Publié par Jean-Pierre Lledo le 9 décembre 2019

Ainsi depuis Avril 2019, et au mépris même des graves dangers qui le ciblent, Israël se paie le luxe d’un ballet électoral : Avril, Septembre, et sans doute à présent le 3 Mars 2020.

Lors de la deuxième élection, deux blocs se forment et le 25 septembre le président Rivlin confie au bloc majoritaire dirigé par Netanyaou le soin de former un gouvernement. Le pouvoir du Président étant très limité, il ne peut que recommander une union entre les deux blocs, avec une rotation pour le poste de 1er Ministre, Netanyaou puis Gantz.

C’est en effet logique, pour ne pas dire mathématique.

Netanyaou se plie à l’évidence et fait immédiatement la même proposition à son rival sans poser la moindre condition, et sans essayer de fragiliser le bloc adverse. Cette solution marquée par le réalisme a le double avantage d’abréger le ballet électoral et de mettre en place rapidement un gouvernement, malgré tout patriotique, dans un contexte international d’une extrême complexité dont dépend l’existence même d’Israël.  

Mais surtout, il n’y a pas d’autre alternative.

Sauf à s’attaquer au fondement sioniste de l’Etat d’Israël en s’alliant à ceux qui militent dans ce sens ouvertement et de plus en plus effrontément (la coalition islamisto-communiste arabe)… Sauf aussi à réussir à racoler à cette union contre-nature le petit parti de Liberman dont les deux blocs ne peuvent se passer pour devenir majoritaires à la Knesset. Autant dire mission impossible puisque ce dernier a toujours dit qu’il excluait toute alliance avec la coalition antisioniste arabe.

Mais Gantz et ses trois associés refusent la proposition du Président Rivlin. Une première fois lorsque le bloc vainqueur représenté par Netanyaou la leur soumet. Et une seconde fois lorsque les quatre dirigeants acceptent de se voir confier le mandat de former le gouvernement.

Ils échouent. Et ne peuvent qu’échouer. Netanyaou les en avaient prévenus d’emblée et même un enfant aurait pu le leur prédire : c’est mathématique. S’entêter, c’est soit s’attendre à un miracle, soit nier la réalité, celle qui ne prête à aucune interprétation : les chiffres. Comportement plus que problématique pour 4 généraux. Un général peut faire obtempérer ses subordonnés, mais non l’adversaire.

Or avant de devoir eux aussi jeter l’éponge, et aussi grotesquement que cela puisse paraître, c’est ce à quoi ils vont s’employer. D’abord en tentant l’alliance impossible entre la coalition arabe et Lieberman. Ensuite, et bien que minoritaires, en ayant la prétention de vouloir imposer à leur adversaire le choix de ses alliances, et même de son chef !

A l’heure donc où se profile le 3ème round électoral, les électeurs se rappelleront que face à la voix de la raison démocratique respectant le résultat des urnes, il y a eu la déraison de la tentation dictatoriale de minoritaires cherchant à s’imposer à tout prix. Et ce prix est très élevé puisqu’est envisagée une alliance avec la coalition arabe islamisto-communiste et antisioniste, dont le leader Odeh, pour donner juste idée de son rapport à l’Etat d’Israel, refusa d’assister aux obsèques de Shimon Peres, préférant se recueillir sur le tombeau d’Arafat à Ramallah !

Jamais je n’aurais cru possible que des chefs de Tsahal en arrivent à dire ‘’Non’’ à celui qui a dirigé l’Etat d’Israël durant plus de 13 années de façon plutôt honorable, et dans le même temps ‘’Oui’’ à ceux dont le programme est de le détruire !

Comment Gantz qui ne peut même pas se rendre en Angleterre où depuis 2014 l’attend une obligation à comparaitre comme criminel de guerre pour avoir dirigé la guerre contre le Hamas de Gaza, a-t-il pu permettre à son nouvel allié Odeh d’insulter un Premier ministre qui venait de donner son OK à l’élimination à Gaza du chef terroriste du Djihad islamique ?

Quel que soit le proche avenir, tout cela restera une tache indélébile dans le CV de ces 4 généraux relookés en politiciens. Une tâche infiniment plus grave que ce qui est reproché aujourd’hui à Netanyaou (ce qui reste encore à prouver), car il ne concerne pas une personne mais un Etat.

Refusant la tentation à laquelle s’adonnent nombre de politiciens et de médias, de juger avant les juges, je m’empresse de fermer cette parenthèse juridique, qui pour moi n’a qu’un but : empêcher que le débat électoral ne porte sur les questions fondamentales touchant à l’existence d’Israël comme Etat juif.

Qu’on me permette quand même  de m’alarmer qu’un Procureur puisse proposer à Netanyaou l’arrêt des poursuites contre sa démission immédiate, comme aussi et entre autres, l’accuser de trafic d’influence…. des médias, alors que ceux-ci dans leur grande majorité, telle une meute, se font un plaisir quotidien à le dépecer. Qui influence qui ? Qui manipule qui et quoi Monsieur le Procureur ? !

Face aux menaces iraniennes de ‘’faire disparaitre Israël’’ et à celles de l’intérieur visant à remettre en cause l’identité juive de l’Etat d’Israël, il est donc grand temps que le débat électoral reviennent aux fondamentaux.

