
C’est au 4ème siècle que s’est produit un tournant décisif dans l’histoire du christianisme, avec des conséquences considérables pour la vie chrétienne et l’unité de l’Eglise. C’est le concile de Nicée, en 325, qui a produit un credo, une charte de la foi élaborée par un concile oecuménique, en réponse au danger d’éclatement qui menaçait la chrétienté entière.
Après de longues périodes d’hostilité et de cruelle persécution, il y eut une rupture dans la politique romaine envers les chrétiens. En 313, deux empereurs romains, Constantin, empereur d’Occident, et Licinius, empereur d’Orient, promulguèrent l’édit de Milan, une promotion inédite de la tolérance religieuse, qui allait permettre à l’Eglise chrétienne d’avoir une existence officielle reconnue dans l’empire, aux côtés des autres religions traditionnelles.
Ainsi, une église catholique allait pouvoir ouvrir ses portes aux côtés d’un temple d’Apollon ou à proximité d’un sanctuaire de la déesse Isis. Le texte de l’édit le formule d’ailleurs ainsi : « moi Constantin Auguste et moi Licinius Auguste, avons cru devoir arrêter ce qui concerne le respect de la divinité pour accorder aux chrétiens et A TOUS le libre pouvoir de suivre la religion de leur choix… »
Mais en 321, Arius, un prêtre catholique lybien formé à Antioche développait une théologie dissidente qui donnait naissance à un courant schismatique : l’arianisme. L’hérésiarque déclare : « les essences du Père, du Fils et du St Esprit sont séparées par nature, étrangères, disjointes, sans contact ni communication. Ainsi le Fils n’a rien à voir avec le Père. Le Fils n’a rien de commun avec le Père, et il n’est pas la vraie puissance de Dieu ».
Ces propositions hétérodoxes lui valurent l’excommunication de la part de l’évêque Alexandre, puissant évêque égyptien qui écrivit à son clergé : « Vous avez souscrit aux lettres que j’ai adressées à Arius et aux siens, les invitant à renier l’impiété et à s’attacher à la foi saine et catholique. Vous avez tous manifesté votre bonne résolution et votre attachement aux dogmes de l’Eglise catholique ».
L’empereur d’Orient Licinius était en sympathie avec les thèses d’Arius, bien que marié à la sœur de Constantin de tendance adverse. Il décida de convoquer un concile à Nicée pour mettre en valeur les positions ariennes. Mais le conflit entre les deux empereurs s’aggrava et se solda finalement par la victoire de Constantin, convaincu de l’orthodoxie chrétienne. Ce dernier reprit l’idée d’un concile et il convoqua à Nicée 300 évêques, dans le but de clarifier officiellement la controverse religieuse qui mettait également en danger la paix civile.
L’enjeu théologique du concile de Nicée était le suivant : il fallait dégager une position claire et officielle à partir des deux tendances contradictoires qui s’affrontaient et dont l’issue pouvait confirmer ou infirmer la divinité de Jésus Christ.
1ère option : Jésus Christ est un être d’une perfection morale incomparable, intermédiaire entre Dieu et les hommes, miroir humain de la perfection divine, mais simplement homme et pas plus.
2ème option : dans sa nature même, Jésus Christ est Dieu, créateur du ciel et de la terre, envoyé à l’humanité par la volonté du Père céleste qui a donné son Fils unique pour le salut du monde.
Pour dénoncer le point de vue arien, le concile s’appuyait sur les textes du nouveau testament affirmant que le Verbe vient de Dieu. Ce à quoi les ariens répondaient en s’appuyant sur les écrits de Paul estimant que tout ce qui existe vient de Dieu. Mais également sur un passage d’évangile où Jésus dit : « le Père qui m’a envoyé est plus grand que moi ». Ou encore : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ! ».
