Publié par Abbé Alain René Arbez le 24 juillet 2020

Le Révérend John Shelby SPONG a été évêque de Newark, dans l’Eglise épiscopalienne (tradition anglicane des USA).

Depuis longtemps, il constate que le public peine à ressentir l’actualité de la Bible et que la lecture littérale des textes tourne en rond et conduit à des impasses. Son souci pastoral l’a amené à analyser les difficultés de compréhension des Ecritures et à remettre en question certains présupposés et certains réflexes qui selon lui empêchent de libérer le sens profond du message.

J. Spong s’inspire du midrash, qui permet de relire le présent à la lumière des textes anciens. Dans le même esprit, il revendique donc pour notre époque une approche non littéraliste de la Bible, estimant qu’on doit tirer les conséquences des acquis de la recherche exégétique.

J. Spong, dans son livre « Sauver la Bible du fondamentalisme » considère que la lecture littéraliste, en ignorant les apports essentiels des sciences bibliques, se cantonne dans une attitude de repli stérile. Animé par la quête inlassable de la vérité divine pour l’homme, J. Spong pense que les littéralistes recherchent surtout une sécurité religieuse, au nom d’une conception de l’Ecriture infaillible qui ne tient pas compte du contexte des rédactions.

Il dit : 

« Pour les tenants d’une lecture littérale de la Bible, il y a toujours un ennemi à combattre ! ». « La peur se concentre souvent, pour les fondamentalistes, sur une Eglise rivale ». « Un chrétien fondamentaliste voit l’antéchrist en toute personne qui dérange sa sécurité religieuse ».

J. Spong évoque une chrétienne qui croyait que « Dieu avait dicté chaque mot des Ecritures saintes ». Prenant l’exemple de passages bibliques qui se contredisent, J. Spong estime que la lecture littérale n’apporte pas d’éclairage mais au contraire obture la perception du sens. La Bible n’étant pas un livre scientifique, l’évêque Spong souligne que les Ecrits sont conçus à partir des connaissances de l’époque de rédaction. Plus on prend conscience des contingences de cette conjoncture, plus le cadre interprétatif traditionnel devient insuffisant. Ainsi, la terre n’est pas le centre de l’univers, le soleil ne se lève pas, c’est la terre qui tourne sur son axe. De nombreux passages de la Bible perpétuent une vision préscientifique aujourd’hui inopérante. On considérait que Dieu était à l’image d’un roi assis sur son trône, et qu’il était à l’origine de tout ce qui arrive : les tempêtes, les inondations, les famines. La vision cosmologique du livre de Josué le montre en train d’arrêter le soleil. Même problématique si on l’applique aux récits de la vie de Jésus. Son ascension ne peut pas être comprise de façon littérale, comme un phénomène physique et stratosphérique. A l’ère spatiale, les mots prennent un autre sens.

J. Spong en déduit qu’une réinterprétation des textes sacrés devient indispensable pour saisir le sens profond de la révélation. Il considère que ceux qui s’entêtent à restreindre la lecture au littéralisme se font les complices du déclin du christianisme. La Bible, dit-il, nous raconte comment nos ancêtres interprétaient le monde pour y trouver le sens de la vie, et à travers leur manière de penser Dieu ils ouvraient la voie d’une destinée humaine. Il nous faut interpréter notre monde à la lumière des textes en tenant compte des apports de notre temps. Nous lisons les Ecritures pour recevoir l’expérience de ceux qui nous ont précédés, mais aussi pour apporter à notre temps l’éclairage de cette foi dans un langage qui soit attractif.

Les auteurs des Ecritures ont communiqué essentiellement à travers des traditions orales. Le message passait par la mémoire avant de passer par des écrits. Les recherches bibliques montrent que les premiers écrits vétérotestamentaires sont du 10ème siècle avant notre ère. C’est-à-dire autour de 960 av. JC, peu après la mort du roi David. Les chercheurs ont déterminé qu’il y a eu quatre sortes de documents : les récits yahvistes, élohistes, deutéronomistes et sacerdotaux. La Bible n’est pas tombée du ciel, elle est le fruit d’une lente élaboration.

Avec humour, le révérend Spong trouve dans l’évangile de Jean des arguments scripturaires pour montrer l’impasse du raisonnement littéraliste.

Il fait remarquer que les discours johanniques, à la théologie très élaborée, ne peuvent retranscrire les propos exacts du Jésus historique. On devine les convictions de foi des communautés de la fin du 1er siècle lorsque Jésus parle de lui à la 3ème personne : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17). Dans les synoptiques Jésus demande le silence sur son identité, et dans le 4ème évangile au contraire, sa divinité est criée sur les toits…La réflexion sur l’identité humano-divine de Jésus a fait son chemin.

Mais, ajoute J. Spong, on trouve dans le texte de St Jean lui-même le signe que l’interprétation littéraliste ne fonctionne pas. Par exemple, dans l’entretien avec Nicodème, Jésus dit :

« à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu »(Jn3.3). Ce à quoi Nicodème répond, dit StJean : « Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? » Visiblement, la logique de compréhension littérale ne mène nulle part.

Idem avec la femme de Samarie :

« Si tu connaissais le don de Dieu, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive ! » (Jn4.10) La femme prenant les mots à la lettre répond : « Seigneur, tu n’as même pas un seau et le puits est profond, d’où la tiens-tu donc cette eau vive ? »(Jn 4.11).

Il est clair que la lecture littérale se heurte à de nombreux écueils dans le 4ème évangile. Les affirmations que certains en déduisent, dit J. Spong, sont indéfendables.

D’où sa conclusion :

« Le commentateur d’un texte sacré doit sonder les paroles historiques pour trouver leur sens caché, puis leur faire franchir l’intervalle de temps afin de révéler à nouveau la vérité qu’elles recèlent ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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