Publié par Thierry Ferjeux Michaud-Nérard le 3 août 2019
Sarah Halimi

Mort de Mamoudou Barry : Nouvelle révélation sur la réalité de l’état psychiatrique de l’agresseur !  Jonas Haddad, avocat de la famille de Mamoudou Barry, explique que lors du drame, le discernement du tueur n’était ni aboli, ni altéré et qu’il était en pleine possession de ses moyens. On parle bien trop souvent d’antécédents psychiatriques, alors qu’il peut s’agir de courts séjours même répétés pour des indésirables.

Atlantico avec Jonas Haddad : “Vous êtes l’avocat de la famille de Mamoudou Barry, tué par un individu présenté à l’origine comme supporter algérien. L’interruption de la garde à vue a eu lieu pour raisons médicales et il disposait d’antécédents psychiatriques. Quelles informations possédez-vous sur cette affaire ?

Jonas Haddad : “J’ai passé du temps avec la famille Barry et j’ai remarqué un fait peu souligné dans les médias. Lorsque l’agresseur de Mamoudou Barry porte les coups qui voulaient être mortels et lorsque sa femme se rend compte que son mari est mort, elle dit à l’agresseur : “Tu as tué mon mari !”.

“Là, l’agresseur lui répond : “Reste à ta place ou je te réserverai le même sort !” En cela, on se rend compte que son discernement n’est ni aboli, ni altéré, et qu’il est en pleine possession de ses moyens.

“Autre point intéressant, sa compagne serait venue indiquer aux enquêteurs où il se trouvait. C’est donc quelqu’un possédant une vie sociale et qui n’est pas “dérangé” comme on a pu le présenter.

Atlantico : “Selon vous, le motif amené à l’origine comme étant la cause de cette agression, à savoir le racisme, serait toujours possible ?

Jonas Haddad : “C’est notre conviction et c’est aussi celle du procureur, puisque c’est ce qu’il a retenu pour ouvrir l’instruction. Nous ne sommes pas dans le domaine de la supposition (“plausible”) et nous avons avancé sur ce terrain-là. Ça veut dire que si le procureur le retient, c’est qu’il a des indices qui le lui laissent penser. Nous avons des témoignages concordants sur les propos adressés par l’agresseur.

Atlantico : “L’argument des (soi-disant antécédents et) problèmes psychiatriques est-il trop souvent brandi lors d’affaires judiciaires françaises ?

Jonas Haddad : “On parle souvent d’antécédents psychiatriques, mais on peut avoir des antécédents psychiatriques à l’âge de 10 ans sans être fou à 20 ans. Il y a une ignorance du Code Pénal. Le Code Pénal prévoit que la responsabilité pénale demeure si une personne a son discernement altéré, c’est écrit en toute lettres dans l’article 122-1 : la personne est punissable. L’article prévoit un aménagement de la peine, mais pas d’irresponsabilité pénale. Quand on entend les mots “déséquilibré” ou “antécédents psychiatriques” dans les médias, les gens se disent que c’est terminé et qu’il n’y a plus de responsabilité pénale, mais c’est faux.

“Le seul cas de figure où la personne peut être considérée comme irresponsable pénalement, c’est si son discernement est totalement aboli, et pour cela il faut que la personne ait perdu totalement le contrôle de ses actes et qu’elle n’ait plus aucun libre-arbitre. Certains auteurs juridiques parlent de “folie généralisée”.

“On a trop souvent tendance à qualifier le discernement d’aboli alors qu’il n’est qu’altéré. Il faut bien faire la différence entre le moment où le discernement est altéré et le moment où il est aboli.

“Ce n’est que parce que le discernement est aboli qu’il y a irresponsabilité pénale.

Atlantico : “Peut-on appliquer cette réflexion au cadre du terrorisme, dans les cas où l’auteur d’actes terroristes est présenté comme psychologiquement déséquilibré ?

