Publié par Eduardo Mackenzie le 22 septembre 2019

Nous ne savons pas encore quel type d’arme a été lancé, le 14 septembre, contre deux plates-formes pétrolières en Arabie Saoudite. Il semblerait toutefois qu’il s’agisse de missiles de croisière iraniens et non de drones armés de la guérilla yéménite, comme l’ont affirmé les médias au départ.

Des images de satellites américains montrent que ces missiles ont été lancés depuis une base de la milice chiite pro-iranienne en Irak. Le président iranien Rohani a prétendu que cette attaque était un «acte défensif» de la guérilla pro-iranienne du Yémen. Ce feu dévastateur où, selon la presse, il n’y a pas eu de pertes humaines, est le plus fort coup militaire souffert jusqu’à présent par l’Arabie Saoudite, pays sunnite et allié stratégique des Etats-Unis. Ce bombardement perturbera le marché pétrolier pendant des mois et aurait ouvert, peut-être, les portes d’un conflit de très grande ampleur.

Mais le but de cette note n’est pas ce qui vient de se passer à Abqaiq et à Khurais. Le but est que la Colombie étudie de près cet incident, et, surtout, examine la génèse  des guerres par procuration, une thématique complexe que les Américains appellent les « proxy wars», car la Colombie est exposée, malheureusement, à une agression de ce genre.

La dictature narco-communiste de Nicolas Maduro pourrait bien être en train de participer aux préparatifs d’une guerre par procuration contre la Colombie en raison de l’effondrement total des structures vénézuéliennes, à l’exception peut-être de l’armée, et de la lutte dans laquelle la Colombie s’efforce pour ne pas tomber dans l’orbite diabolique de Caracas et de La Havane.

Les éléments de base de ce type de guerre sont déjà sur la table. Maduro soutient deux mouvements de narco-guérillas colombiennes basées au Venezuela, les Farc et l’ELN. Plusieurs chefs des Farc, dirigés par Iván Márquez et Jesús Santrich, ont récemment annoncé, depuis ce territoire, qu’ils sont prêts à continuer leurs attaques en Colombie par tous les moyens afin d’instaurer un régime « bolivarien ». Ils disent qu’ils utiliseront une «nouvelle modalité opérationnelle» de lutte armée.

Cette mystérieuse «nouvelle modalité opérationnelle» –telle fut précisément la formule utilisée par Santrich dans sa harangue du 1 er septembre– ne sera-t-elle pas, comme certains le croient, qu’un nouveau parti des Farc destiné à noyauter toutes les sphères de l’Etat et de la société ? Il se peut que le pseudo parti dirigé à présent par alias Timochenko soit l’embryon de cette opération. Mais il peut y avoir autre chose: un nouveau genre de guerre d’usure, dans laquelle ils disposeront d’un nouveau type d’armement comprenant des drones armés et des missiles moyens comme ceux que l’Iran a mis dans les mains de ses milices yéménites.

Cette perspective terrifiante n’est pas à exclure. Pour défendre leurs objectifs criminels, Maduro et La Havane se sont révélés capables d’atteindre des niveaux de violence et de cruauté abominables à l’encontre de deux peuples, le vénézuélien et le colombien.

C’est pourquoi il est inapproprié de continuer à sous-estimer la menace et à considérer les Farc comme une « ex-guérilla» et les Farc de Márquez et de l’ELN comme des « groupes dissidents » et « résiduels » dont les actions militaires pourraient avoir des effets limités et de portée « locale ». Bogotá a bien sûr demandé l’activation du TIAR (Traité interaméricain d’assistance réciproquSTLS e). Mais ce mécanisme est inutile, car dans une guerre par procuration, un État n’apparaît jamais comme l’agresseur direct, ce qui est l’exigence de base du TIAR. C’est pourquoi le TIAR  n’a jamais servi à rien. Cuba a attaqué plus d’une douzaine de pays alors que TIAR dormait dans un tiroir.

Nicolas Maduro dépend non seulement de son parrain cubain, mais également de Moscou, de Beijing et du régime iranien. Ces puissances calculent à long terme leur guerre contre les États-Unis et l’Occident en général et s’efforcent d’avoir à tout prix une enclave durable dans le nord stratégique de l’Amérique du Sud. Washington prétend être conscient de ce danger, mais sa passivité envers le Venezuela renforce ses ennemis les plus déterminés. Le coup iranien en Arabie Saoudite est un signal.

