Publié par Jean-Patrick Grumberg le 12 novembre 2019

« On ne pensait pas que la révolution allait se transformer en cauchemar islamiste » disent les survivants du Parti communiste iranien, un avant-goût de ce que diront dans trente ans les socialistes français.

La gauche française renonce à défendre toutes les valeurs qui lui sont les plus chères afin de s’allier aux islamises pour faire avancer leur lutte contre l’Occident capitaliste. Le réveil sera brutal, mais ils auront été prévenus.

Les militants du Tudeh, le parti communiste iranien, étaient aux côtés des islamistes il y a 40 ans. Aujourd’hui, même le nom de leur parti est tabou en Iran.

Aujourd’hui, le régime iranien traque la parole politique non conformiste, et la gauche fait partie de celle-là.

Mohammed a participé à la révolution iranienne, et comme tant d’autres, il a été trompé.

« J’ai appris à être discret, c’est ce qui m’a toujours évité d’être arrêté&nbsp ; », sourit-il.

Les clients n’imaginent pas que ce retraité à la mine débonnaire et aux yeux plissés derrière d’épaisses lunettes, fut naguère un étudiant révolutionnaire parmi la foule qui fit tomber le régime impérial perse.

Je vois bien Edwy Plenel dans ce rôle, en vieillard discret pour ne pas se faire repérer par les milices de la morale islamiste, dans la France d’après demain.

Comme beaucoup d’étudiants de l’université de Téhéran à l’époque, il était membre du Tudeh, le parti communiste iranien. Un parti dont le nom est aujourd’hui tabou en Iran, et dont aucune mention n’est faite lors des cérémonies de commémoration de la révolution islamique.

Créé en 1941, le Tudeh fut l’un des plus importants partis communistes du Moyen-Orient. Doté d’une grande influence dans les milieux intellectuels et ouvriers, il fut l’allié de circonstance avec les islamistes au moment de la révolution.

Comme en France pour les Verts, les Socialistes et les Mélenchonistes.

Le Tudeh fut à l’origine des premières manifestations qui firent tomber le chah, avant d’être progressivement évincé par la nouvelle théocratie et complètement anéanti en 1983.

Quarante ans après, Mohammed ne comprend toujours pas comment la révolution a pu lui échapper. La similitude avec les militants français est frappante, choquante même :

«On ne prenait pas au sérieux ces groupes d’islamistes. Ils avaient un très faible niveau de compréhension socio-économique. Pour nous, le soulèvement de 1979 devait être une transition vers le socialisme. Manifestement, on s’est complètement planté… & nbsp ; »

En 1979, la force de frappe du Tudeh et son influence le rendent indispensable aux islamistes pour faire tomber le chah, comme l’extrême gauche islamo-gauchiste aujourd’hui est manipulée par les islamistes pour prendre le pouvoir en Europe, alors que la gauche, elle, croît se servir des islamistes pour son objectif, qu’elle croit identique à celui des islamistes.

Durant ces années-là, notez l’impressionnant parallèle, les communistes iraniens s’identifient au discours tiers-mondiste des islamistes.

Le Tudeh, inféodé aux ordres de Moscou, est alors une pièce maîtresse du jeu soviétique en Iran, qui voit en Khomeyni un potentiel allié, et dans son avènement, l’occasion inespérée de damer le pion aux Américains au Moyen-Orient.

On ne pensait pas que la révolution allait se transformer en cauchemar islamiste

Saeed Paivandi était lui aussi un militant actif du Tudeh. Arrivé clandestinement en France en 1984, il a bénéficié de l’asile politique accordé par François Mitterrand aux activistes de gauche iraniens.

Il est aujourd’hui professeur de sociologie à l’université de Nancy.

Sur son téléphone, dans un bistrot parisien, il fait défiler une conversation sur l’application Telegram, sur laquelle d’anciens camarades du parti, qui vivent clandestinement en Iran ou en exil en Europe, s’échangent des poèmes nostalgiques.

« C’est un énorme gâchis… On ne pensait pas que la révolution allait se transformer en cauchemar islamiste, reconnaît-il aujourd’hui. On vivait dans l’illusion, on pensait qu’au final les islamistes n’auraient jamais la possibilité de s’approprier la révolution. »

Islam et gauche alliés contre l’Occident, mais des raisons profondément différentes

Une des erreurs majeures que nous avons commises, c’est de ne pas voir que les islamistes n’étaient pas anti-occidentaux de la même manière que nous

Une cécité partagée par la majorité des révolutionnaires de gauche à l’époque, qui se reconnaissaient dans le discours social et anti-impérialiste des islamistes.

