
Deep State, “l’État profond”: l’expression évoque le titre d’une série d’espionnage. S’agit-il d’un véritable “État dans l’État”, ou plus simplement du pouvoir de l’administration et des groupes de pression, qui s’oppose parfois à celui des élus du peuple ?
Plus précisément, il pourrait s’agir de tous ceux qui – au sein de l’administration, de l’armée, de l’économie ou des médias – se donnent pour tâche non pas de servir l’Etat, le peuple et le gouvernement qu’il s’est donné, mais au contraire de renverser ce dernier par des moyens non démocratiques, pour servir leurs propres intérêts, matériels ou idéologiques. Quelle que soit l’acception précise qu’on lui donne, ce concept permet de comprendre les causes profondes de la situation politique sans précédent que traverse l’État d’Israël depuis plusieurs mois… Comme l’écrit la commentatrice israélienne Caroline Glick, “l’usurpation du pouvoir des élus par “l’État profond” au cours des trois dernières décennies est la question politique la plus brûlante en Israël aujourd’hui”. (1)
Crise politique et institutionnelle
La situation actuelle, que les médias israéliens décrivent par le terme hébraïque de “plonter” (sac de nœuds), n’est pas tant un blocage des institutions et des mécanismes électoraux, que l’aboutissement d’un long processus d’érosion du pouvoir politique, celui de la Knesset et de l’exécutif, face à la montée en puissance d’un véritable “pouvoir judiciaire”, plein de morgue et d’hybris. Si l’on voulait dater le début de ce processus de manière précise, on pourrait prendre comme point de départ la fameuse affaire du compte en dollars, en 1977, durant laquelle le Premier ministre avait été contraint de démissionner pour avoir détenu quelques centaines de dollars sur un compte aux États-Unis, ce qui s’expliquait tout naturellement par le fait qu’il y avait été ambassadeur (2). Cette infraction dérisoire permit au procureur de l’État de l’époque d’affirmer son pouvoir, en obtenant la démission du Premier ministre. C’est au cours de cette affaire que fut ainsi fixé le dangereux précédent, selon lequel un dirigeant élu “devait” démissionner, lorsqu’il était inculpé par le procureur de l’État.
Ce que la plupart des commentateurs ont alors (et depuis lors) célébré comme une victoire de l’État de droit contre la “corruption”, était en réalité une pure et simple invention juridique, qui marqua le début d’un processus d’effritement des prérogatives de l’exécutif, rognées par un “pouvoir judiciaire” de plus en plus puissant, processus dont nous voyons aujourd’hui les conséquences dramatiques. Il n’est pas anodin que le Premier ministre d’alors s’appelait Itshak Rabin. Quant au procureur de l’État, il n’était autre qu’Aharon Barak, le théoricien et le maître d’œuvre de la “Révolution constitutionnelle”, qui a permis à la Cour suprême de devenir la cour la plus activiste du monde et le premier pouvoir en Israël. Ce faisant, il a ébranlé le fragile équilibre des trois branches de l’État, exécutif, législative et judiciaire, en créant un “pouvoir judiciaire” qui n’a pas sa place dans une démocratie authentique. (3)

Ceux qui voudraient aujourd’hui que Benjamin Netanyahou démissionne, avant même d’être inculpé, ou dès lors qu’il le sera, ne font que tirer les conséquences logiques du précédent créé à l’époque par Aharon Barak. Mais ce précédent, quoiqu’on pense de son opportunité morale et politique, n’avait juridiquement aucun fondement solide. D’après la Loi fondamentale sur le Gouvernement, en effet, seule la Knesset est habilitée à destituer un Premier ministre en exercice, selon une procédure détaillée et précise. La théorie de la “démission forcée” du Premier ministre a été créée ex nihilo par le juge Aharon Barak, qui se considère lui même comme “créateur du droit” et donc comme au-dessus des lois – même fondamentales – comme il l’affirme explicitement dans ses nombreux écrits. (4)
Putch judiciaire et chantage politique
Si la “praklitout” (le cabinet du procureur de l’État) se comporte aujourd’hui avec une telle arrogance – au point que le ministre de la Justice lui-même a cru bon de dénoncer ses pratiques, lors d’une intervention sans précédent dans l’histoire d’Israël – c’est précisément au nom de cette conception erronée et dangereuse, qui voudrait que des employés de l’État puissent défaire ce que les électeurs ont décidé. Que ces employés parlent au nom du droit et de “l’État de droit” ne change rien à l’affaire. La comparaison avec la procédure d’impeachment américaine est instructive : aux États Unis, seul le Congrès peut décider de lancer une telle procédure, exceptionnelle.
