Publié par Gally le 19 juin 2019

Tous les 5 ans, on nous dit que les abeilles vont disparaitre. Un coup, ce sont les néonicotinoïdes, un coup le glyphosate : et ma tante, elle bat le beurre ? Voilà un article remontant à il y a plus de 5 ans, histoire de remettre les pendules à l’heure.

Dans un spectaculaire article annoncé en couverture, de 2013, Time nous avait averti sur « Un monde sans abeilles », avec pour sous-titre : « Le prix que nous paierons si nous ne comprenons pas ce qui tue les abeilles » [1]. Son auteur a fait valoir que la classe de pesticides agricoles connue comme les néonicotinoïdes tuait les abeilles et que la planète allait mourir de faim si on n’interdisait pas ces produits chimiques immédiatement.

Il avait écrit cela parce que « sur 3 bouchées que nous mangeons aujourd’hui, 1 dépend de la pollinisation par les abeilles ». En bref : pas d’abeilles, pas de nourriture.

Genetic Literary Project a examiné ce mythe trois-en-un dans un précédent article [2]. Il a montré que, peu après la publication de l’article du Time, des faits nouveaux sur la santé de la population mondiale d’abeilles ont commencé à modifier nos connaissances sur les pollinisateurs et la nourriture. Les données ont montré une croissance récente, et non un déclin, du nombre de ruches aux États-Unis d’Amérique et dans le monde. Depuis que l’utilisation des néonicotinoïdes s’est répandue dans l’agriculture américaine, le nombre de ruches s’est maintenu [3] au niveau de 2,4 à 2,6 millions, retrouvant récemment un sommet de 2,7 millions vieux de 20 ans.

L’accent est déplacé sur les hyménoptères sauvages

Les données empiriques sous-tendant l’assertion que l’agriculture mondiale n’est pas confrontée à une abeillecalypse étant devenues plus convaincantes, les activistes anti-pesticides ont tenté de détourner l’attention du public des abeilles domestiques, qui font plus que se maintenir, vers les hyménoptères sauvages. La situation de ces derniers interpelle les citoyens préoccupés : parce que notre approvisionnement alimentaire est tellement dépendant de la pollinisation par les abeilles, selon les activistes, la disparition des hyménoptères sauvages aurait nécessairement un impact sur la production agricole. Pas d’hyménoptères sauvages, pas de nourriture. Ce récit transfiguré offre également à ses marchants un avantage idéologique unique : il n’y a pas de chiffres fiables sur les populations d’hyménoptères sauvages ; toute allégation de danger imminent peut donc résister à l’épreuve des faits.

Mais ce récit ne survit pas plus à l’examen. Dans une étude novatrice [4] publiée en juin dans Nature Communications, 58 scientifiques du monde entier ont constaté que la grande majorité des espèces d’hyménoptères sauvages qu’ils ont examinées prospéraient.

Les activistes soutiennent que les hyménoptères sauvages sont tués par les insecticides néonicotinoïdes. Mais, comme le note l’étude : « [L]es espèces qui sont les pollinisateurs dominants des cultures sont les espèces les plus répandues et les plus abondantes dans les paysages agricoles en général ». La diversité des espèces sauvages qui butinent sur les cultures est limitée, mais, en termes de populations, ces espèces sont partout. Elles sont de loin le type le plus couramment rencontré d’hyménoptères sauvages. L’étude a montré que dans 99,7 pour cent des cas, les hyménoptères sauvages qui entrent en contact avec les cultures (et les néonics) ne sont pas en déclin.

«Les espèces menacées sont rarement observées sur les cultures», concluent les chercheurs. Alors pourquoi interdire les pesticides contribuerait-il à préserver telle ou telle espèce d’hyménoptère sauvage, ou les hyménoptères sauvages en général ? Il n’y a pas de problème généralisé avec les hyménoptères sauvages ; il y a des hyménoptères sauvages qui ne se portent pas aussi bien que d’autres, et ces espèces ne sont pas liées, directement ou indirectement, aux néonics ou à tout autre pesticide. La solution à un problème particulier d’hyménoptère sauvage dépend de l’espèce concernée. Il n’y a pas de solution « taille unique ».

Dans de nombreux cas, une espèce particulière fait face à des moments difficiles parce qu’elle est poussée hors de son habitat préféré par des changements d’affectation des terres. Si un nouvel ensemble de logements se construit et évince un type particulier de bourdons de son habitat, une autre espèce pourrait prendre sa place. Cela n’a rien à voir avec les produits chimiques pulvérisés sur les cultures qu’ils ne visitent pas.

