Publié par Gaia - Dreuz le 1 août 2019

Source : Leparisien

Un « revenant » du djihad sur le point d’être libéré, un converti ultra-prosélyte et un ancien militaire. Selon nos informations, ces trois suspects rencontrés en prison sont au cœur d’un projet d’attentat, aussi inquiétant que nébuleux, déjoué la semaine dernière. Placés en garde à vue le 23 juillet par les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT), Zoubeir C., Matthieu C. et Sylvain D.* ont été mis en examen vendredi 26 juillet pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et écroués.

Deux d’entre eux étaient déjà détenus -au centre pénitentiaire de Châteaudun (Eure-et-Loir) et à la maison centrale de Saint-Maur (Indre)- au moment de leurs interpellations. Le troisième avait été relâché en début d’année. Selon des sources proches de l’enquête, les policiers ont acquis la conviction que le trio projetait une action violente à la libération imminente de Zoubeir C., 31 ans.

Diverses cibles auraient été évoquées par les suspects parmi lesquelles des gardiens de prison, des sites institutionnels ou encore des passants. Mais à ce stade des investigations, le projet reste imprécis. En garde à vue, les trois hommes ont contesté toute velléité terroriste ou ont fait usage de leur droit au silence. Les policiers ont néanmoins saisi des armes artisanales ainsi qu’un miroir brisé en plexiglas dans les cellules.

Un séjour en Syrie

Libérable en août, Zoubeir C. purgeait une peine de six ans de prison pour un séjour express de six mois en Syrie en 2014, avant la proclamation officielle du pseudo-califat de l’Etat islamique (EI). Animé par le désir de se « rapprocher de Dieu », il avait rejoint les rangs du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, et appris le maniement de la kalachnikov dans l’idée de combattre le régime de Bachar al-Assad. Mais se sentant « inutile » sur place, il avait alors demandé à son père de le rapatrier en France. Depuis son incarcération, Zoubeir C. était considéré comme un détenu modèle, ayant passé avec brio les examens pour s’inscrire à l’université, et semblait s’être rangé.

Mais les enquêteurs pensent que le « cerveau » du groupe était Matthieu C., 27 ans. Condamné pour « apologie du terrorisme », il est soupçonné d’avoir « engrainé » ses complices. Coutumier des incidents en prison tels que des appels à la prière, au point d’avoir été forcé de changer d’établissements à au moins trois reprises, le jeune prosélyte avait côtoyé Zoubeir C. à Châteaudun et Sylvain D. à Toulon entre 2016 et 2019.

C’est ainsi que Matthieu C. entre dans le radar du bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) qui le surveille discrètement et place sa cellule sur écoutes. Lors des promenades, il se rapproche de Zoubeir C., mais les deux hommes ne sont pas dans le même bâtiment. « Il a donc demandé à un codétenu, qui officiait comme auxiliaire dans la prison, de transmettre à son ami des mots sur papier », confie une source proche de l’enquête.

«Tu vas bientôt sortir, sois discret»

Sur l’un de ces messages, Matthieu C. inscrit les coordonnées d’un homme devant aider Zoubeir C. à se procurer des armes une fois sorti de prison. « Tu vas bientôt sortir, sois discret », lui aurait également intimé le jeune converti. Des sonorisations montrent que Matthieu C. hurlait des messages troublants depuis sa cellule tels que « Sois patient mon frère, tu verras ». Mais les enregistrements ne révèlent aucun projet terroriste explicite.

Une fois à l’extérieur, Zoubeir C. devait-il s’associer à Sylvain D. afin de passer à l’acte avec des armes à feu ? Mystère. Sylvain D., décrit lui aussi comme radicalisé et prosélyte, est un ancien légionnaire de 42 ans. L’information judiciaire ouverte doit préciser les motivations réelles et le rôle de chacun des suspects. Mais il apparaît d’ores et déjà que l’échéance de la libération de Zoubeir C. a précipité le coup de filet des enquêteurs.

Depuis le début de l’année, plusieurs agressions à caractère terroriste ont heurté le monde de la pénitentiaire. Le 20 juin, un détenu ayant séjourné en Syrie avait attaqué deux surveillants à l’aide d’un pied de table en fer et un morceau de miroir au Havre (Seine-Maritime). En mars, c’est un détenu de droit commun radicalisé qui avait profité d’un séjour en unité de vie familiale à Condé-sur-Sarthe (Orne) pour s’en prendre à deux gardiens à l’aide d’un couteau en céramique. L’intervention du Raid avait alors coûté la vie à sa compagne.

* Les prénoms des suspects ont été modifiés.

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