Dans l’État d’Israël d’aujourd’hui, la compétence exorbitante que s’est arrogée, sans fondement légal véritable, le procureur de l’État lui permet ainsi de faire tomber n’importe quel Premier ministre, avec la complicité active de la police et de médias complaisants. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans les affaires Netanyahou, comme l’a reconnu Avishai Mandelblit dans un accès de sincérité. Si Netanyahou démissionne, les procédures seront annulées, avait-il expliqué l’été dernier, comme l’avait à l’époque révélé le Jerusalem Post ! Or de deux choses l’une : s’il a commis une infraction, il doit être poursuivi même après son éventuelle démission, ce qui montre bien que l’objectif poursuivi par Mandelblit est avant tout politique.
Nous sommes ici au coeur de la réalité paradoxale de la crise politique actuelle. Ceux qui n’ont que les mots d’État de droit a la bouche, ne cherchent en réalité qu’une seule chose, regagner par un artifice juridique le pouvoir qu’ils ont perdu par les urnes (5). Et c’est précisément parce qu’ils sont convaincus que l’ère Netanyahou touche à sa fin, que la formation d’une coalition devient impossible et presque superflue… A quoi bon négocier en effet, si Benny Gantz peut espérer obtenir le pouvoir sans effort, d’ici quelques mois ou quelques semaines, quand le procureur aura “démis” Netanyahou de ses fonctions ? Dans un régime où le Premier ministre est “démis” par un procureur, les élections deviennent un luxe inutile.

Pourtant, il est important de le répéter, il ne s’agit pas seulement d’un affrontement entre partisans et adversaires de M. Netanyahou. Car le pouvoir démesuré du procureur de l’État et de ses alliés pourra demain s’exercer contre tout Premier ministre élu, fût-il de gauche, comme Itshak Rabin a l’époque du compte en dollars. Cette épée de Damoclès, qui plane désormais sur la tête de tout dirigeant élu n’est pas, comme voudraient le faire croire ses partisans, un “chien de garde” de la démocratie. Elle est bien plutôt, comme l’a expliqué l’avocat américain Alan Dershowitz, un “chien d’assaut” contre la démocratie et ses institutions. Et nous en revenons ici au problème de l’État dans l’État, – ou de la “praklitout dans la praklitout” – pour reprendre l’expression du ministre de la justice Amir Ohana.
Le “Deep state” israélien ne menace pas seulement le pouvoir de Benjamin Netanyahou. Il menace et porte atteinte – et a déjà porté un coup dangereux – au fonctionnement de la démocratie israélienne. Le remède à cette situation préoccupante existe, et il ne réside pas dans la réforme du système électoral, comme on l’entend souvent dire. Le remède passe par l’annulation du pouvoir exorbitant de la Cour suprême et du procureur de l’État, en redonnant aux élus du peuple, à la Knesset et au gouvernement, les compétences qui leur reviennent selon les lois fondamentales de l’État d’Israël, expression de la volonté générale et de la souveraineté populaire. Il faut mettre fin au Deep State pour préserver la démocratie.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.
