon l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments NDLR), 55 % des aliments n’en contiennent pas, auxquels il faut ajouter ceux qui contiennent des résidus de pesticides « dans les limites légales », ce qui aboutit à 97 %, avec seulement 3 % des échantillons qui dépassent ces limites légales, ce qui signifie donc l’exact contraire : une situation plutôt rassurante. Il y a un problème de neutralité de la télévision publique sur ces sujets. Ce déferlement continu de reportages alarmistes qui font croire que l’alimentation pose problème, que toutes les entreprises privées sont les derniers des salauds, cela fait des dégâts. Alors que les pouvoirs publics en font généralement plutôt trop que pas assez sur ces sujets, avec tout un arsenal de règlements et de normes qui nous situe aujourd’hui très loin des années 1970. Il y a un luxe de précaution qui devrait rassurer l’opinion. Mais nous assistons à un vrai rouleau compresseur de construction de la méfiance, qui a une incidence sur notre perception de certaines innovations et aussi des pouvoirs publics et des responsables politiques.

Quels sont les biais cognitifs expliquant notre méfiance instinctive des OGM ?

Il existe une tendance à considérer que ce que la nature fait est bon, sans risque, alors que ce que produit l’homme est forcément mauvais. Tout ce qui va être rangé dans la catégorie « artificiel », « industriel », « chimique » est perçu comme néfaste. Le simple terme « modifié » induit déjà du négatif. On voit bien les termes employés par les publicitaires, qui nous font croire que les produits sont « à l’ancienne », « naturels », alors que c’est complètement industriel. Ils savent bien ce qui fonctionne d’un point de vue marketing. C’est très révélateur de cette appétence pour le naturel. Peut-être que ce phénomène va de pair avec la sécularisation de nos sociétés. Nous remplaçons une religion par une autre, la religion de la nature, une forme de néo-paganisme. Dans la directive européenne de 1990 sur les OGM, le terme de « non naturel » revient d’ailleurs deux fois. Alors qu’il y a des OGM « naturels », apparus de façon quasi identique à ce que produisent les biotechnologies. La patate douce est, par exemple, naturellement transgénique. Cette idée de baser une réglementation sur ce qui est naturel ou pas ne tient pas la route d’un point de vue scientifique.

Les opposants aux OGM expliquent qu’ils sont protégés par des brevets, ce qui interdit aux paysans de ressemer les grains d’une année à l’autre…

Cette question de la brevetabilité a été la première objection de principe aux OGM. Les premiers opposants expliquaient qu’il ne faut pas breveter le vivant, car ce serait une appropriation du vivant qui appartient au domaine public. Il y a, bien sûr, des abus très critiquables d’un point de vue commercial, mais il faut absolument distinguer le régime réglementaire aux États-Unis et au Canada du reste du monde. Aux États-Unis, les brevets sont une propriété intellectuelle ancienne pour les variétés végétales : si vous dépensez de l’argent et du temps pour obtenir une variété intéressante, vous avez le droit d’avoir une juste rémunération de votre invention. Logiquement, les biotechnologies sont entrées dans ce régime juridique. Mais avec une logique différente en Europe. Vous pouvez obtenir un brevet, mais il portera sur l’invention en amont, et non pas les variétés elles-mêmes qui ne sont pas protégées par des brevets, mais par des certificats d’obtention végétale (COV), une invention française, d’ailleurs. Ainsi, le droit de ressemer de l’agriculteur est régi par une réglementation qui prévoit bien que, si vous avez acheté une variété, vous avez le droit de conserver une partie de la récolte pour la ressemer à votre usage personnel. Toute l’argumentation montée contre les OGM autour des brevets ne tient pas la route en Europe. C’est un malentendu complet. De plus, il se trouve que, pour le maïs, on ne ressème pas, car ils sont hybrides.

