Publié par H16 le 19 août 2019

Billet initialement paru le 26 août 2009

Il y a dix ans (oui, dix) de cela, je me fendais d’un petit billet sur les risques sérieux qu’il y avait à restreindre l’accès à l’énergie nucléaire. En 10 ans, les choses ont peu changé. On voit, de temps en temps, des articles évoquer les problèmes récurrents (comme ici en 2014) d’approvisionnements en matériaux radio-actifs pour les demandes médicales, tant en France qu’ailleurs dans le monde. Avec l’hystérie écologique qui pousse à laisser tomber le nucléaire comme source d’énergie, couplée à la perte assez marquée de toute culture scientifique d’une part croissante de la population, la tendance ne s’est pas inversée…

J’avais déjà évoqué, lors d’un précédent billet, toute la puissance d’action du fluffy, c’est-à-dire le gentil écologiste extrémiste, cette personne cohérente qui souhaite de façon relax la mort de son prochain pour assurer, par exemple, une descendance nombreuse aux otaries, baleines et autres crustacés au détriment de sa voisine de palier dont il sait pertinemment qu’elle ne trie pas ses déchets, cette vieille radasse. Il m’arrive aussi de souligner l’incurie de l’état dans la gestion des affaires courantes, et sa propension assez incroyable à foirer lamentablement une planification, quinquennale ou pas. Aujourd’hui, nous allons pouvoir étudier les conséquences sur le long terme d’un esprit fluffy couplé à toute la puissance de l’inattention laxiste des états.

Or donc, tout commence il y a quelques années, alors que les Verts, Ecolos et autres environnementalistes deviennent très très conscients que nous, tous autant que nous sommes, polluons la planète comme des malades.

Il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que ceux-ci prennent les grands conglomérats industriels comme cible privilégiée, puisque ce qui se voit bien se dénonce facilement. Et des groupes pétroliers en passant par les chimistes et les industries lourdes, nos combattants de Gaïa ont toujours su trouver un groupe ou une multinationale sur qui taper.

L’Etat n’était pas en reste, tant pour taper que pour recevoir les coups.

Pour taper, l’Etat tape : la petite bruine de règlementations confuses eco-friendly s’est, progressivement, muée en pluie de taxes et impositions diverses, qui s’est elle-même transformée, ces dernières années, en un véritable déluge fiscal aux proportions bibliques dont, en France, la taxe carbone est le dernier avatar, ce qui va encore bien aider le pouvoir d’achat des Français.

Quant à recevoir les coups, entre le terrrrrrible complexe militaro-industriel et le nucléaire, les Verts de combat n’ont jamais manqué une occasion de dénoncer les bidouilles étatiques sur l’atome, qui polluent l’environnement et détraquent le temps, favorisent la prolifération d’armes de destruction massive, poussent les gens à la consommation irréfléchie d’électricité et les détournent des éoliennes, des panneaux solaires, des potagers macrobiotiques et des voitures à pédales.

De fil en aiguille s’est instauré un dogme en béton armé à la sarcophage du réacteur n°4 : le nucléaire, c’est mal, c’est même l’œuvre du diable en personne.

Petit à petit, les lobbys verts auront donc tout fait pour diaboliser le nucléaire et, de surcroît, pour en détourner l’état qui était, finalement, trop heureux de modifier l’allocation de ses dispendieux budgets vers d’autres technologies plus politiquement rentables. Au bilan, les installations (et surtout celles qui tripotent de l’uranium grade militaire) sont rapidement devenues vétustes et les budgets pour les entretenir ou en construire de nouvelles se sont bien vite dirigés dans d’autres domaine comme les campagnes de sensibilisation au pédalage durable (et festif) par exemple.

Un électeur n’ayant qu’un choix limité aux politiciens en présence, et ces politiciens s’occupant surtout du court terme, on comprend très bien que les planifications de long terme (on parle de plusieurs décennies, ici) n’intéresse finalement ni le politicien, ni l’électeur qui s’imagine qu’après tout, s’il s’emmerde à aller voter le dimanche, c’est bien pour que certains, de temps en temps, fassent un chouilla d’organisation à sa place.

Bref : tout le monde était fort content de cet état de fait.

Mais il y a un hic.

Une quantité non négligeable de l’uranium enrichi de grade militaire est utilisé non pour produire des bombes mais bien pour faire des isotopes spécifiques indispensables dans certaines technologies … médicales. Et l’uranium grade militaire, enrichi à 95%, qui sauve (indirectement, certes, mais tout de même) des vies par centaines de milliers, vous en aviez entendu parler ? Non ? C’est normal.

Ce n’est ni vert, ni fluffy.

Et après quelques dizaines d’années, on se retrouve donc dans la situation où on peut encore produire l’uranium enrichi, mais … pas les isotopes médicalement intéressants. Panique et mains moites.

Comme chacun sait que le nucléaire, c’est le diable en personne, et que le diable avec un haut-de-forme et un cigare, c’est le libéralisme, ça donne ceci dans Le Monde :

« Il faut trouver une meilleure articulation entre public et privé. Nous avons vécu pendant des années sur un modèle économique qui ne tient plus », souligne M. Dujardin. Aux deux bouts de la chaîne, des acteurs le plus souvent publics : l’hôpital et les réacteurs exploités sur fonds d’Etat. Entre les deux, des intermédiaires privés, dont certains cotés en Bourse, qui pouvaient espérer extraire 90 % de la valeur ajoutée de ce marché de 1 à 2 milliards de dollars par an. Lors de réunions internationales prévues en septembre, l’OCDE appellera ses membres à imaginer un autre système.

Eh oui les petits amis : le marché, c’est mal (parce que c’est mal) et il faut imaginer un autre système !

Reprenons :

  • ce sont des organismes militaires (donc étatiques) qui produisent l’uranium enrichi.
  • ce sont des institutions étatiques qui produisent le molybdène radioactif.
  • ce sont des institutions de droit public qui utilisent le molybdène ou son produit de réaction (le technétium) pour les besoins médicaux.

… mais il y a un problème avec le marché.

Parce que les intermédiaires privés se situent entre ceux qui produisent et ceux qui utilisent. Et ça, évidemment, c’est mal, parce qu’ils captent (ou pouvaient espérer capter, mais c’est pareil, hein) 90% de la valeur ajoutée du « marché ». Surtout, ne constatons pas que l’Etat a lamentablement failli à assurer la production d’un bien nécessaire à la population. Comme par exemple la nourriture en économie soviétique pendant que l’Ukraine était le grenier à blé de l’Europe ou le pétrole raffiné au Vénézuela parallèlement détenteur d’une des plus grosses réserves au monde… Bref, vous voyez le tableau.

Certes, des solutions alternatives existent partiellement, mais on ne voit pas non plus les politiciens se lancer dans leur organisation ou dans la gestion de la pénurie. Bref : le marché, absent de la production et de la consommation, n’a pas trouvé de solution, et il faut donc imaginer un autre système.

Je serai curieux de savoir ce que cet « autre système » va être.

Parce que, rappelons-le, il faut absolument qu’en plus de satisfaire aux exigences médicales (encore qu’après tout, sauver des humains, c’est un peu has been), le prochain système ne soit pas trop libéral, voire totalement collectiviste, ce qui sera un gage de réussite flamboyant comme – mettons – la sécurité sociale, et surtout, surtout, qu’il soit Eco-Friendly, Green-Compliant, EPA Certified et ISO 14001.

Avec ces quelques contraintes, gageons qu’un autre type d’isotopes est possible.

Et un bon conseil : ne tombez pas malade.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © H16. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur (son site)

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