- (1) https://carolineglick.com/israels-deep-state-takes-aim-at-netanyahu/ Parmi les autres auteurs ayant parlé du Deep State à propos d’Israël, le Dr Martin Sherman, ancien conseiller du Premier ministre Itshak Shamir. http://www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/23539
- (2) Un règlement interne du ministère des Finances autorisait une telle détention, comme le rappela plus tard le ministre de la Justice Yaakov Neeman. Voir https://frblogs.timesofisrael.com/le-jour-ou-itshak-rabin-fut-contraint-a-demissionner-par-aharon-barak-2/
- (3) Comme le rappelle Pierre Manent, spécialiste de philosophie politique, dans des pages très éclairantes d’un ouvrage paru il y a une quinzaine d’années, la notion d’État de droit et celle de séparation des pouvoirs qui en découle, donnent lieu à de fréquentes fausses interprétations. En particulier, écrit-il, “On se trompe souvent sur la thèse de Montesquieu, ou on s’en fait une idée confuse. Il n’y a pas pour lui le pouvoir judiciaire. La forme et la fonction de celui-ci dépendent du régime politique. Dans le régime monarchique, dans la France du temps de Montesquieu, il importe que le judiciaire soit véritablement un pouvoir distinct et consistant, faute de quoi le régime serait despotique… Dans le régime républicain moderne, la fonction et la nature du judiciaire sont toutes différentes. La liberté y est produite et garantie par le jeu des deux autres pouvoirs (législatif et exécutif, P.L.) et par les effets que ce jeu induit. Le judiciaire n’y est donc pas le gardien de la liberté, comme il l’était dans la monarchie. Et même, pour aider à la liberté, il doit en quelque sorte disparaître comme pouvoir”. Cf. P. Manent, Cours familier de philosophie politique, Gallimard 2004.
- (4) Voir notamment A. Barak, The Judge in a Democracy, Princeton University Press 2001.
- (5) Voir notre article “La faculté de l’inutile : la justice israélienne au service des ennemis de la démocratie”. http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/02/la-faculte-de-l-inutile-la-justice-israelienne-au-service-des-ennemis-de-la-democratie-par-pierre-lurcat.html
Le vrai problème, c’est que les bons Sionistes” sont beaucoup trop cléments, moi je dirais trop laxistes, à l’encontre des pourritures gauchisantes du genre Aaron BARAK.
Cette ordure de BARAK a abusé de la retenue des politiciens qu’il sapait.
La révolte contre l’abus de pouvoir des “rats de palais” du bagats ne date pas d’hier. Qui se souvient encore du mouvement “Yamine Israel” ? Mais les opposants sont eux mêmes trop respectueux des tordus d’en face.
C’est cette retenue, qui dès 2001, m’a poussé à utiliser un langage violent et grossier à l’encontre de tous nos ennemis. Car ne nous leurrons pas, les mots “acceptables” utilisés par nos ennemis et leurs merdia, pour parler de ceux qui s’opposent à eux, sont infiniment plus insupportables, que les plus gros des mots que j’utilise pour qualifier ces déjections.
Mon ami Pierre LURCAT, que je salue, connait ma position depuis le début.
article fondamental. Il y a longtemps que je dis que “la chasse au Netanyahu est ouverte” pour satisfaire d’obscurs objectifs electoraux car en Israel a part Tel Aviv, la majorite des electeurs est de plus en plus a droite et ne veut plus entendre parler du fameux processus de paix sauf les activistes des ONG qui sont pour la plupart antisionistes
Il serait temps de limiter les pouvoirs exorbitants de Bagatz et de les redefinir ainsi que les procedures de nomination
Il serait temps que le Procureur et la police arretent de collaborer avec les media afin de distiller des informations qui devraient etre tenues secretes et qui contribuent a juger le premier ministre coupable avant d’etre juge.
quand on voit aujourd’hui Gantz comme un bateau ivre parler avec ses copains antisionistes que sont les membres de la liste unifiee et qu’il y a des cretins qui croient encore au processus de paix en donnant une partie de Jerusalem et la Judee Samarie on croit etre dans un vrai cauchemar
La justice n’est guere mieux : des soldats sont en prison depuis 15 jours suite a une plainte de Bedouins qui les auraient attaques. Ces soldats font partie d’unites combattantes et sont religieux
On n’est pas sorti de l’auberge … meme le 3e tour n’est pas evident car il y a des electeurs qui font confiance a certains journalistes toujours a l’affut de desinformations
article fondamental. Il y a longtemps que je dis que “la chasse au Netanyahu est ouverte” pour satisfaire d’obscurs objectifs electoraux car en Israel a part Tel Aviv, la majorite des electeurs est de plus en plus a droite et ne veut plus entendre parler du fameux processus de paix sauf les activistes des ONG qui sont pour la plupart antisionistes
Il serait temps de limiter les pouvoirs exorbitants de Bagatz et de les redefinir ainsi que les procedures de nomination
Il serait temps que le Procureur et la police arretent de collaborer avec les media afin de distiller des informations qui devraient etre tenues secretes et qui contribuent a juger le premier ministre coupable avant d’etre juge.