Les OGM sont aussi accusés d’être très envahissants en matière de pollinisation…

Tout dépend de la variété, de la distance entre les cultures, des insectes, du vent… Mais ce n’est pas spécifiquement lié à l’OGM. Avant, cette question était gérée par les professionnels. On se débrouillait pour éloigner les champs si nécessaire. Si un colza produit une huile industrielle, vous ne le placiez pas à côté d’un champ produisant une huile alimentaire. Le grand public s’en fichait complètement, et les agriculteurs géraient cette question technique. Mais, comme on a diabolisé les OGM, la question n’est plus technique, mais de « valeur ». Le grand public s’est focalisé sur cette idée qu’ils seraient « envahissants ». Je signale d’ailleurs que de nombreuses espèces sauvages ou horticoles, déplacées de leur milieu, sont devenues envahissantes, comme l’ambroisie ou le kudzu.

Quel est l’intérêt d’un OGM comme le riz doré ?

Ce riz produit de la pro-vitamine A dans la graine et tout indique qu’il serait utile pour lutter contre la déficience en vitamine A, là où le riz est l’aliment de base. Il est librement utilisable par les populations locales. Il est parfaitement identifiable (la graine est de couleur orangée). Mais il est de type « OGM » et donc soumis à la vindicte des militants anti-OGM. La plupart des pays qui auraient intérêt à l’utiliser y ont renoncé, sauf le Bangladesh, semble-t-il. Devant cette situation, 108 Prix Nobel ont appelé à cesser les campagnes contre le riz doré en particulier et contre les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies en général. L’accusation de crime contre l’humanité a été formulée. Sans doute n’est-elle pas juridiquement recevable, mais le symbole devrait faire réfléchir ceux qui prétendent avoir des « valeurs ».

L’Europe a-t-elle un retard dans les biotechnologies  ?

Le nombre de brevets sur les nouvelles biotechnologies, notamment le fameux système Crispr (« ciseaux moléculaires »), est en Europe très inférieur à ceux des États-Unis et de la Chine. Certains se sont illusionnés en pensant qu’on pouvait faire table rase du passé et oublier les polémiques autour des OGM en passant à ces nouvelles biotechnologies. Mais ces problématiques négatives sont toujours omniprésentes. De plus, on a quand même fermé des laboratoires de biotechnologie en France. Beaucoup de laboratoires français utilisent cette technologie Crispr en recherche fondamentale, mais pas pour la recherche de nouvelles variétés. Ce n’est plus dans l’air du temps à l’Inra de défendre les biotechnologies. On préfère vanter l’agro-écologie. C’est plus facile, les décideurs sont contents, à commencer par le ministre de l’Agriculture. Nous sommes dans une vision quasi religieuse avec des tabous. Il n’y a aucune incitation à aller vers des applications pratiques. On se retrouve ainsi avec beaucoup moins de brevets, alors que la Chine en a fait une politique de stratégie de puissance industrielle. Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Europe n’a pas de vision stratégique de la technologie. Les autres ont les brevets et nous avons le principe de précaution…

Le glyphosate déchaîne aujourd’hui les passions. Les agences de sécurité sanitaire assurent que cet herbicide ne présente pas de risque, sauf le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui, en 2015, l’a classé en « cancérogène probable ». Ces divergences s’expliquent-elles par des sources scientifiques différentes ?