Jonas Haddad : “Assimiler immédiatement un terroriste à un individu déséquilibré psychologiquement est un très mauvais réflexe parce qu’il disqualifie l’enquête et la justice alors que ce sont justement elles qui doivent avoir le plus d’influence et de pouvoir dans ce cas-là. Ce sont à elles de déterminer, par le biais d’une étude psychiatrique, le fait que demain quelqu’un soit considéré comme ayant été en capacité de discerner ses actes ou non. Même si quelqu’un est décrit comme “déséquilibré”, bien que juridiquement ce terme n’ait aucun sens et n’existe pas dans le Code Pénal, cela n’enlève pas la responsabilité pénale de la personne qui commet l’acte. Il est indéniable que quelqu’un qui s’apprête à commettre des atrocités, comme cela peut être le cas dans les actes terroristes, n’est jamais quelqu’un de très équilibré.

Atlantico : “Dans les cas politiquement sensibles (suspicions de racisme, sexisme, actes terroristes etc.), ce recours au cas psychiatrique n’est-il pas un acte politique qui vise à nier certains problèmes par la facilité de l’argument du “déséquilibre” ?

Jonas Haddad : “Sans doute cela peut-il servir d’argument politique. Mais c’est un argument qui ne tient pas juridiquement. Quelqu’un qui est “déséquilibré”, qui a son discernement altéré et non aboli, à moins qu’il soit sous contrainte, sous la menace de sa vie, a une responsabilité pénale complète. La perte à un moment de son équilibre psychologique ne peut jamais justifier l’irresponsabilité pénale. D’un autre côté, cela peut atténuer la peine si jamais on arrive à démontrer que ce discernement était altéré. Sur cette question-là, ce ne seront jamais les journalistes qui pourront en décider, mais toujours des experts psychiatriques.”

Kobili Traoré pourrait ne pas être jugé, car les juges ont estimé “plausible” l’abolition du discernement de Kobili Traoré lors du meurtre de Sarah Halimi. Aujourd’hui, “plausible” signifie tout sauf certain !

“Le dictionnaire de l’Académie française, 5ème édition, définit ce qui est plausible mais pas comme une preuve recevable en justice qui repose sur des faits, mais seulement comme une “apparence de preuve”.

Des raisons plausibles sont des raisons probables, des raisons fondées sur une apparence de raison.

Des raisons probables et plausibles sont des raisons qui ne sont point démonstratives.

“Le dictionnaire de l’Académie française, 5ème édition, donne quelques synonymes : Raison plausible, Raison probable, Raison frivole, Raison fausse. Prétexte plausible : Faux prétexte.”

Cette perspective de plausibilité de d’abolition du discernement de Kobili Traoré a provoqué la colère des parties civiles après une décision des juges d’instruction qui estiment plausible mais non prouvé l’abolition de son discernement au moment des faits, synonyme d’irresponsabilité pénale et d’abandon des poursuites.

L’hypothèse de plausibilité des juges, signifiée dans une ordonnance, a relancé la crainte des parties civiles que le suspect musulman Kobili Traoré, 29 ans, ne soit jamais jugé, alors que le parquet de Paris avait réclamé le 17 juin son renvoi devant une cour d’assises pour “homicide volontaire” à caractère antisémite.

Selon une source proche du dossier, les magistrats, comme le prévoit la loi, vont saisir la chambre de l’instruction “pour apprécier les suites médicales et juridiques” à donner à cette affaire qui a déclenché un vif débat médiatique. Des avocats de parties civiles ont annoncé qu’ils feraient appel de l’ordonnance des juges, devant cette même chambre de l’instruction. “Le parquet analyse cette ordonnance afin de déterminer s’il fait ou non appel”, a-t-il indiqué.  Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, à Paris, Kobili Traoré, pris d’une “bouffée délirante” (plausible), selon les experts, s’était introduit chez sa voisine Lucie Attal, appelée Sarah Halimi, âgée de 65 ans, au troisième étage d’un immeuble HLM du quartier populaire de Belleville. Aux cris de “Allah Akbar”, entrecoupés d’insultes et de versets du Coran, ce musulman l’avait rouée de coups sur son balcon avant de la précipiter dans la cour. Au terme de l’enquête, trois expertises psychiatriques concordent pour dire que le jeune homme, sans antécédent psychiatrique, ne souffre pas de maladie mentale, mais qu’il a agi lors d’une “bouffée délirante” (plausible), provoquée (plausiblement) par une forte consommation de cannabis.