Alors qu’en France l’Assemblée Nationale vient d’entériner le fait que l’antisionisme est une nouvelle forme d’antisémitisme, combien de temps encore, comme un ami le faisait remarquer ces jours-ci, le parlement israélien, la Knesset, acceptera-il qu’y siègent des députés qui se font gloire de leur antisionisme et refusent d’assister à la cérémonie officielle d’intronisation des députés qui se fait sous le signe du drapeau bleu et blanc et de l’hymne national Hatikva ?

Le peuple d’Israël, dans son immense majorité, tient à la nature juive de son Etat. Il l’a chèrement payé et continue de le payer quotidiennement. Mais s’il ne veut pas s’en faire déposséder, il lui faudra recouvrer sa pleine souveraineté pour mettre en conformité avec cette nécessité vitale le système politique tout entier.

Bien que réussissant à se payer le luxe démocratique de la liberté de parole et d’organisation, rare dans un pays en guerre, et unique au Moyen Orient, Israël depuis sa renaissance en 1948 a dû se faire dans l’urgence, parant au plus pressé, d’une guerre à l’autre.

Lois fondamentales et non Constitution. Pouvoir exorbitant des juges. Couverture médiatique outrageusement partisane. Existence éphémère et émiettement des partis politiques. Indécision dans la manière de gérer le fiasco des ‘’Accords’’ d’Oslo. Permissivité excessive vis-à-vis de ceux qui refusent de plus en plus effrontément la nature juive de l’Etat. Imprécision du statut des minorités et de leur pouvoir (peut-on considérer de la  même manière les Druzes qui se veulent loyaux et donnent le sang de leurs enfants dans toutes les guerres et ceux qui se voulant ‘’palestiniens’’ ne condamnent jamais les actes terroristes visant des Juifs  quand ils ne s’en réjouissent pas ouvertement ?) Etc…Etc…

En un mot, grand et dangereux flou. Dont ne profitent que ceux qui, ainsi masqués, n’ont de cesse de saper les fondements d’Israël.

N’est-il pas grand temps d’y remédier ?

L’émiettement des partis a sans aucun doute été une des grandes forces d’Israël, permettant à tous d’avoir le sentiment d’être intégré, et fut la clé de son unité malgré le foisonnement de ses origines ethniques et de ses visions idéologiques. La réalité du monde arabe et musulman où alternent dictatures et guerres civiles en est bien une preuve supplémentaire à contrario.

Mais aujourd’hui, alors qu’Israël est devenu une puissance crainte, respectée, et même recherchée, la naissance d’un grand parti qui reflèterait la volonté de l’immense majorité de la population de maintenir Israël comme Etat juif – et non comme ‘’l’Etat de tous ses citoyens’’, prélude à sa disparition – me semble une exigence non-différable.

En tous cas seul un tel parti, et en toute démocratie, sera en mesure de remodeler le système politique et d’en être le levier.

Il aurait aussi pour conséquences de faire tomber les masques, de clarifier, de contribuer à mieux distinguer l’essentiel du secondaire, d’aller à la racine des fausses divergences qui masquent l’accord profond, existentiel, et aussi l’inverse, lorsque les fausses convergences n’ont d’autre but que l’avidité du pouvoir. Il aurait surtout le devoir et l’insigne honneur de refonder l’unité du peuple d’Israël.

Les mêmes causes ne pouvant mener qu’aux mêmes effets, ne serait-il pas bon de se souvenir que la scission du Royaume de Salomon en Royaume d’Israël et en Royaume de Judée, fut le prélude à la perte de toute souveraineté ?

Grande, nécessaire et vitale Réforme, qui réactualisera la Déclaration d’indépendance du 14 Mai 1948 en tenant compte de plus de 70 ans d’expérience, qui redonnera au peuple tout son pouvoir, et qui rétablira le pluralisme éditorial dans les médias.

L’agressivité internationale qu’elle soit ouvertement belliciste ou diplomatique, qu’elle provienne d’Etats ou ‘’d’ONG’’, fera tout pour en empêcher l’avènement. Et pourtant, parer aux menaces militaires et faire aboutir cette Réforme, sans aucun doute la plus importante des batailles, va de pair.

De toute manière, ce n’est pas la première fois qu’Israël aura à se battre sur plusieurs fronts. Et à s’imposer.

PS : Ayant déjà achevé cet article, j’apprends que Netanyaou vient de faire la proposition de laisser le peuple choisir directement son Premier ministre entre Gantz et lui, proposition aussitôt refusée par ce dernier, mais qui pourrait avoir la majorité de la Knesset. Après avoir expliqué au peuple d’Israël, que le seul véritable obstacle était Netanyaou, et personnalisé à l’extrême le débat électoral au détriment des questions fondamentales, Gantz est pris à son propre piège. Et  son refus de la nouvelle proposition de Netanyaou est pour le moins contradictoire après l’argumentation déployée depuis des mois. Si on comprend bien les 4 généraux, ils aimeraient bien se débarasser de Netanyaou, mais en faisant fi de l’avis du peuple. Absence de réalisme, peur du verdict populaire ou velléité dictatoriale ? Ou les trois à la fois ?

Jean-Pierre Lledo, cinéaste

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