Un évêque arien, Eusèbe de Nicomédie protestait en ces termes : « Jamais nous n’avons entendu parler de deux inengendrés ! mais d’un seul inengendré, puis d’un autre, étranger à toute participation à la nature inengendrée… »
C’est pour cette raison qu’Athanase d’Alexandrie, grand adversaire de cette doctrine refusa catégoriquement de réintégrer plus tard Arius, malgré diverses demandes pressantes. Les évêques ariens furent donc désavoués et condamnés à l’issue de ce concile qui s’était donné pour objectif pastoral d’expliciter l’union de l’humanité et de la divinité présente en Jésus Christ.
Le nouveau testament affirme : Jésus est le Fils de Dieu. Les Grecs essaient de préciser avec leurs outils conceptuels ce qui signifie une telle expression issue du judaïsme. Dans leurs écoles de pensée, la réflexion commune se basait sur l’idée qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu suprême. La philosophie platonicienne (5ème siècle avant JC) sera reprise par Plotin au 3ème siècle après JC pour schématiser trois grands principes du monde : l’Un ou le Bien, sommet divin de l’univers, puis le Verbe ou l’intelligence (Logos) émanant du premier, et enfin, l’âme du monde, (Psychè), issue du second.
Cette conception hellénistique allait influencer la perception du mystère de la révélation judéo-chrétienne, puisque le Verbe était commun à cette philosophie et à la Trinité. Le nouveau testament tenait à défendre l’unicité de Dieu héritée du judaïsme, et confortait l’idée que le Dieu suprême était le Père, inengendré. Mais la révélation de Jésus proclamé Fils supposait qu’il reçût son existence d’un autre, le Père, et que de ce fait il ait été engendré. D’où la réticence de certains à estimer que Jésus puisse être Dieu dans le même sens que le Père.
Or les débats du concile considérèrent que si Jésus n’est pas Fils de Dieu, il ne nous communiquerait rien de Dieu. Athanase s’écriait : Arius m’a volé mon sauveur ! Il fut donc admis que le Fils reçoit la nature même du Père, la seule supériorité du Père étant qu’il engendre le Fils ; mais la relation d’amour entre le Père et le Fils – identifiée à l’Esprit – entraîne l’égalité du Père et du Fils.
Le terme grec utilisé fut « homoousios », consusbstantiel : l’être du Fils rejoint l’être du Père, créateur de vie. La catégorie d’être du Fils est donc identique à celle du Père qui lui a donné visage humain. Dans le même registre, le Christ johannique déclare : « Tout ce qui est à toi est à moi, tout ce qui est à moi est à toi ».
Par son autorité, le concile oecuménique édictait ainsi un dogme qui serait confirmé à Constantinople en 381, dans le but de pacifier les esprits et de faire face aux tentatives de dissolution du noyau dur de la foi reçue des apôtres. Cette charte constitutive promulguée par l’Eglise catholique reçut le nom de « symbole de Nicée ».
Sa formulation concernant la relation du Père et du Fils est la suivante :
« Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait. »
Cependant, l’arianisme revint en force par l’intermédiaire des Barbares semer le trouble en Occident où il survécut jusqu’au 7ème siècle. Lorsque Clovis appelé à devenir roi des Francs décida de se convertir au christianisme, les territoires ariens étaient encore puissants en Europe, et son intérêt, politiquement parlant, eût été de devenir arien. Mais le charisme de son épouse Clotilde, princesse burgonde de Genève, l’amena à choisir le catholicisme, ce qui donna une orientation toute différente à l’avenir du royaume de France.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
Jésus était un rabbin qui s’était insurgé contre les marchands du Temple. Et tant que les marchands du Temple existeront, et tant que l’obscurantisme chez les uns, l’accusation de déïcisme chez les autres persisteront, la réconciliation ne viendra pas.
“l’obscurantisme chez les uns, l’accusation de déïcisme chez les autres”
Classe…
marchands du temple = sadducéens, complices des occupants romains…
M. l’abbé, que pensez-vous de l’idée que Jésus est un homme rempli de l’Esprit de Dieu – au sens de Messie, l’oint de Dieu -donc de sa sagesse et de sa force, ce qui lui permet de faire des miracles, et qu’il est par conséquent une manifestation de Dieu sur la terre.
