Publié par Dreuz Info le 11 novembre 2019

L’ancienne ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, la formidable Nikki Haley, a rompu une fois de plus le lourd silence diplomatique, et confirme ce que je ne cesse de constater : en politique, Trump s’est souvent mal entouré.

Haley vient de révéler que deux des anciennes nominations à des postes de premier plan par le président Trump ont tenté de l’amener à le trahir pour “sauver le pays” disaient-ils, rapporte ce dimanche 10 novembre le Washington Post, citant les mémoires à venir de Haley et une interview avec elle.

Selon le journal, Haley a déclaré que l’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson et l’ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche John Kelly ont essayé de l’amener à travailler contre le président.

Ils ont tenté de bloquer le déplacement de l’ambassade à Jérusalem

Nikki Haley révèle qu’elle a soutenu la plupart des décisions de politique étrangère de Trump que d’autres ont tenté de bloquer ou de ralentir.

Cela inclut certaines de ses plus brillantes décisions, comme le retrait de l’accord nucléaire iranien, le retrait de l’accord de Paris sur le climat, et le déplacement de l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem.

“Kelly et Tillerson m’ont confié que lorsqu’ils résistaient au président, ce n’était pas de l’insubordination, ils essayaient simplement de “sauver le pays”, a écrit Haley, selon le Post.

“Ce sont leurs décisions, et non celles du président, qui sont dans le meilleur intérêt de l’Amérique, disaient-ils. Ils disaient que le président ne savait pas ce qu’il faisait”, a-t-elle poursuivi.

Je dois ici faire une pause et deux commentaires car nous vivons la même dérive dans la plupart des pays occidentaux, à l’exception peut-être de la Suisse et d’Israël. La Suisse parce qu’elle possède le vote populaire, Israël à cause du “balagan” parlementaire.

  • Ni Rex Tillerson ni John Kelly n’ont été élus lors d’une élection démocratique. Le président oui. Ils n’ont donc aucune autre légitimité que celle qu’ils s’accordent à eux-mêmes. Cela ne les empêche pas de penser que eux savent mieux que le peuple, mieux que le président, mieux que la démocratie. Et si vous les écoutez, ils vous expliquent avec solennité que le président met la démocratie est en danger. Quelle bande de clowns.
  • Second commentaire : Rex Tillerson et John Kelly considèrent que le président a dérivé par rapport à la politique étrangère des Etats-Unis. D’ailleurs, c’est aussi ce que le dossier d’impeachment ukrainien soutient en substance. Ces messieurs ont simplement oublié que la politique étrangère des Etats-Unis, elle est établie, selon la constitution, par le président. La politique étrangère, c’est le président, chef des Armées et chef de l’exécutif. La politique étrangère n’est pas déterminée par des fonctionnaires qui n’ont pas soumis pour approbation leur programme à des électeurs.
  • C’est cela l’Etat profond, un lisier de hauts-fonctionnaires installés à vie, qui restent en place après chaque élection, et finissent par se sentir l’incarnation de la politique du pays, quel que soit le président élu.

Soutien aux Palestiniens

Dans une partie du livre, Haley évoque un désaccord avec Tillerson et Kelly, lors d’une réunion dans le Bureau ovale, au sujet de sa suggestion que les États-Unis devraient supprimer le financement de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies qui soutient les Palestiniens.

Elle explique qu’elle avait le soutien des envoyés au Moyen-Orient de Trump.

Kelly et Tillerson, cependant, ont fait valoir que la réduction de l’aide pourrait conduire à la violence et à de plus grandes menaces pour Israël, ainsi qu’à une réduction de l’influence américaine, écrit Haley.

Ce point de vue est courant dans les ministères européens des Affaires étrangères, et chez les critiques de Trump au Moyen-Orient, qui affirment que l’approche de l’administration est punitive et à courte vue. Les faits leur ont donné tort : les terroristes d’hier sont restés les terroristes d’aujourd’hui, et les excités de Gaza sont toujours des excités. La région ne s’est pas embrasée du fait des décisions de Trump, mais l’histoire récente montre que les diplomates ont peu de respect pour la réalité qui contredit leur vision.

Trump leur a alors demandé d’aller régler leurs différends ailleurs. Kelly, a-t-elle ajouté, a ensuite dit à Haley, dans son bureau :

“J’ai quatre secrétaires d’État : toi, H.R. McMaster, Jared Kushner et Rex Tillerson. J’en ai besoin d’un seul”, en référence à Jared Kushner et à H.R. McMaster, alors conseiller à la sécurité nationale.

Nikki Haley :

“J’étais tellement choquée que je n’ai rien dit en rentrant chez moi parce que je n’arrivais tout simplement pas à comprendre qu’il y a deux personnes clés dans une administration qui sapent le président”, a déclaré Haley au WaPo.

Haley ajoute que Kelly l’a bloquée quand elle a demandé une rencontre avec Trump, et a dit que l’ancien chef de cabinet s’est plaint quand elle l’a contourné pour finalement obtenir sa rencontre.

Impeachment

Concernant la procédure engagée par les Démocrates pour faire destituer le président, car ils n’ont pas de concurrent pour le battre en 2020, Haley dit qu’elle désapprouve les efforts de Trump pour demander de l’aide étrangère pour des enquêtes politiques contre les Biden, lors de son appel avec le président ukrainien, mais elle précise que cette action n’est pas illégale.

Quand on lit la transcription écrite de l’appel téléphonique, on constate “qu’il n’y a pas eu de la part du président de forte demande insistant sur le fait qu’il attendait quelque chose en retour [de l’aide à l’Ukraine].

Il m’est donc difficile de comprendre d’où vient sa mise en accusation, parce que ce que tout le monde reproche au président [avoir retenu l’aide financière] ne s’est pas produit” [l’aide financière a en effet été versée], a dit Haley.

Alors, est-ce que je pense que ce n’est pas une bonne pratique de demander aux gouvernements étrangers d’enquêter sur les Américains ? Oui.

Est-ce que je pense que le président a fait quelque chose qui justifie sa destitution ? Non, parce que l’aide est arrivée”, a-t-elle dit, faisant référence à près de 400 millions de dollars d’aide militaire.

Et, de plus, les Ukrainiens n’ont pas donné suite à l’enquête”, ajoute Haley.

Insubordination et arrogance

Haley explique qu’elle et d’autres, avaient l’obligation d’exécuter les souhaits de Trump car lui a été élu par les Américains, pas Tillerson ni Kelly. Son livre “With All Due Respect“*, est disponible ce mardi, et si vous lisez l’anglais, vous devez impérativement l’acheter pour comprendre un peu mieux la puanteur du marécage et son mépris pour “nous le peuple” (We The People).

Sexisme

Haley a également déclaré au Post qu’en tant que femme, elle a rencontré deux types de personnes en politique.

“Vous rencontrez des gens qui vous respectent pour vos compétences, vos connaissances et le travail que vous essayez de faire, et qui vous soutiennent dans ce processus.

Et vous rencontrez des gens qui vous ignorent et vous voient comme en travers de leur chemin. Cela arrivait parfois”, en parlant de Kelly.

“C’est une façon de dire que parfois il n’était pas aussi conscient du travail que j’essayais de faire”, dit Haley à propos de Kelly.

Par contre, Trump aimait son approche directe et il était respectueux lorsqu’ils n’étaient pas d’accord, a dit Haley.

Haley ajoute qu’elle n’avait aucun grief personnel contre Kelly, et l’a qualifié de patriote.

“Les femmes sont prudentes en politique, pour une bonne raison, écrit Haley.

“Ce n’est pas un joli métier. C’est souvent la haine. Ce serait merveilleux si nous pouvions changer notre politique en Amérique pour la rendre moins haineuse et moins personnelle. Mais en attendant, surtout si vous êtes une femme, vous devez vous défendre. Toujours.”

Haley a démissionné de son poste l’année dernière. Elle avait auparavant été gouverneure de la Caroline du Sud. Elle a expliqué qu’elle souhaitait passer plus de temps auprès de sa famille. Jamais un ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU n’aura marqué sa présence avec autant de puissance et de vérité.

Lorsqu’elle a annoncé sa démission, Trump l’a honorée de remerciements chaleureux à l’automne dernier.

Le départ de Kelly a été annoncé en termes “plus frais” quelques semaines plus tard.

Le successeur de Haley, Kelly Knight Craft, qui a pris ses fonctions à l’ONU en septembre, n’a pas été gratifié du même rang que Haley.

Tillerson, quant à lui, a été viré par Trump via Twitter en mars 2018. Ce type était une plaie.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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