Publié par Abbé Alain René Arbez le 26 octobre 2019

Les chrétiens évangéliques suisses ont travaillé sur un document qui aborde leurs relations avec les catholiques. La Schweizerische Evangelische Allianz et le Réseau évangélique suisse prennent ainsi en compte un changement réel dans l’approche du catholicisme, compte tenu de l’évolution de l’Eglise romaine depuis des décennies.

Un point commun entre évangéliques et catholiques ressort de cette réflexion : l’attachement commun au Christ dans un contexte de sécularisation et d’indifférence religieuse. Si certains courants évangéliques restent réfractaires à l’œcuménisme interprété comme une dilution de la foi, d’autres sont intéressés par des actions et des témoignages menés en commun.

En évoquant cette variété des positions liées au passé, le secrétaire général de la SEA et le responsable du RES ont insisté pour que soit prise en compte l’injonction du Christ pour l’unité des chrétiens. Des vidéos ont pu montrer des collaborations entre évangéliques et catholiques dans le cadre local, et soulignant le fait que des chrétiens de culture différente peuvent se respecter et s’apprécier pour une cause commune qui est celle de l’annonce du Royaume de Dieu.

Le secrétaire général adjoint de l’Alliance évangélique mondiale, le professeur Schirrmacher a pris la parole en tant que chargé des relations avec le Vatican. Il a souvent l’occasion de rencontrer le pape François. Il rappelle que lors de sa création, l’alliance évangélique mondiale était ressentie en 1846 comme anticatholique, mais cela pouvait s’expliquer par le contexte de l’époque. Il affirme qu’aujourd’hui l’Eglise catholique a théologiquement plus en commun avec les évangéliques qu’avec beaucoup d’autres Eglises. Il remarque que ce qu’a déclaré le pape François en 2016 sur la justification par la foi est beaucoup plus proche de ce qu’il croit que ce qu’affirment nombre d’Eglises protestantes. Il relève le fait que les catholiques travaillent de plus en plus la Bible pour mieux approfondir le projet de Jésus Christ. Donc, même si des divergences perdurent entre évangéliques et catholiques, l’obstacle antérieur qui tournait autour de la Bible et de la justification par la foi n’est plus ressenti  et abordé comme auparavant. Les possibilités de collaboration concrète et de témoignages communs existent. Malgré le fait que des divergences profondes demeurent concernant la vénération mariale, la célébration eucharistique, les ministères, le baptême des enfants.

Le document final de ce travail des milieux évangéliques a eu pour but de favoriser la réflexion et la discussion. Il s’articule autour de plusieurs propositions.

Il est nécessaire de se focaliser sur la notion d’unité spirituelle des chrétiens. Car le témoignage du Nouveau Testament nous enjoint tous de rechercher l’unité des chrétiens, c’est pourquoi la division contredit gravement l’appel de Jésus à être un, elle entrave directement la mission et l’évangélisation. Avec comme conséquences l’affaiblissement des chrétiens au regard des discriminations et des persécutions qu’ils subissent. En raison de blocages persistants, la crédibilité du message transmis au monde est atteinte.

D’où le rappel qu’en dépit des différences, il existe d’importantes convictions communes, ce qui motive à redéfinir les relations entre évangéliques et catholiques. Le constat est fait que l’Eglise de Rome a renoncé à ses prétentions exclusives, elle admet que c’est par le Christ, la grâce et la foi, que l’homme est sauvé, sans parler des convergences considérables sur le plan éthique. (avortement, mariage de même sexe, manipulations génétiques, euthanasie, etc)

En ce qui me concerne, en tant que prêtre genevois, j’ai pu expérimenter sur le terrain ces rapprochements entre évangéliques et catholiques. Lors d’événements liturgiques majeurs, des représentants évangéliques sont présents à la célébration commune. A chaque atelier biblique mensuel, des pasteurs évangéliques viennent participer aux échanges dans ma paroisse. A plusieurs reprises, le mouvement évangélique genevois m’a demandé de prendre publiquement la parole lors de manifestations en faveur d’Israël, et récemment une télévision évangélique est venue m’interviewer sur le parvis de l’église Jean XXIII. Des relations amicales et fraternelles existent donc, autour d’un enjeu central : annoncer la bonne nouvelle du Christ aujourd’hui.

Cela dit, il existe des tendances multiples dans les mouvances évangéliques, souvent dues à l’histoire, à partir de laquelle les tensions entre groupes de même obédience ne sont pas négligeables. Le dialogue entre l’Eglise catholique romaine et les églises évangéliques s’est mis en place de façon progressive. Initié sous la direction de Davis Du Plessis, en 1972, secrétaire général de la communauté pentecôtiste mondiale (fondée à Zürich en 1947), l’étape suivante s’est poursuivie avec l’alliance évangélique mondiale en 1977, puis avec l’alliance baptiste mondiale en 1984.

L’association mondiale des assemblées de Dieu compte environ 67 millions de membres. Mais il existe également des groupements évangéliques non dénominationnels (issus du mouvement charismatique) visibles dans les megachurches américaines, et dont certains se développent fortement en Asie.

Il y a une vingtaine d’années, le New York times publiait le programme d’action d’une alliance prometteuse appelée ETC (evangelicals and catholics together). Le souci de marcher vers l’unité des chrétiens animait ces convergences œcuméniques, et le pasteur Timothy George se présentait comme l’un des chefs de file dans le magazine Reformation and Revival.

Mark Knoll et Caroline Nystrom publiaient un livre sur le même thème intitulé  « Une évaluation du catholicisme romain dans la perspective évangélique » toujours dans la ligne de ETC.  Un autre mouvement se situait dans la même direction : « Christian churches together », développant des liens avec les Eglises historiques. Puis le Coming Home Network (Réseau pour le retour à la maison) apportait son soutien aux pasteurs et aux laïcs intéressés par un rapprochement avec l’Eglise catholique.

Même si ce n’était pas l’intention initiale, ce mouvement a conduit certaines personnes à rejoindre officiellement l’Eglise catholique :

Les pasteurs Scott Hahn, Jeff Cavins, Larry Lewis, Marcus Grodi, et Jerry Matatics parmi beaucoup d’autres, ont décidé personnellement de faire le pas vers ce qu’ils estimaient être pour eux une pleine communion.

ECT a pour conviction que évangéliques et catholiques sont réellement chrétiens, et donc qu’ils peuvent signer la charte : « Nous affirmons ensemble que nous sommes justifiés par la foi à cause de Christ. Une foi vivante, agissante par l’amour, qui n’est rien de moins que l’amour de Christ »

On retrouve ici le débat sur la foi seule ou la foi accompagnée de réalisations concrètes, comme en écho de ce qu’affirmait à sa manière en 1547 le Concile de Trente : « La foi seule, à moins qu’on ne lui ajoute l’espérance et la charité, ne peut nous unir parfaitement à Christ et faire de nous un membre vivant de son corps ».

Un document œcuménique fut publié par évangéliques et catholiques pour préciser le sens de ces confessions de foi : « Nous sommes d’accord pour affirmer que la justification ne se gagne pas par nos œuvres bonnes ou nos mérites : elle est entièrement un don de Dieu et nous est conférée par pure grâce du Père, par l’amour qu’il nous porte en son Fils ».

Aujourd’hui se déroule le Synode pour l’Amazonie. Deux représentants évangéliques ont été invités officiellement comme « délégués fraternels » à être présents et à prendre part aux discussions.

La montée en flèche des groupements évangéliques au Brésil n’a pas empêché ce genre d’initiative, malgré les réticences de certains. Un participant catholique vénézuélien a même affirmé devant les pères synodaux « Il vaut mieux que les Amazoniens soient évangélisés par les Eglises évangéliques que pas évangélisés du tout ! »

Un pasteur brésilien a cependant réagi à certaines tendances de ces mouvements : « la vision cosmique du pentecôtisme qui annonce le retour imminent de Jésus Christ détourne mes fidèles des préoccupations écologiques ! » D’autres problématiques existent qui peuvent rendre le dialogue et l’action commune difficile : la théologie de la prospérité affichée par certains prêcheurs, le soutien à l’agrobusiness contre les intérêts des indiens, la proximité avec des extrémistes. Le réseau latino-américain d’études pentecôtistes apporte sa contribution au débat : il est constitué de chercheurs évangéliques et catholiques de 15 pays latino-américains et se concentre sur les enjeux écologiques de la région. Un pasteur péruvien présent au synode conclut : « Dieu est présent à notre monde par son Esprit ». Tout un programme, résumé à sa manière par un participant : « les questions théologiques nous ont divisés, mais la protection de la maison commune est de nature à nous rassembler ! ». Il est donc clair que la foi va s’illustrer par des actions…

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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