Publié par Abbé Alain René Arbez le 11 octobre 2019

Ce synode suscite beaucoup d’interrogations et de réactions, y compris parmi des cardinaux et des théologiens.  L’Amazonie n’est qu’une portion limitée de la planète, mais les enjeux sont considérables.

On peut y voir une démarche qui sort du champ d’action traditionnel de l’Eglise, marquée d’une empreinte significative des sciences humaines et des idéologies. On sait – climatologie oblige – que la thématique écologique est instrumentalisée de tous côtés. Certes, la sauvegarde de la création et la bonne gestion des ressources naturelles dans le souci du bien commun est loin d’être une préoccupation nouvelle chez les chrétiens. Mais à quel titre l’Eglise peut-elle s’attribuer un rôle de premier plan en ce qui concerne les problèmes actuels et le futur de l’Amazonie ?

Certains diront que la prise en compte de l’incarnation autorise l’Eglise à se focaliser sur cette région où l’écosystème souffre et où l’avenir des populations autochtones est compromis par des entreprises mercantiles indifférentes à leur sort. L’Amazonie brûle, nous dit-on, mais des régions entières d’Afrique et d’Asie brûlent aussi, et parfois dans des superficies et avec des fréquences encore plus importantes, et également des conséquences dramatiques pour les populations.

Ce qui peut choquer, c’est que les concepteurs du document préparatoire, quelles que soient les intentions positives de leur texte, horizontalisent fortement leur perspective, laissant sensiblement de côté les dimensions spirituelles et pastorales. Ce qui donne au document une tonalité de charte sociologique ou politique, au nom d’une théologie de l’environnement qui – (comme dans les manifestations actuellement orchestrées) sert sans doute de paravent à une théologie de la libération, d’inspiration marxiste.

C’est bien cela qui provoque des réactions parmi certaines autorités catholiques qui par ailleurs ne sont certainement pas allergiques à l’action concrète en faveur de populations en détresse. A cela s’ajoute l’affaire du rituel de lancement de l’opération dans les jardins du Vatican où l’accueil s’est tellement voulu ouvert aux traditions amazoniennes que des scènes étranges de chamanisme se sont déroulées, avec des statuettes et des gestes mystérieux, sous la caution du pape François. Cette séquence a-t-elle été mal programmée, ou y a-t-il eu volontairement un glissement laxiste vers l’introduction de pratiques religieuses païennes, dans le but de manifester que l’évangélisation va s’effectuer à partir de pierres d’attente locales, comme une sorte de « premier testament » préparatoire à l’annonce de l’évangile ?

Si c’est le cas, il y aurait là un faux pas historique extrêmement dommageable. En effet, lors du colloque de 1997, réunissant des théologiens au Vatican, le pape Jean Paul II avait particulièrement insisté sur le rôle incontournable et irremplaçable de la tradition hébraïque dans la fondation du christianisme et ses valeurs spécifiques. Aucune religion de remplacement ne peut servir de première étape à l’arrivée de l’évangile. Jean Paul II lançait donc un avertissement prononcé envers ceux qui dériveraient vers des substituts de la première alliance dont les fondamentaux s’avèrent indispensables à la foi chrétienne. Il disait : « Ceux qui considèrent le fait que Jésus fut juif et que son milieu était le monde juif comme de simples faits culturels contingents auxquels il serait possible de substituer une autre tradition religieuse dont la personne du Seigneur pourrait être détachée sans qu’elle perde son identité, non seulement méconnaissent le sens de l’histoire du salut, mais plus radicalement s’en prennent à la vérité elle-même de l’incarnation et rendent impossible une conception authentique de l’inculturation ! »

Il ajoute : « L’Eglise a conscience de son lien vital avec le Premier Testament sans lequel le Nouveau testament est vidé de son sens »

Nous sommes là au cœur du questionnement le plus essentiel que suscitent certains passages du document préparatoire au Synode sur l’Amazonie et la célébration interreligieuse qui a donné le signal de son lancement. L’éclairage formulé par le pape Jean Paul II reste bel et bien une clé providentielle qui n’a pas pour but de fermer les débats mais de garder le cap indispensable si l’on veut rester dans la véritable apostolicité ecclésiale.

Espérons que les travaux en cours dans ce Synode amazonien aboutiront à des conclusions conformes à ces convictions fondamentales, seules garanties d’apporter des initiatives porteuses de la Bonne Nouvelle et non pas d’une idéologie passagère.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous