Publié par Dreuz Info le 16 juillet 2019

Jeudi marque le 50e anniversaire du jour où Ted Kennedy, le sénateur Démocrate du Massachusetts et frère du président John F. Kennedy, a laissé Mary Jo Kopechne se noyer sur le siège arrière de sa voiture, qui venait de faire une sortie de route sur un pont de l’île Chappaquiddick, et qu’il a attendu 10 heures avant d’avouer son crime – empêchant la police de vérifier s’il était en état d’ébriété.

Pendant des décennies, les journalistes et les chaînes de télévision ont minimisé l’incident et dépeint le sénateur comme la victime.

Malgré les circonstances, la couverture initiale du drame par James Reston, correspondant du New York Times en 1969, a présenté l’histoire comme une tragédie de la “famille Kennedy”, plutôt que comme une tragédie pour la famille Kopechne.

La première ébauche de Reston sur Chappaquiddick commençait ainsi :

La tragédie a de nouveau frappé la famille Kennedy.

La victime réelle était reléguée au paragraphe 4. Heureusement, le Times a édité l’article pour mettre la victime dans le chapeau de l’article.

  • Le 18 juillet 1989, les journalistes de NBC Nightly News, Andrea Mitchell et Mary Alice Williams, ont utilisé le 20e anniversaire moins pour réfléchir sur les méfaits de Kennedy que pour vanter les mérites du sénateur.

Il y a 20 ans ce soir, une voiture a fait une embardée sur un petit pont de l’île Chappaquiddick, au large de la côte du Massachusetts, et Chappaquiddick a donné son nom à un tournant dans notre vie politique.

La voiture a coulé dans l’eau peu profonde, et une jeune passagère, Mary Jo Kopechne, s’est noyée.

Le chauffeur, un jeune sénateur nommé Edward Kennedy, a survécu. Mais cela a changé sa vie et a peut-être mis fin à son rêve de devenir président.

En 1999, le journaliste Adam Clymer du New York Times a minimisé Chappaquiddick dans la biographie qu’il a écrite sur Teddy :

Ses réalisations en tant que sénateur ont changé la vie de beaucoup plus d’Américains que le nom de Mary Jo Kopechne”.

L’un des exemples les plus exaspérants du révisionnisme des médias est venu du journaliste Charles Pierce, dans le profil de Kennedy paru dans le Boston Globe le 5 janvier 2003. Bien qu’il ait prévenu que Kennedy avait perdu sa “crédibilité morale” d’être président, Pierce a tristement écrit :

Si elle avait vécu, Mary Jo Kopechne aurait 62 ans. Grâce à son travail inlassable en tant que législateur, Edward Kennedy lui aurait apporté du réconfort dans sa vieillesse.

Sauf que c’est Kennedy qui a tué Mary Jo, et c’est encore Kennedy qui ne l’a pas sauvée de la mort.

Jusqu’où les journalistes de gauche sont-ils allés pour justifier Chappaquiddick ?

Chappaquiddick. Une fille se noie et il l’abandonne et elle est morte et les femmes ont encore voté pour Teddy Kennedy.

Dans une citation choquante, Melissa Lafsky du magazine Discover a écrit un article pour le Huffington Post suggérant que Kopechne pourrait voir sa mort comme un sacrifice nécessaire :

Mary Jo n’était pas un sujet de discussion de droite ou un slogan de campagne négatif…. Nous ne savons pas dans quelle mesure Kennedy a été touché par sa mort, ni ce qu’elle aurait pu penser d’être le catalyseur de la carrière la plus réussie de l’histoire au Sénat…. [On se demande ce que] Mary Jo Kopechne aurait eu à dire sur la mort de Ted, et comment elle aurait considéré la vie et la carrière qui sont (justement) célébrées. Qui sait, peut-être qu’elle penserait que ça valait la peine.

Joy Behar, co-animatrice de l’émission The View, a expliqué pourquoi des gauchistes comme elle n’ont pas abandonné Kennedy. Dans l’épisode du 5 janvier 2016, elle a expliqué que le programme Démocrate compte plus que la vie de Kopechne.

Chappaquiddick. Je veux dire, une fille se noie et il l’abandonne et elle est morte et les femmes ont encore voté pour Teddy Kennedy.

Pourquoi ? Parce qu’il a voté pour les droits des femmes. Voilà pourquoi.

À mon avis, c’est là l’essentiel.

À l’occasion du 40e anniversaire de Chappaquiddick en 2009, alors que Kennedy était déjà atteint d’un cancer du cerveau, les radios ont ignoré le terrible accident.

Newsweek du 27 juillet 2009 a salué Kennedy comme un homme dont le nom “ne passera jamais inaperçu dans les brumes de l’histoire”. Chappaquiddick, semble-t-il, n’était qu’une parenthèse de l’histoire.

La vie de Kennedy est plus fascinante et plus instructive si elle n’est pas perçue comme le déroulement inévitable du destin d’un homme dévoué au service public, mais comme l’histoire d’une quête de rédemption.

Ce n’est qu’après la montée du mouvement #MeToo (des années après la mort de Kennedy), que Hollywood a commencé à enquêter sur l’accident que Kennedy a attendu 10 heures avant de le signaler.

Enfin, le film Chappaquiddick, tourné en 2018, jette un regard honnête sur les actions moralement répugnantes de Kennedy.

En général, les journalistes aiment les drames politiques. Mais pas ce film. Il a été largement ignoré par la critique. Voire pire. Le 5 avril 2018, Savannah Guthrie, coanimatrice de l’émission Today, a attaqué une des vedettes du film. Elle lui a reproché de rendre un “mauvais service” à la cause et d’avoir fait un récit “fictif”. Le récit était pourtant honnête et précis.

Les médias feraient bien de se rappeler comment ils ont minimisé et expliqué la mort de la pauvre Mary Jo Kopechne. Et d’avoir une pensée pour sa famille, et ce qu’elle peut ressentir.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Sources :

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