Publié par Abbé Alain René Arbez le 7 juillet 2019

Evangile de Marc 3, 1-6

« En ce temps-là, Jésus entra dans la synagogue. Il se trouvait là un homme dont la main était atrophiée. Certains observaient Jésus en se demandant s’il allait le guérir dans le cadre de l’office du shabbat. Avec l’arrière-pensée de l’accuser. Jésus dit à l’homme qui avait la main atrophiée : « Lève-toi et viens au milieu de nous tous » Et s’adressant aux autres, il leur dit : « Est-il permis le jour du shabbat de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de tuer ? » mais les autres se taisaient. Jetant sur eux un regard de colère et fâché de voir un tel endurcissement de leur conscience, il dit à l’homme : « Etends la main ! ». Il l’étendit et sa main devint normale. Une fois sortis, des Pharisiens se réunirent en conseil avec les partisans d’Hérode pour voir comment éliminer Jésus.

Il est tout à fait logique – dans la tradition juive – de transgresser la loi du shabbat lorsque quelqu’un est en souffrance ou en danger, pour venir à son secours. La vie (Haïm) est prioritaire. Jésus est entièrement convaincu de cette évidence : soigner ou sauver quelqu’un est en harmonie avec le culte rendu à Dieu. 

Il enseigne aux foules qu’aimer Dieu et aimer son prochain correspond aux deux facettes d’une même réalité, et dans le cas présent de cet homme à la main atrophiée, on le voit interpeller les rigoristes présents en leur faisant comprendre que ne pas faire le bien lorsqu’il le faut est équivalent à faire le mal. Cela est sans doute vrai pour tous ceux qui restent inertes et estiment que ne faire de mal à personne est aussi valable que faire le bien ! C’est ce qui fait que la création n’évolue pas vers son accomplissement, dans l’amour.

Mais si nous examinons la formulation de l’évangile, nous constatons que la « main atrophiée » de cet homme présent à la synagogue veut dire beaucoup plus qu’un problème de physiothérapeute ! La main, dans la tradition biblique, c’est YAD. Yad désigne toute l’activité humaine, tout ce qu’un homme ou une femme peut réaliser en tant qu’expression personnelle dans la vie quotidienne. En retrouvant une main enfin active, cet homme en prière à la synagogue réintègre son humanité. 

Les mains levées vers le ciel pour reconnaître la Présence de Dieu en ce monde. Les mains qui serrent d’autres mains, dans les relations interpersonnelles, exprimant l’amitié, l’amour, la réconciliation. Les mains qui s’ouvrent pour l’accueil de l’autre, pour le partage, mais aussi les mains qui transforment les produits de la création, les mains au travail, dans les champs, dans l’atelier, au bureau, les mains qui soignent les animaux, qui réalisent des œuvres d’art ou qui jouent d’un instrument. En restituant l’usage de sa main à cet homme, Jésus lui restaure sa dignité, sa capacité de vivre pleinement, avec Dieu et avec les autres. 

C’est pourquoi, au centre même de la synagogue, Jésus l’appelle et lui dit : « Lève-toi et viens au milieu de nous ! » Au cœur de la louange à Dieu, l’homme retrouve la place qui est la sienne dans la communauté, il va pouvoir exercer ce qui caractérise sa personnalité en lien avec d’autres.

A noter que « Lève-toi ! » est la même expression en hébreu pour dire : « Ressuscite ! Revis ! ». Et Jésus précise encore « Etends la main ! ». Exerce la vitalité de ton être, agis sur l’état du monde, sois capable de faire le bien…En effet, nous retrouvons ici la phrase pascale « A main forte et à bras étendu » de l’Exode, pour désigner la puissance de Dieu qui libère et oriente les événements vers le bien de ses enfants. Deutéronome 5.15 : « Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Egypte et que l’Eternel ton Dieu t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu : c’est pourquoi l’Eternel ton Dieu te demande de célébrer le jour du shabbat ! ». 

La force qui émane de Jésus vient de Dieu. Quelle libération pour cet homme dans le cadre du shabbat ! 

Mais le bras du Seigneur n’est pas que celui de la force, il est aussi celui de la miséricorde : « Jetons-nous dans les bras du Seigneur, et non dans ceux des hommes, car telle est sa majesté, telle est aussi sa miséricorde ! » (Ben Sirac1.18). Le Dieu créateur est le Dieu sauveur : « Seigneur Eternel !, voici : tu as fait le ciel et la terre par ta grande puissance et ton bras étendu… » (Jérémie 32.17). C’est le Dieu de l’alliance avec tous les êtres vivants : « J’ai fait la terre, les hommes et les bêtes qui sont sur la terre, par ma grande force et mon bras étendu » (Jérémie 27.5).

La guérison de l’homme à la main atrophiée est une magnifique figure du projet de Jésus. Rendre à l’être humain toute sa capacité à vivre, à créer, à exercer son influence positive sur le monde et la société. Jésus a voulu restaurer l’image de Dieu en l’homme, il y a mis le prix, sans contraindre personne, mais par la puissance contagieuse de son témoignage jusqu’à la croix. A travers cet évangile construit autour d’un fait réel, la communauté des premiers disciples a certainement donné à cet événement une dimension résurrectionnelle et cosmique qui nous concerne tous.

Alors qu’on nous parle d’ « humanité augmentée » par des moyens artificiels, nous avons ici une figure d’humanité restaurée par la force d’en haut.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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