La guerre par procuration est plus fréquente dans l’histoire récente qu’on ne le croit. Le concept de guerre par procuration a été inventé par Zbigniew Brzeziński (1928-2017), politologue américain et conseiller en matière de sécurité nationale auprès du président Jimmy Carter. Avant et pendant la guerre froide, il y a eu un type de conflit particulier : deux et trois puissances se sont agressées indirectement, faisant appel à d’autres États ou à des entités et des organisations armées de pays tiers.

 Le blocus naval de six ports en décembre 1902 par l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie (et plus tard par l’Espagne, la Hollande et la Belgique) pour réclamer au Venezuela le paiement de vieilles dettes, fut une espèce de guerre par procuration. Cette requête violente masquait la tentative de ces puissances d’abolir la doctrine Monroe et de réduire l’influence des États-Unis sur le continent américain. Les Européens ont perdu car la médiation du président Theodore Roosevelt a entraîné la fin du blocus maritime et la réduction de 50% de la dette réclamée au Venezuela, dans les protocoles signés à Washington le 13 février 1903.

Il y avait aussi des éléments de guerre par procuration dans la guerre de Corée, d’abord, puis dans la guerre du Vietnam. Pour éviter une guerre nucléaire avec les États-Unis, Beijing et Moscou  ont poussé les Nord-Coréens et les Nord-Vietnamiens à envahir la Corée du Sud et le Sud-Vietnam. Ils ont essayé ainsi, en vain, d’éliminer la présence du prétendu « impérialisme américain » dans l’Extrême-Orient.

La guerre civile en Finlande, en 1918, année de la libération de ce pays du joug russe-tsariste, en est un autre exemple. Après son coup d’État, Lénine reconnut en 1917 l’indépendance de la Finlande mais ordonna en même temps aux communistes finlandais de déclencher une guerre civile et de replacer leur pays sous le joug russe, cette fois-ci communiste. Les communistes ont lancé leur agression mais, en quatre mois, ils ont été battus par les Finlandais avec le soutien de troupes de l’Allemagne capitaliste. En 1930, la Diète a voté en faveur de la liquidation du parti communiste pour avoir trahi le pays. Moscou a lancé, de nouveau, deux autres guerres contre la Finlande, jusqu’à ce qu’il signe en 1947 le traité de Paris reconnaissant l’indépendance de la Finlande. Mais celle-ci a dû céder 43 000 km² à l’URSS.

Les communistes grecs ont également déclenché une guerre civile sanglante pour prendre le pouvoir, avec le soutien de l’Union soviétique, en 1946. Mais ils ont été vaincus en 1949 par l’armée grecque, aidée par la Grande-Bretagne et les États-Unis.

La violence communiste déclenchée en Colombie depuis la fin des années 1940 était une forme de guerre par procuration lancée par l’URSS pour tenter de s’emparer d’un pays allié clé des États-Unis.

Même deux pays communistes se sont fait une guerre par procuration. Cela s’est passé entre 1976 et 1979. Le Cambodge, sous la botte du génocide Pol Pot, soutenu par Beijing, a été défait par le Vietnam, soutenu par l’URSS. Les troupes vietnamiennes ont réussi à expulser les Khmers rouges et à « libérer » le Cambodge, qui est passé de l’orbite chinoise à la soviétique. Pour se venger, la Chine a franchi avec ses troupes la frontière nord du Vietnam en 1979. Mais les Chinois ont été stoppés par les Vietnamiens et forcés à se retirer.

Entre 1991 et 2001, il y a eu le plus long proxy war en Europe. Moscou a essayé d’empêcher la libération des nations prisonnières de la Yougoslavie communiste mais Moscou a perdu la face devant  l’OTAN.

Téhéran dirige deux guerres de ce type : une contre Israël, par le biais du Hezbollah au Liban, et la plus grande contre les États-Unis par le biais de la guerre des « rebelles » yéménites contre l’Arabie saoudite. Nous voyons à quoi ce genre de guerre peut mener.

Continuerons-nous à nous raconter des histoires optimistes en Colombie ?

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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