« Une des erreurs majeures que nous avons commises, c’est de ne pas voir que les islamistes n’étaient pas anti-occidentaux de la même manière que nous, analyse aujourd’hui Saeed Paivandi. Pour nous, la cible n’était pas la civilisation occidentale, mais les États capitalistes. Alors que le régime islamiste considérait l’Occident comme un ennemi civilisationnel. »

Sans aucune coloration partisane, et dans un esprit de neutralité totale, je dois dire que Paivandi prononce là des paroles fondamentales qui, sauf erreur de ma part, n’ont jamais été prononcées nulle part.

  • Oui, la gauche et l’islam sont et se rejoignent dans leur anti-occidentalisme.
  • Mais pas pour les mêmes raisons. Là où la gauche cible le capitalisme, l’islam cible la civilisation dans sa totalité.

Dans les mois qui précèdent la fuite du chah, le doute naît pourtant dans les rangs du Tudeh quant au véritable dessein de Khomeyni. Iraj Eskandari, premier secrétaire du parti, préconise plutôt une alliance avec les forces laïques. Il affirme à son donneur d’ordre soviétique que le parti fait fausse route et l’exhorte à ne plus soutenir Khomeyni. Il sera démis de ses fonctions en janvier 1979, quelques jours avant la fuite du chah.&nbsp ;

Saeed Paivandi se souvient des fameuses « Dix Nuits » d’octobre 1977, qui marquèrent le début des protestations ; une succession de soirées littéraires et poétiques transformées en tribunes politiques, organisées à l’institut culturel allemand à Téhéran. « Il y avait 15 000 personnes chaque soir, et seulement 500 islamistes. Quand les écrivains islamistes prenaient la parole, personne ne les écoutait. C’était ça le rapport de force à l’époque !

En 1978, il aurait tout à fait été possible que la révolution soit socialiste. Elle sera islamiste.

» Les bolcheviks n’étaient pas très nombreux, mais comme ils étaient bien organisés et qu’ils étaient très influents dans les syndicats, ils ont pris le pouvoir. »

Comment la gauche a perdu face aux islamistes

Que s’est-il passé ?

  • Dès 1980, Khomeyni se débarrasse de ses alliés les plus proches, les islamistes libéraux, jugés contre-révolutionnaires, avant de s’attaquer aux partis.
  • Des milliers de hauts fonctionnaires et de hauts gradés sont exécutés.
  • Toute la gauche a applaudi ces exécutions massives. On considérait que la révolution avait besoin d’éliminer les ennemis du peuple.

Situation confondante d’un parti communiste qui applaudit les exactions d’un régime islamiste obscurantiste à l’identique des gauches européennes qui applaudissent les femmes voilées, et ferment les yeux sur le reste.

Puis le Tudeh ne tarde pas à subir la répression islamiste à son tour. Une campagne de répression et d’exécution massive s’abat contre les communistes. En février 1983, le Tudeh est interdit.

Les rescapés de ces purges, comme Saeed Paivandi, fuient alors vers l’Europe. Le Tudeh s’exile à Berlin-Est, où il est toujours installé.

Le « politburo » du parti publie toujours des délibérations et articles sur son site internet, mais refuse de communiquer sur le nombre de militants encore actifs, officiellement par raison de sécurité.

Ceux qui sont restés en Iran sont réduits au silence. À Téhéran, le siège du parti a disparu, et les avenues autour de l’université, qui ont vu des foules défiler il y a 40 ans, sont aujourd’hui ornées de visages de martyrs, morts au nom de la République islamique, assortis d’extraits du Coran.

Mohammed raconte une dernière anecdote :

« Pendant une manifestation, on scandait le mot “prolétariat”. Je me souviens d’un mollah qui nous menaçait en agitant une épée en l’air et qui criait “Moi, je vais vous montrer à quoi ressemble le mollah-tariat !”. »

L’histoire fait encore rire Mohammed. D’un rire amer.

On peut se poser en guise de conclusion la question inverse. Que ferait la gauche occidentale aux islamistes en cas de victoire révolutionnaire. Probablement la même épuration, car la gauche est totalitaire et ne tolère aucune dissidence, et certainement pas religieuse. Tant qu’elle a besoin des islamistes, elle les protège contre toute attaque et les renforce. Mais demain… le plus fort exterminera le plus faible. Ils ne cohabiteront certainement pas car ils ne partagent pas le pouvoir !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Source : https://www.lorientlejour.com/article/1156969/-on-ne-pensait-pas-que-la-revolution-allait-se-transformer-en-cauchemar-islamiste-.html

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