Une équipe d’entomologistes a décrit en 2012 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences [5] comment cette situation se produit dans le monde réel. Les auteurs ont constaté des déclins chez quelques espèces de bourdons que les scientifiques désignent parfois comme Bombus, le genre du bourdon. Ils ont souligné que c’est une exagération que de constater le déclin d’un type d’abeille et de sauter à la conclusion que les hyménoptères sauvages, pris en général, sont en voie d’extinction.

Les modifications de l’environnement affectent différemment les espèces, créant des « perdants » qui déclinent avec l’augmentation de l’activité humaine, mais aussi des « gagnants» qui se développent dans les environnements modifiés par l’homme. […] Ainsi, l’existence d’une crise généralisée de déclin des pollinisateurs, comme cela est souvent dépeint dans les médias et ailleurs, repose sur des données taxonomiques ou géographiques de portée limitée.

L’équipe a essayé de remédier à cette situation en procédant à un examen plus détaillé espèce par espèce. Encore une fois, il n’y avait aucune raison de s’alarmer.

Parmi les 187 espèces indigènes examinées individuellement, seules trois ont fortement décliné, toutes du genre Bombus.

En fait, les problèmes de ces quelques espèces de bourdons sauvages peuvent avoir été causés par les apiculteurs commerciaux qui ont introduit des maladies mortelles.

En outre, Bombus peut ne pas être représentatif des 442 autres genres d’hyménoptères du monde parce qu’il est peut-être touché par les récentes introductions d’agents pathogènes provenant de colonies gérées de Bombus.

Par exemple, on a pensé [6] que l’introduction du parasite Nosema a anéanti le bourdon à tache rousse (Bombus affinis), qui n’a pas été vu sur la côte Est depuis 2009 et a été présumé éteint. Il a récemment fait un retour, après avoir été repéré dans un parc de Virginie à environ 50 miles de Washington, DC.

La situation est sensiblement la même en Europe. Selon les meilleures études disponibles, certaines espèces de bourdons qui ont connu une baisse dans les années 1990 ont rebondi au cours des dernières années. Dans le même temps, la richesse en autres espèces d’hyménoptères sauvages a augmenté de manière significative [7]. En d’autres termes, la nature tend vers un équilibre.

Certaines espèces de pollinisateurs sauvages sont confrontées à des défis et doivent lutter pour leur survie, ce qui est le lot de tous les animaux et insectes sauvages. En ce qui concerne les hyménoptères sauvages, cependant, les meilleures preuves scientifiques disponibles suggèrent que ces créatures sont extrêmement résistantes.

Les hyménoptères sauvages et la productivité agricole

Il y a des informations plus précises sur les populations d’hyménoptères sauvages et la productivité agricole. L’USDA tient des statistiques détaillées sur les cultures les plus importantes pollinisées par les abeilles. De nombreux facteurs peuvent affecter le rendement d’une culture, en particulier les conditions météorologiques, mais il est clair que les rendements ne sont pas en baisse et que les cultures pollinisées par les abeilles ne rencontrent pas de difficultés.

La seule exception est le pêcher, pour lequel la pollinisation par les abeilles est importante mais pas essentielle et qui a vu son rendement décliner. Mais l’explication de la situation que donne l’USDA [8] n’a rien à voir avec les abeilles:


La récolte de pêches de la Californie, qui représente 74 pour cent de la production utilisée de pêches des États-Unis, est en baisse de 5 pour cent par rapport à 2013. [..] Les producteurs ont fait état de la situation de sécheresse qui reste une source de préoccupations, mais beaucoup d’entre eux ont pu compenser la fourniture réduite d’eau irrigation du district en utilisant des puits.

Les champs de la Californie ont souffert de la sécheresse ces quatre dernières années, mais même une sécheresse record n’a pas fait baisser la productivité de manière importante. Depuis le début de la prétendue crise de l’abeille qui a commencé avec le syndrome d’effondrement des colonies en 2006, la productivité agricole a en fait augmenté aux Etats-Unis pour les cultures pollinisées par les abeilles . Selon le Secrétaire à l’Agriculture Tom Vilsack :

Depuis six ans, depuis que je suis Secrétaire d’État, nous avons vu une forte expansion de notre secteur agricole. Pour autant qu’une entreprise dépendant des forces de la nature puisse être décrite comme robuste, l’agriculture américaine est robuste et en pleine croissance. Les fermes sont plus productives aujourd’hui que jamais auparavant.


Source : Seppi depuis Genetic Literacy Project

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading