Publié par Manuel Gomez le 9 décembre 2019

J’allais préparer un article sur la disparition d’Albert Camus, le 4 janvier 1960, mais je viens de prendre connaissance, sur le quotidien «The Guardian», d’un sujet consacré à un auteur italien, Giovanni Catelli concernant la parution de son livre intitulé «La mort de Camus»*.

Selon cet écrivain, Albert Camus aurait été «assassiné» par le KGB (comme idée farfelue, il est difficile de trouver mieux !) en représailles de sa rhétorique antisoviétique, et Catelli va même plus loin «une étude approfondie de certaines archives, révélées en 2011, suggérait que l’Etat français pourrait avoir encouragé cet accident de voiture, qui a tué Camus à l’âge de 46 ans.»

Catelli avait déjà diffusé cette théorie dans le journal «Corrièré della Sera» car il aurait découvert dans le journal du poète tchèque Jan Zabrana des textes suggérant que la mort de Camus n’était pas un accident.

Catelli a alors élargi ses recherches et, preuves à l’appui, publié son livre.

Il est vrai que certains «intellectuels» ne savent plus quoi inventer pour espérer atteindre une certaine notoriété et nombreux sont parmi eux ceux qui, hélas, sombrent dans le ridicule.

L’article de «The Guardian» cite également un autre «biographe» d’Albert Camus (Il en a eu tant !) Herbert Lottman qui, en 1978, expliquait : «L’accident semble avoir été causé par une éruption ou un essieu cassé» et, toujours selon lui, les experts avaient, à l’époque, étaient intrigués par le fait que «cet accident se soit produit sur un long tronçon de route droite et large, avec peu de trafic».

Là ou cela devient du plus haut comique, c’est lorsque Catelli apporte comme preuve, avec le plus grand sérieux, que le poète Zabrana expliquait «qu’un homme bien informé et bien connecté lui aurait dit que le KGB était à blâmer : «Ils ont équipé le pneu avec un outil qui l’a finalement percé lorsque la voiture roulait à grande vitesse.».

Cet homme, bien entendu, a refusé de citer ses sources, tout en affirmant qu’elles étaient complètement fiables (et, bien sûr, il nous faut le croire sur parole, n’est-ce pas, comme l’a, semble-t-il, fait Catelli ?)

L’ordre aurait été donné par Dmitri Shepilov, en personne, ministre des Affaires intérieures de l’URSS, et cela en représailles à un article d’Albert Camus publié en mai 1957 dans le journal français «Franc-Tireur». (Journal qui, à cette date, n’était plus lu par personne et a même disparu à la vente.)

Camus aurait ouvertement pris parti, dans cet article, pour le soulèvement hongrois de l’automne 1956 et aurait également soutenu publiquement l’auteur russe Boris Pasternak, considéré comme antisoviétique.

(Si le KGB avait dû exécuter tous les «intellectuels» du monde qui soutenaient le soulèvement hongrois et également ces mêmes intellectuels qui soutenaient Pasternak, Soljenitsyne, etc. cela aurait été une véritable hécatombe sur notre planète !)

D’autre-part, même techniquement cette affirmation est ridicule par son absurdité et sa naïveté : la «Facel Vega», dans laquelle se trouvait Camus, est partie de Lourmarin, dans le Vaucluse, pour rejoindre Paris, et avait parcouru plus de 800 kilomètres lors de l’accident, sur une route mouillée par la pluie, à Villeblevin, au nord de l’Yonne, après voir dépassé Sens.

Comment un objet quelconque, enfoncé dans l’un des pneus, aurait-il «patienté» autant de kilomètres, et autant de temps, pour percer le dit pneu ? (En général, quand cela se produit, organisé par des voleurs, le pneu se dégonfle ou éclate dans les dix kilomètres suivants pour permettre, au véhicule des voleurs qui le suit, de le rejoindre et qu’ils puissent dérober les sacs à l’intérieur, sous prétexte d’aider).

Si réellement le KGB avait souhaité «se débarrasser» de Camus, il avait l’expérience et bien des moyens plus simples à utiliser.

Catelli implique l’avocat Jacques Vergès dans ses élucubrations. Un avocat italien de ses amis, Maître Spazzali, lui aurait confié que Maître Vergès lui aurait affirmé que «cet accident été une mise en scène» mais qu’il a refusé de lui communiquer les preuves qu’il détenait, bien évidemment, mais que, toujours selon Vergès, «il s’agissait bien d’un accident planifié par le KGB avec l’aval des services secrets de renseignement français et qu’aucune enquête appropriée n’avait été menée».

Ce qui est, évidemment, totalement faux et ridicule.

Comment veut-il nous faire croire une seule seconde que la mort accidentelle du prix Nobel de littérature, Albert Camus, n’ait pas été concernée par une enquête des plus sérieuses de la gendarmerie nationale, en présence de toute la presse, y compris votre serviteur.

L’enquête a démontré que le pneu arrière gauche avait éclaté et que le véhicule, qui roulait à 150 km/heure, avait dérapé. Il était 14 h 15, sur la RN 5 (aujourd’hui la D606) mouillée par la pluie et, à son bord, également la femme et la fille de Michel Gallimard.

J’ai eu l’occasion, à l’époque, d’interviewer personnellement le garagiste de Lourmarin qui entretenait régulièrement la Facel Vega, il m’a affirmé avoir, à plusieurs reprises, prévenu Michel Gallimard qu’il était urgent de changer les quatre pneus qui étaient bien lisses.

J’étais en compagnie d’Albert Camus quelques jours avant son départ de Paris pour rejoindre Lourmarin et y passer les fêtes et nous avions rendez-vous dès son retour, en janvier, car il devait me confier un article sur l’Algérie.

Si un «assassinat politique» avait du réduire au silence Albert Camus, à l’âge de 47 ans, ce n’est certainement pas le KGB, pour des articles concernant l’URSS mais bien davantage sur ses positions connues contre l’indépendance de l’Algérie et la politique de De Gaulle.

Ce qui, bien sûr, n’a pas été le cas.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.

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