quand on voit aujourd’hui Gantz comme un bateau ivre parler avec ses copains antisionistes que sont les membres de la liste unifiee et qu’il y a des cretins qui croient encore au processus de paix en donnant une partie de Jerusalem et la Judee Samarie on croit etre dans un vrai cauchemar
La justice n’est guere mieux : des soldats sont en prison depuis 15 jours suite a une plainte de Bedouins qui les auraient attaques. Ces soldats font partie d’unites combattantes et sont religieux
le pouvoir judiciaire israélien est un abcès qu’il faut crever d’urgence, son indépendance exacerbée ne doit pas lui permettre de contrecarrer les décisions du gouvernement! C’est particulièrement nuisible dans une situation de tensions guerrières permanentes.
Il agit un ennemi de la démocratie et sape les institutions!
Un vrai sac de noeud que seul Dieu peut défaire. La finalité de l’histoire, personne ne pourra l’en empêcher. C’est une guerre contre Dieu, larvée. Rien, ni personne ne pourra empêcher les prophéties de s’accomplir. L’arrivée du Machiah est imminente. Les derniers moments de l’histore ne sont pas folichons, malheureusement. Dieu a dit que la fin des temps est un moment crucial de l’histoire, que ces temps sont les pires que l’humanité ait connu. Et que si ces jours n’étaient abrégés personne ne serait sauvé. Monsieur Benyamin Netanyahu n’a pas a rougir de toutes ces années passées au pouvoir. Israël lui doit beaucoup, les israéliens aussi. Dieu décide du reste. Que Dieu protège Israël et les israéliens.
Comme les British, on a ouvert un pari entre famile et amis, que Bibi serait réelu s’il y a 3ème scrutin.
Pour l’instant on est à 50/50.
Les pour : B. Gantz n’a pas d’expérience politique et sa proximité avec Y. Lapid effraie les religieux ou les séculaires, de plus on a été choqué de voir qu’il avait consulté les partis Arabes ça ne s’était jamais vu depuis la création de l’Etat.
Cela ne devrait pas être, y a t il un parti Juif dans un pays Arabe ?
Les contre : le pouvoir de nuisance des ennemis de Bibi et de la Gauche en particulier.
Je pense que ces derniers évènements ont ouvert les yeux de ceux qui dormaient.
Wait and see.
Sur ce sujet essentiel aussi en France (élection de Macron par inculpation de Fillon), voyez l’extraordinaire papier de Zemmour : “Maupeou – Le mur des cons”, dans “Destin français” (2018).
Et sur le Fouquiet-Tinville israélien Aaron BARAK, voyez le saignant jugement d’un juge américain pourtant libéral : https://newrepublic.com/article/60919/enlightened-despot (“Le despote éclairé !).
Nous ne pouvons qu’être d’accord avec votre analyse, Pierre Lurcat. Mais comment mettre au pas cette clique des petits inquisiteurs nocifs ?
Et pour ajouter à la solution présentée dans l’article, NE PAS DONNER LE DROIT DE VOTE A TOUT ET N IMPORTE QUI !!! Il faut que les citoyens quels qu’ils soient, prouvent qu’ils sont de véritables patriotes et qu’ils respectent le pays dans lequel ils vivent…….sinon cela ne permet qu’une chose : faire entrer le loup dans la bergerie !
Cet article de Pierre Lurça est un monument de Vérité !
Ephraïm , Jérusalem
Que D.ieu préserve Israël, petit pays héroïque assailli de l’extérieur par toutes les haines
antisémites, mais de plus gangrené par le développement d’une mafia intérieure…
Elevons nos prières pour que triomphe la sagesse d’un verdict populaire non contaminé par les ambitions malsaines d’intrigants déguisés en compétiteurs.
Et que notre communion de pensées serve de bouclier à Bibi..
Merci pour cette excellente analyse de cette aberration politique en Israel, le problème a mon avis c’est surtout que je ne suis pas sure que les jeunes électeurs en sont conscients et qu’il faudrait les réveiller pour essayer de renverser ce système complètement débile!!