Publié par Abbé Alain René Arbez le 30 juin 2019

Alain Rene Arbez, abbé à Genève, estime que le djihad fait partie de la doctrine islamique de la conquête tandis que les croisades n’étaient qu’une défense légitime des lieux saints.

L’article d’Alexandre Stärker sur la raison et la foi (Le Temps du 3 octobre) a pour principal effet de s’en prendre à Benoît XVI mais son propos est tissé de confusions et d’approximations. Sous l’apparence de savantes références citées pêle-mêle se cache une énorme ignorance de l’enjeu interreligieux.

En exergue de cet article, on nous signale que l’auteur va publier un ouvrage sur «les religions du Livre». Beaucoup ignorent, l’auteur sans doute aussi, que cette expression relève exclusivement du point de vue islamique […] En effet, l’islam considère judaïsme et christianisme, qui l’ont précédé, comme Ahl al Kitab, religions du Livre, ce qu’elles ne sont pas. Elles sont plutôt religions de la Parole vivante, écriture humaine inspirée, donc analysable et interprétable, ce que le Coran, écrit sacré venant d’Allah en personne, ne permet pas.

La référence à Harnack, philosophe au rationalisme réducteur du XIXe siècle, pour justifier une approche islamique de Jésus ne tient pas. Le Coran considère Jésus comme un prophète musulman au même titre qu’Adam, Noé, et Moïse… Le Jésus du Coran (Issa) n’a rien en commun avec le Messie des évangiles.

Quant à dire que le judaïsme et le christianisme ont le même problème de «rapport à l’autre» que l’islam, c’est intellectuellement faux. Les Ecritures juives et chrétiennes délivrent un message qui s’adresse avec bienveillance à tous les humains sans discrimination. Le Coran a une démarche différente où l’univers est divisé en dar al islam (domaine de l’islam) et dar al harb (domaine de la guerre). Les droits des uns et des autres ne sont pas les mêmes (dhimmitude).

M. Stärker reprend l’argument des croisades pour justifier le djihad (guerre sainte). Or le djihad fait partie de la doctrine islamique dès ses débuts sous forme de guerre de conquête. La notion de djihad comme effort spirituel est très récente, popularisée par le courant soufi, honni par l’islam officiel.

La première croisade a été une réaction légitime des Occidentaux face à l’agression des musulmans qui s’étaient emparés militairement des lieux saints (avec destruction du tombeau du Christ et sévices sur les pèlerins) mais aussi de l’Espagne et de la Sicile. Les textes fondateurs islamiques incitent à la guerre sainte «dans le sentier d’Allah», ce qui n’est évidemment pas le cas des écrits judéo-chrétiens tournés vers la concorde et l’offre de la foi sans contrainte.

Il est facile de ridiculiser l’empereur byzantin Jean Paléologue cité par le pape. Mais la situation des chrétiens encerclés et menacés à cette époque était effectivement dramatique et personne ne peut oublier la catastrophe de la prise de Constantinople en 1453 par des Seldjoukides qui avaient demandé initialement l’hospitalité à Byzance en se faisant passer pour de paisibles bergers des steppes.

La conclusion de M. Stärker consiste à affirmer par la méthode Coué que judaïsme, christianisme et islam ont tellement de points communs que Benoît XVI devrait passer sous silence les questions qui dérangent. Voilà la démagogie au service d’un dialogue illusoire basé sur des sophismes: toutes les religions se valent, on a le même Dieu, etc. C’est très tendance et surtout bien pratique pour éluder les vraies confrontations, celles qui permettent d’avancer sur un chemin qui ne soit pas un marché de dupes mais qui engage, avec exigence et réciprocité, sur un parcours de vérité.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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