L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) ou l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) examinent toutes les études. Par la loi, elles sont obligées de regarder prioritairement les dossiers fournis par les industriels, qui sont des études normées et réglementaires avec des protocoles rigoureux. Mais il y a toujours aussi une quantité importante de recherche publique qui est prise en compte. Ce que l’on constate souvent, c’est que les études académiques sont parfois moins valides, car les normes dans les protocoles ne sont pas toujours respectées. C’est le défaut de la qualité de cette recherche publique, qui va privilégier les nouvelles idées qui ne sont pas toujours pertinentes, ou qui n’a pas toujours l’argent suffisant pour pousser les études jusqu’au bout, par exemple avec le nombre de rats suffisants. Mais je ne pense pas que cette divergence entre les autres agences et le Circ s’explique par le fait qu’il aurait plus utilisé des études académiques afin de classer le glyphosate en « cancérogène probable » (comme la viande rouge ou la combustion domestique du bois…). Pour moi, le Circ est l’exemple type d’une agence noyautée par une idéologie. Dans les fameux Monsanto Papers, on découvre des mails étonnants entre fonctionnaires de cette agence et militants écologiques. Ce sont des accointances idéologiques qui ne sont pas forcément condamnables en soi. Quand vous êtes biotechnologiste, vous pouvez aussi avoir un biais en faveur des biotechnologies et peut-être minimiser les risques. De même, quand vous êtes dans une agence qui fait son commerce d’un classement en cancérigènes, vous avez sans doute un petit a priori dans ce domaine. Mais, pour le Circ, on constate des faits qui vont bien au-delà. Kathryn Guyton, fonctionnaire du Circ qui a piloté ce classement du glyphosate en « cancérogène probable », dénigre le travail des autres agences. Ce n’est pas neutre. Elle était aussi prête à témoigner devant le « tribunal international de Monsanto », cette parodie de justice, avant que l’OMS, l’organisme mère, ne le lui interdise. Il y a aussi des liens entre experts du Circ avec des avocats prédateurs qui font des procès juteux contre Monsanto, et recrutent des malades par petites annonces, exploitant ce classement en cancérogène probable.

Selon une méta-analyse parue cette année dans Mutation Research, une forte exposition au glyphosate augmenterait le risque de lymphome non hodgkinien de 41 %…

Ces publications sont légitimes pour voir si on n’a rien raté au sujet du glyphosate, mais on a aussi le droit regarder de près la validité de ces études. Cette méta-analyse mélange et recalcule différentes études. Les méta-analyses sont utiles, mais, si vous prenez des données critiquables au départ, le résultat final ne sera pas plus fiable. Je ne suis pas persuadé que les études sorties récemment fassent changer d’avis les agences, car ce sont des recalculs statistiques très orientés. Que les chercheurs continuent à faire des études sur le glyphosate, c’est très bien, mais il ne faut pas confondre des conditions complètement artificielles avec les conditions de la vraie vie. On a ainsi injecté du glyphosate dans les rats. Si les cellules baignent directement dans le produit, ce n’est pas la vraie vie non plus. Cela peut apporter un renseignement sur la génotoxicité qui doit être pris en compte, mais cela ne correspond pas aux conditions normales du glyphosate. Ces études rendent plus compte du danger – c’est-à-dire les conditions extrêmes, ce que le produit peut faire – que du risque, c’est-à-dire ce que le glyphosate fait dans la vraie vie, où on ne le boit pas ou on ne se l’injecte pas. Il est normal qu’à une certaine dose le produit ait un effet. Je n’ai jamais utilisé cet herbicide autrement qu’avec des gants et un masque. Je fais pareil avec les produits ménagers. C’est la dose qui fait le poison : il y a des gens qui se suicident en avalant une bouteille de détergents.

Selon vous, il ne faudrait donc pas l’interdire  ?

On a déjà interdit beaucoup de pesticides depuis vingt ans. Soit on interdit le glyphosate, soit on considère qu’il faut l’utiliser de manière plus raisonnable. Le glyphosate est victime de son succès : parmi les herbicides encore sur le marché, c’est celui qui désherbe le mieux. Ce que l’on constate d’un point de vue scientifique, c’est que, si le risque est bien géré, cela ne me semble pas justifier une interdiction totale. Pour moi, c’est une bonne idée qu’il ne soit plus en vente dans les grandes surfaces car il n’y a personne pour vous expliquer les précautions d’usage. Mais, si vous allez dans une jardinerie avec un conseiller qui vous explique comment l’utiliser, c’est pour moi un compromis satisfaisant pour tout le monde, et plus imaginatif que de basculer tout de suite dans l’interdiction. Dans les communes, vous avez maintenant des fonctionnaires payés pour arracher les mauvaises herbes à la main. Trois semaines après, elles sont revenues. J’ai constaté ça dans ma ville. Est-ce que c’est une solution à long terme ?