Elles divergent sur la question de l’abolition ou de l’altération du discernement de Kobili Traoré.

Sur ce point, les juges estiment finalement qu’il y a des raisons “plausibles” (probables) de conclure à l’abolition du discernement de Kobili Traoré, selon les termes de leur ordonnance révélée par Le Parisien et confirmée par une source judiciaire. Le premier expert avait conclu que le discernement du suspect devait être considéré comme “altéré”, mais pas “aboli”, par “la consommation volontaire et régulière de cannabis”.

Dans l’affaire du meurtre de Sarah Halimi : l’abolition “plausible” du discernement de Kobili Traoré fait qu’il n’y a rien qui emporte la conviction. Alors que la qualification antisémite tardive avait déjà fait polémique, plusieurs juges d’instruction ont conclu que le meurtrier présumé, Kobili Traoré, ne devrait pas être jugé !

Quand les juges d’instruction ont conclu à la plausibilité de “l’abolition” du discernement et signifient que Kobili Traoré n’était pas conscient et qu’il serait pénalement irresponsable, un premier rapport d’expertise psychiatrique a conclu à une simple “altération” du discernement du fait de sa consommation de cannabis.

Reste que l’état de démence de Traoré au moment des faits doit être scientifiquement prouvé.

Sur le plan strictement médico-légal, Kobili Traoré est poursuivi pour “homicide volontaire“pour avoir sauvagement frappé puis défenestré Sarah Halimi. Sur le plan psychiatrique, le psychiatre Daniel Zagury a jugé que l’auteur du meurtre, Kada Traoré, avait agi “sous l’emprise d’une bouffée délirante aiguë” et dont la prise “massive” de cannabis aurait “démultiplié l’effet”. Sur le plan du “comportement habituel”, Traoré était coutumier des propos et des menaces antisémites, ce qui prouve bien qu’il avait déjà choisi sa victime du fait évident de l’appartenance religieuse de Sarah Halimi. Sur le plan du contexte criminel, il est clair que Sarah Halimi, qui a été menacée en tant que juive à plusieurs reprises, a été choisie intentionnellement par Traoré.

Elle a été recherchée et tuée parce qu’elle était juive par un assassin musulman récitant dans le temps de l’action des sourates du Coran et ayant crié “Allah Akbar” à plusieurs reprises. Il a crié “au moment des faits” selon des témoins : “j’ai tué le sheitan” ! Selon ce que l’on peut envisager de sa motivation criminelle, Sarah Halimi, qui a été menacée en tant que juive, représentait pour lui “l’ennemi de sa religion”.

Le terme sheitan, signifiant “le diable”, en langue arabe, désignait l’ennemi qu’il faut tuer. Sur le plan religieux passionnel caractéristique du contexte criminel, l’on peut envisager que Traoré se devait d’agir en bon musulman. Sur le plan du contexte toxicologique qui aurait influencé le discernement, la consommation massive (???) de cannabis devait faciliter le passage à l’acte criminel, comme il est d’usage en criminologie que l’intoxication alcoolo-cannabique détermine le passage à l’acte dans la plupart des crimes de proximité.

Les psychiatres devraient pouvoir expliquer comment Traoré, qui aurait agi en raison d’une “altération du discernement”, peut continuer de “nier consciemment” tout mobile antisémite !

