Publié par Maurice Saliba le 12 décembre 2019

Dans un article, publié le 3.7.2019, sur le site ahewar.org, l’écrivain et militant politique marocain, Ahmed ASSID, fait le point sur le précepte coranique qui incite à discipliner la femme en ayant même recours à la violence. Il tente de clarifier l’enjeu de ce débat qui a provoqué différentes instances islamiques au cours de cette année.

Les pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient sont les contrées de la bouffonnerie et de la risée, exactement comme le grand poète arabe Al-Mutanabbi (915-965) avait décrit l’Égypte, il y a déjà dix siècles : « Que de choses bouffonnes trouve-t-on en Égypte mais qui ressemblent à des larmes. »

En 2019, les habitants de cette région du monde se demandent toujours si battre les femmes par un homme est autorisé ou non. Ils s’interrogent également à propos des conditions qui nécessitent le recours à la violence et de quelle manière. Ils s’ingénient même dans la description de ses formes et de son encadrement. Lorsque les mouvements sociaux-démocrates exigent la fin de la violence à l’égard des femmes, les musulmans se trouvent forcés à se battre pour mettre en place des barrières destinées à innocenter les hommes et à les déculpabiliser. Même si un parlement adopte une loi assez avancée pour criminaliser la violence à l’égard des femmes, comme ce fut le cas récemment en Algérie, « les gardiens du temple de l’islam » se mobilisent et dénoncent « une loi incompatible avec le Coran et la charia islamique ». Ils craignent que les nouvelles modifications législatives dépassent ou suppriment les « règles » fixées par la charia pour battre les femmes. Ils interviennent avec force pour éviter que ces modifications ne deviennent trop tolérantes et n’obligent pas les hommes à renoncer à leur propre droit.

Pour cette raison, les méchants imams ou prédicateurs de l’ignorance s’insurgent. Ils entraînent derrière eux les hordes de foules endémiques pour défendre le droit des hommes, leurs privilèges, leur autorité ainsi que leur supériorité sur les femmes « qu’Allah leur a accordés ». Ils signent et persistent : « Les hommes ne peuvent pas modifier ce qu’Allah a décidé. »

Pour élucider ce malentendu, l’imam d’al-Azhar, qui se qualifie de « modéré », intervient. Il souligne – mais avec quel toupet – que le fait de frapper la femme n’a rien à faire avec « le concept violent bien connu ». Il s’agit « de lui administrer un petit coup doux, agréable, accompagné d’affection, d’amour et de respect ». Ah ! Quel romantisme ! Et l’objectif de tout cela, ajoute-t-il, « c’est pour éduquer, discipliner et pas agresser ». De qui se moque-il ce prestidigitateur charlatan ?

Ahmed Rissouni, un autre « docteur ès charia » et imam marocain, écrit la même chose. Il manipule les phrases pour nous dire à la fin d’un article que le fait de battre les femmes ne signifie pas, selon le précepte du Coran, ce qu’on appelle maintenant « la violence contre les femmes ». Puis il ajoute : « Ceux qui pensent ainsi ne comprennent pas l’islam ». Seuls, lui et l’imam d’al-Azhar, doués d’une intelligence rare, l’ont, semble-t-il, certainement compris.

Notre imam marocain déclare, à l’instar de son maître égyptien d’al-Azhar, que l’homme doit battre sa femme dans le respect total « des règles et des conditions conformes à la charia ». Ce qui veut dire, « qu’il ne doit pas casser un os, ni abimer la chair, mais éviter le visage et les endroits fatals ». Il doit cibler les parties souples du corps, là où on ne risque pas de casser un os.

Selon ces « vénérables dignitaires », la sagesse divine n’a pas proposé le fait de battre les femmes comme solution en premier lieu, mais comme un moyen de recours en troisième lieu juste après avoir épuisé la « prédication » et la « désertion au lit ». Allah a conditionné ce précepte avec le « Nouchouz », c’est -à-dire « lorsque la femme viole ses devoirs conjugaux » et « que l’homme craint ce délit et s’en inquiète ».