Par ailleurs, j’aimerais ajouter que, si, dans les médias, l’air du temps est à l’alarmisme, il en va de même pour les scientifiques. Tout fonctionne par crédits de recherche. Il faut répondre à un appel d’offres quand vous dirigez un laboratoire. Des thématiques à la mode vont être privilégiées. Vous avez intérêt à rendre la publication la plus catastrophiste possible pour attirer de nouveaux crédits. Il y a tout un business scientifique qui encourage à l’alarmisme.

Avez-vous des liens avec Monsanto ?

Je n’ai jamais reçu un centime de Monsanto. Je n’ai jamais travaillé avec Monsanto. J’ai d’ailleurs relativement peu collaboré avec des industriels, sans recevoir de l’argent d’eux ni à titre personnel. Ce n’est pas la motivation de mon engagement. J’ai fait des conférences et des livres qui m’ont pris du temps, au détriment de mon travail de chercheur et de ma carrière. Je n’ai vraiment rien à gagner dans cette histoire, mais je n’ai pas envie qu’on déforme la science et des choses parfaitement établies. Je ne veux pas vivre dans une société où le mensonge a pignon sur rue.

L’entreprise Monsanto, rachetée par le groupe Bayer, ne fait rien pour arranger son cas…

Ils ont été complètement nuls en communication. Dans un premier temps, ils ont tenté de parlementer. Mais des associations comme Greenpeace n’ont aucun intérêt à un dialogue, et elles ne vont jamais ménager un industriel s’il est une cible potentielle. Après ça, Monsanto a décidé de ne plus rien dire, ce qui est de la bêtise complète. Ils n’ont ainsi pas réagi au documentaire Le monde selon Monsanto de Marie-Monique Robin en 2008, une suite de balivernes sur le caractère néfaste des OGM. Monsanto est ainsi devenu le parfait Grand Satan des écologistes, avec les OGM puis le glyphosate. Maintenant, leur image n’est plus récupérable. Les choses les plus banales deviennent un complot mondial orchestré par Monsanto qui contrôlerait la science mondiale. Les fameux papiers téléguidés par Monsanto, ce sont en fait quelques personnes qui ont signé des articles de « revue », des commentaires qui sont relativisés dans les évaluations de l’Anses. Ce que l’on reproche aux industriels, souvent on ne le reproche pas aux activistes. Pourtant, si vous lisez un papier scientifique produit par le Ramazzini Institute, vous savez parfaitement que ce sont des anti-pesticides et vous en tenez compte de manière critique. C’est pareil de l’autre côté avec quelques articles guidés par Monsanto. Les agences d’évaluation ne sont pas complètement naïves !

Pour conclure : ne craignez-vous pas de vous tromper sur ces sujets  ?

Le doute fait partie de la démarche scientifique. Cela fait vingt ans que je suis les OGM. On a eu par le passé des variétés conventionnelles qui se sont relevées impropres à la consommation, cela peut donc arriver avec une variété OGM. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Cela, il faut le dire. Cependant, il faut toujours rester méfiant, car les accidents arrivent quand on est persuadé qu’il n’y a pas de problème. En ce qui concerne le glyphosate, peut-être que demain une publication crédible montrera qu’il présente un risque. Mais à l’heure actuelle, après quarante ans d’utilisation, les meilleures études indiquent qu’il n’y a pas de problème avec le glyphosate en condition normale d’utilisation. Dans le doute, protégeons-nous au maximum, sans forcément l’interdire. Ce qui m’inquiète plus, c’est que les études ne sont plus toujours faites dans un souci de neutralité, mais soit pour remplir les caisses du laboratoire, soit par dérive idéologique. On va interdire à tort et à travers des produits qu’il n’y a pas lieu d’interdire (car on a bien cerné les risques) et on les remplace quelquefois par des produits objectivement plus risqués : des herbicides plus toxiques que le glyphosate, des insecticides chimiques à la place du maïs MON 810 qui se protègent tout seul contre des insectes ravageurs, etc.

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