Publié par Gaia - Dreuz le 23 août 2019

Source : Lesalonbeige

L’un des charmes du temps estival est de redonner au hasard sa part dans la découverte de livres, au gré des trouvailles lors de brocantes villageoises.

C’est le cas avec le volume d’A.Finkielkraut L’imparfait du présent, paru en 2002 et rassemblant ce qu’il appelle en sous-titre Pièces brèves, ou l’art d’effectuer des prélèvements tout au long de ce qui aura été la première année de ce nouveau siècle. L’inévitable (et appétissante) diversité des sujets laisse quand même affleurer des préoccupations transverses. L’une concerne la culture et ce que l’auteur appelle l’avènement de l’âge du culturel.

Comprenons-bien d’abord ce mot culture : en effet, l’auteur s’en sert pour désigner à la fois un état et son contraire.

L’état de culture, c’était, pour reprendre au mieux les mots d’A.Finkielkraut, un monde de la distinction, de la hiérarchie des rôles, de pratiques symboliques, de frontières : des partages séculaires entre le public et le privé, l’enfant et le parent, l’élève et le professeur, le dedans et le dehors, le monastère éducatif (NDLR : comprendre « l’école ») et le tissu social ; un monde de la modération et du scrupule ; un monde où ce qui était important, c’était la personnalité : qui on était.

Dans ce nouveau monde de l’âge de la culture,  constaté par l’auteur et brossé par touches, tout devient culturel. Chacun peut déterminer à sa guise le contenu de la culture. Et ce contenu peut-être changeant. Toute réalité est donc réformable. L’homme ne se définit ainsi plus par sa capacité à faire des promesses mais par son droit discrétionnaire de reprendre, à tout moment, sa liberté (Illustrons par cette affirmation de Mme Schiappa, le 7 août, à propos des femmes tuées par leurs conjoints : « Je crois que le problème est d’ordre global, systémique et qu’il faut un changement d’ordre culturel… Il y a un changement culturel à opérer »).

Tout étant culturel, tout devient égal : nous sommes tous égaux et les frontières ont été remplacées par la proximité, l’ascendant des anciens maîtres par la sollicitude de l’adulte fraternel ou copain. L’identité devient l’élément-clé de ce nouveau monde constitué d’échantillons représentatifs. Ce n’est plus qui on est qui inspire, c’est ce qu’on est : le nouvel arrimage à l’appartenance, et de chacun à sa classe, sa minorité, sa communauté d’origine (nouvelle illustration par le tweet récent du ministre du Travail Muriel Pénicaud à l’occasion de la mort de l’écrivain Toni Morrison : « Grâce à elle, les noirs ont enfin pu entrer par la grande porte dans la littérature »).

Les capacités sont dorénavant placées sous la tutelle des identitésLe baume du « en tant que » étend maintenant ses bienfaits sur l’humanité entière et on sera respecté et représenté en tant que jeune, en tant que femme, en tant que musulman… Chacun sera fier de son identité : la nouvelle culture est celle des fiertés. Son identité n’a plus de compte à rendre (ah, l’inoubliable Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l’inter-LGBT et invité de l’émission Arrêt sur images le 29 juin 2018,  expliquant avec sérieux qu’il n’est pas un homme). Et c’est une identité au fil de l’eau, une identité libérée de l’ipséité (NDLR : ce qui fait qu’une personne est unique et absolument distincte d’une autre), déliée de la lourde charge de maintien de soi dans la fidélité à la parole donnée.

A l’âge du culturel, la culture (ancienne) a sombré dans l’indifférenciation culturelle. La culture (nouvelle) est une forme sans matière ou une matière sans forme. C’est la décivilisation du monde. Et nous habiterons à l’avenir un espace d’un seul tenant.

C’était il y a dix-huit ans. Où l’on constate avec le recul que cet état de décivilisation, auquel il faudra bien donner un nom un jour et qui s’est particulièrement déployé depuis dans les domaines de la différenciation sexuelle et de la bioéthique, se conforme finalement à la globalisation du monde.

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