Très intéressante page d’histoire. L’arianisme apparaît de toute évidence (pour moi) comme étant une dangereuse hérésie qui en a malheureusement engendré une autre tout aussi dangereuse (à mes yeux), suite au Concile d’Éphèse en 431. Celle de placer Marie au rang divin en lui attribuant le rôle de Mère de Dieu (Théotokos).
une présentation du problème suit…
@Gigobleu
Oui tout à fait!
Hilaire évêque de Poitiers fut le pourfendeur et vainqueur des arianistes si je me souviens bien…trop préoccupé par la crise majeure de cet arianisme il n’a pas mesuré le risque d’attribuer à la petite servante du Seigneur un titre très inapproprié quand comme vous le signalez il avait mauvaise réputation à Nicée, pays de la déesse Astarté…
J’espère que tout va bien pour le RP Arbez. En effet, je garde précieusement certains de ses textes, dont les tout derniers publiés en ligne depuis quelques temps. Ca fait déjà plusieurs semaines qu’il nous est donné de lire des textes super-importants et très intéressants sur le christianisme et le judaïsme (ex. les origines des martyrs dans le judaïsme, pourquoi prier les Saints, la comparaison entre les 10 Commandements chez les Juifs et les Catholiques, ou ici la définition de la personne du Christ fixée dans le Credo). Il s’agit de condensés simplifiés de questions théologiques assez complexes et qui restent faciles à lire tout en apportant des réponses ou suscitant le questionnement sur la Foi. Mais, paradoxalement, tout cela m’inquiète au plus haut point car j’ai cette impression désagréable qu’il pourrait s’agir d’un testament philosophique à publier au plus vite. Et donc, je le redis, j’espère que tout va bien pour le RP Arbez.
M. L’Abbé: à partir de QUAND passe-t-on des Juifs qui entouraient
Jésus, à l’appellation de “Chrétiens”, pour les Juifs qui ont reconnu
Jésus comme Messie?
@ Saskia. Ils furent appelés chrétiens pour la première fois en Actes 11: 26:
Actes 11
…25Barnabas se rendit ensuite à Tarse, pour chercher Saul; 26et, l’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils se réunirent aux assemblées de l’Eglise, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens.
mais ils n’étaient pas appelés chrétiens partout (voir les textes d’auteurs romains qui les considéraient toujours comme juifs).
dans les années 45-50, ceux qu’on appelait disciples de la voie (à l’intérieur du judaïsme) ont été dénommés “christianoï” en grec par des païens d’Asie Mineure, en raison de leur attachement à un juif au nom hellénisé en Chrestos. mais la séparation progressive entre communautés a commencé après la destruction du temple en 70 et s’est prolongée jusqu’à fin 3ème, début 4ème siècle selon les lieux.
Je vous conseille la lecture d’un remarquable petit livre du professeur Trocmé, de l’université de Strasbourg (protestant) “l’enfance du christianisme”. Et ” le judaïsme à l’aube du christianisme” du rabbin Jacob Neussner.
Je n’apprécie pas pour un dizieme de seconde que Dreuz a fermé les commentaires sur Marie mère de Dieu.
Voici que les dirigeants de Dreuz pratiquent la censure comme Google et YouTube maintenant.
Ma première pensée était de supprimer mon support mensuel, mais je ne ferai pas ça en vertu de la valeur de ce site.
Quand à qui est Christ soyons sages et tenons nous en a la façon qu’il désire être présente au monde : Matthew 16:15-17 (LS) Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis?
Simon Pierre répondit: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit: Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux.
Quand à Marie “mère de Dieu” c’est une hérésie. Si nous gardons la Bible comme autorité finale, Marie a l’honneur d’être la mère du fils de Dieu; le sauveur du monde. Un point c’est tout.
Jean-Claude
Las Vegas