Les vraies questions posées par le meurtre de Sarah Halimi victime de la barbarie ordinaire sont :

Qu’a-t-il manqué au débat judiciaire à propos du meurtre antisémite de Sarah Halimi ?

1° Faire la description objective de ce crime raciste sans aucune fausse théorie psychiatrique ;

2° La connaissance du comportement antisémite habituel avéré du meurtrier Kobili Traoré ;

3° La science des comportements pré-criminels concrets de Kobili Traoré, le choix de la victime, ses insultes racistes et ses menaces antisémites habituelles, comportements connus du voisinage ;

4° Un islamiste ayant présenté des conduites délinquantes habituelles et reconnu responsable ;

5° Un multi-délinquant antisémite habituel sans aucune condamnation morale par les autorités ;

6° Un délinquant antisémite sans connotation psychiatrique ou délirante dans les antécédents.

La qualification du meurtre antisémite de Sarah Halimi doit être mise scientifiquement en relation avec la réalité concrète de l’attitude, de la conduite et du comportement antisémite habituel de Kobili Traoré.

La psychiatrie n’est pas une science exacte. Le rapport d’expertise psychiatrique se réduit souvent à des hypothèses non vérifiées. Kobili Traoré sain d’esprit est présumé irresponsable et placé en établissement psychiatrique. La critique judiciaire des rapports d’expertise médicale résulte du rapport de Robert Barrot, Président de la 19ème chambre du T.G.I. de Paris, pour qui le principe de la critique judiciaire des rapports d’expertise est “justifié à la fois sur le plan juridique et sur le plan technique“. “La critique (est) un esprit de vigilance qui, lorsqu’un rapport d’expertise présente des anomalies, se traduit par une contestation motivée“.

Robert Barrot met en cause directement “le raisonnement“suivi par l’expert. Le juge (et l’avocat) doit pouvoir “analyser le raisonnement de l’expert pour en détecter les failles“. La mission d’expertise n’exige pas seulement une “description“des signes cliniques, mais une “explication“des faits en fonction des troubles cliniques éventuels constatés. Les “explications“de l’expert doivent être considérées comme “une proposition soumise à la critique judiciaire“. La simple description des symptômes psychiatriques éventuels dans le but de définir une maladie mentale n’explique en rien l’enchaînement causal du passage à l’acte criminel. Le lien causal du trouble mental doit être prouvé. C’est pourquoi le juge doit contester la validité de l’expertise.

Dans le “Traité de la réforme de l’entendement et de la meilleure voie à suivre pour atteindre à la vraie connaissance des choses” Baruch de Spinoza indique :

À moins qu’on ne prenne les plus grandes précautions… on tombera immédiatement dans l’erreur. En effet, là où l’on conçoit les choses de façon abstraite… on est sous l’empire confus de l’imagination.

Ce n’est pas le diagnostic de la maladie mentale qui est déterminant, c’est sa conséquence dûment constatée pour provoquer l’état de démence “dans le temps de l’action”, non pas plausible, mais certain.

C’est pourquoi “l’état de démence dans le temps de l’actiondoit être démontré en tant que la cause certaine de l’acte criminel. L’expertise psychiatrique qui prétend expliquer des faits criminels par la théorie du trouble mental, fondée sur la description de symptômes psychiatriques ou psychiques mal observés et mal compris, révèle généralement beaucoup d’insuffisances logiques, ce qui va créer la confusion chez les jurés.

C’est pourquoi, à propos du meurtre de Sarah Halimi, les juges qui ont estimé “plausible” l’abolition du discernement sont en désaccord total avec la logique du Code Pénal qui exige une “certitude absolue”.

Conclusion : La logique des juges selon les critères du Code Pénal et la logique du raisonnement de l’expertise médico-légale “s’opposent aux préjugés comme la science s’oppose à l’opinion“.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Thierry-Ferjeux Michaud-Nérard pour Dreuz.info.

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