Publié par H16 le 8 octobre 2019

On peut, légitimement, se demander combien de drames il faudra pour que les Français parviennent à une conclusion pourtant simple mais qu’il leur semble culturellement impossible à atteindre : les administrations de l’État français sont criminelles et plus elles sont nombreuses, plus elles ont de pouvoir, plus les dégâts qu’elles provoquent sont importants.

Pourtant, les faits sont têtus et, pour qui se donne la peine de regarder, de plus en plus nombreux. Les derniers jours qui viennent de s’écouler donnent même un pénible aperçu de la tendance générale à la multiplication des cafouillages administratifs qui se terminent par rien moins que des morts d’innocents…

Ainsi, il devient difficile de camoufler le rôle prépondérant de l’administration de l’Éducation nationale dans les suicides, de plus en plus nombreux, d’enseignants soumis à des pressions hiérarchiques, à un environnement de travail de plus en plus dégradé, à la multiplication d’ordres paradoxaux de supérieurs qui veulent à la fois des résultats (ce qui imposerait par exemple une certaine discipline au sein des établissements) et à la fois le minimum de frictions tant avec les rectorats qu’avec les parents d’élèves (ce qui oblige à tant de concessions qu’aucune discipline ne peut plus être mise en place).

J’en veux pour preuve le récent suicide de Christine Renon, une directrice de maternelle, qui s’est suicidée dans le hall de son école de Pantin en Seine-Saint-Denis : le silence épais, compact et gêné de l’institution scolaire, de son ministre et du gouvernement ne changent rien au constat sans équivoque que la victime dresse dans sa lettre de suicide où elle explique être seule face aux problèmes, parfois graves, qui lui sont posés et que l’administration, derrière elle, fera tout pour ignorer en abusant de la doctrine maintenant célèbre du « Pas De Vague »…

« Je n’ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution. (…) La cellule de crise, quelle blague ! L’idée est de ne pas faire de vague et de sacrifier les naufragés dans la tempête ! Pourvu que la presse ne s’en mêle pas ! »

Cet exemple, qui n’est connu que parce qu’il fut plus médiatisé que d’autres, pourtant concomitants, a marqué les esprits au point de déclencher un mouvement d’humeur de la part du corps enseignant, excédé de l’absence totale et parfaite de toute réaction et prise de conscience de leur administration et du ministre à sa tête.

Et tant qu’à parler de suicidé dont l’Éducation nationale est directement responsable, comment oublier le cas, sordide et révoltant, de cet instituteur qui s’est suicidé après des accusations portées contre un homonyme dont la lettre de suspension avait été envoyée au mauvais destinataire, parce que quelqu’un, dans cette magnifique administration, avait fait une erreur de copier-coller ?

Malheureusement, ce qui est vrai pour l’Éducation nationale l’est aussi dans bien d’autres administrations.

Devra-t-on revenir en détail sur les nombreux manquements de la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) qui ont abouti à l’embrasement de la cathédrale Notre-Dame-De-Paris, comme le pointait le Canard Enchaîné il y a quelques mois ? Certes, il n’y a miraculeusement pas eu mort d’hommes dans cette catastrophe là, mais le puissant symbole de ce joyau en feu, lié à l’incompétence et la désinvolture d’une administration ne peut laisser de marbre.

L’inaction et l’incompétence d’une administration, l’incompétence et les inactions d’une autre ont déjà coûté fort cher à la France.

C’est, malheureusement, routinier dans le pays : il suffit de chercher pour découvrir que ces cas ne sont que les quelques uns que l’écume des jours retient, partie émergée d’un iceberg qui devient chaque mois plus énorme, plus sombre, plus effroyable.

Pendant que les administrations scolaires ou culturelles broient des individus et des monuments avec une décontraction typique du Léviathan, l’incompétence et la désinvolture s’étendent jusque dans les urgences hospitalières, consciencieusement désorganisées et sabotées par des années de laxisme, de paperasserie maintenant meurtrière, et de politique de distribution prodigue de l’argent, du temps et des compétences des autres, à tel point qu’il n’est plus rare d’apprendre que des gens en condition critique mais parfaitement traitable décèdent par abandon, oubli ou série de choix idiotsTous ne meurent pas, mais tous sont frappés, à tel point que les urgentistes, bien conscients de l’empilement d’incompétences dans leur administration de tutelle – comme les enseignants pour la leur, du reste – enchaînent grèves, arrêts maladie et protestations.

Pour les uns comme pour les autres, il faut cependant bien comprendre que l’État et ses administrations ne sont pas simplement un des facteurs dans ces tristes événements, dans le délitement qu’on observe et, surtout, dans les cadavres qui s’empilent morbidement à mesure que les malaises et les problèmes s’étendent. Non, ici, ces administrations et l’État sont à la fois le contexte et l’agent indispensable sans lesquels ces drames ne seraient jamais advenus.

Comment ne pas voir que ce sont bien dans ces administrations d’État que le taux de suicide grimpe dangereusement ? Peut-on encore penser à une simple coïncidence, à un malaise passager lorsqu’on lit, toutes les semaines, le décompte morbide des suicides de policiers et de gendarmes ? Il y a un an, je constatais que, chez ces derniers, ça ne respirait pas trop la joie de vivre. La situation ne s’est pas vraiment améliorée, au contraire même puisqu’ils en sont arrivés au même point que les autres professions déjà évoquées dans ce billet : des marches, des protestations, une tentative supplémentaire de juguler la bête bureaucratique qui enfouit les individus dans ses démarches ubuesques, paradoxales et contre-productives au moment même où tout le pays a précisément besoin du contraire…

Pire que tout : non seulement ces administrations ne font plus leur travail correctement (l’éducation française n’est plus que l’ombre d’elle-même, l’hôpital français devient un mouroir dangereux, sous-approvisionné en médicaments et surperformant en matière de procédures et de cerfas idiots, la sécurité du territoire n’est plus qu’une vaste blague), mais ces administrations sont, de surcroît, dans la phase la plus délétère de directement produire des éléments toxiques pour le reste de la société : difficile de trouver meilleure illustration de la faillite complète du tout-État français, du délire d’intervention tous azimuts, que cette administration de police qui en vient à offrir un travail de surveillance des islamistes radicalisés à … un islamiste radicalisé, qui parvient même à lui accorder une habilitation secret-défense, qui ne sait même plus gérer en interne les signes pourtant nombreux d’un problème à venir, et qui, lorsque le drame survient, patauge dans les tentatives d’explications stupides pour, au mieux, camoufler son aveuglement, au pire, sa complète incompétence.

Ce dernier drame occupe maintenant les médias et les politiciens qui font des efforts assez amusants à regarder pour n’aboutir à aucune conclusion d’aucune sorte alors que tout le monde comprend sans mal que ces victimes viendront s’ajouter aussi bien à celles des précédents dérapages malencontreux de couteaux déséquilibrés et autres voitures folles qu’à celles directement issues des ratages et autres merdoiements intenses de tout l’appareil d’État…

Il faut pourtant se rendre à l’évidence : l’État français a maintenant dépassé le stade où ses administrations incompétentes causaient simplement du tracas à ses citoyens. Par leur incompétence, leur inaction et leur bureaucratie délirante, ces administrations sont maintenant criminelles.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © H16. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur (son site)

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