Le terme « Nouchouz » signifie pour « ces doctes ès sciences islamiques », la « désobéissance », le comportement hautain de la femme face à son mari, le fait de lever sa tête devant lui, le contrarier s’il parle, lui répliquer avec insolence, « s’abstenir de respecter son droit » dans le domaine sexuel ou autre. Ce terme inclut également, le « ralentissement » et la « lourdeur» dans la mise en œuvre des ordres de l’homme, puisqu’il est du devoir de l’épouse de les respecter ou plutôt de les exécuter comme une esclave.

Donc, le « Nouchouz de la femme », sa « désobéissance » serait, à la lumière de notre culture contemporaine, son droit d’avoir une personnalité indépendante de l’homme et d’exprimer librement son opinion. Or, une telle indépendance demeure répréhensible pour « les gardiens du temple de l’islam » conformément à la charia. Pour eux, « l’obéissance à l’homme » est un devoir qu’Allah impose à la femme, comme il incombe à l’homme de la « discipliner ». Ces doctes de l’islam font également savoir que même si un jour, par exemple, la femme n’a pas envie de coucher avec son mari en raison de mauvais traitements qu’elle a subis de sa part, elle doit obligatoirement et conformément à la charia lui obéir, satisfaire ses désirs et se soumettre à sa volonté.

Face à ces aberrations inadmissibles, nous posons à tous nos doctes et imams associés, ainsi qu’à toutes les instances judiciaires concernées, quelques questions simples : Qu’en est-il de l’homme hautain qui lève sa tête devant sa femme, lui montre sa supériorité, conteste toute parole qu’elle prononce, l’insulte, elle et sa famille en privé comme en public, traîne et néglige ses obligations familiales, quelle punition lui prévoit notre « moyenâgeuse » charia islamique ?

Qui a le droit de punir l’homme lorsqu’il abuse de son épouse et s’abstient de lui faire l’amour lorsqu’elle en a envie ?

Comment cette charia, dite juste et divine, prescrit-elle un châtiment pour les femmes et ne prévoit aucune sanction à l’encontre de l’homme qui commet les mêmes actes pour lesquels les femmes sont punies par la violence ? Est-ce la charia d’Allah qui prétend être juste ?

Les doctes et les imams ne répondront jamais à ces questions. Ils vont s’enfoncer plutôt dans l’euphorie oratoire et la rhétorique démagogique classique propre à leur mécanisme de défense. Car la pensée religieuse masculine en islam est basée sur la considération de la femme comme une simple « pièce jointe » à l’homme, en tant que personne mineure, déficiente mentale et religieuse, et toujours sous tutelle.

L’homme en islam est innocent et ne commet pas d’erreur. Il n’assume, selon la charia d’Allah, aucune responsabilité s’il déserte son épouse au lit, la bat ou la violente. Dans ce cas, la femme n’a même pas le droit de sermonner son mari, ni de lui prodiguer des conseils quand il use de sa violence.

Les gens qui entendent leur voisin frapper sa femme qui crie, hurle et appelle au secours, ne se précipitent jamais pour la sauver, ni du moins pour la défendre. Ces scènes de ménage sont pour eux une affaire « intime ou privée » entre l’homme et sa femme. Elle ne concerne personne d’autre.

Comment une telle idéologie peut-elle encore survivre de nos jours ? Nos dignitaires religieux n’ont-ils pas honte d’eux-mêmes ? Ils doivent reconnaitre qu’une grande partie de ce qui est mentionné dans les textes présumés « sacrés » ou « révélés », contredit la raison, la science, la dignité humaine et la vérité.

Dans mon pays le Maroc, la violence conjugale contre les femmes représente 55% du pourcentage globale. Tolérer cette violence et le viol conjugal pour les raisons déjà évoquées, signifie occulter son taux élevé et accorder une forme d’immunité aux hommes qui agressent leurs femmes pour des raisons absolument inacceptables.

Les associations féministes ont mis en place des centres d’écoute pour permettre aux femmes de s’exprimer, de briser leur silence meurtrier et de les accompagner vers des procédures légales leur permettant de se protéger de la violence conjugale et des abus qui dépassent les limites de la tolérance et du raisonnable.

En revanche, les associations islamistes ont créé à leur tour des centres d’écoute pour les femmes battues mais d’un autre genre. Leur but est d’exhorter les femmes à « demeurer patientes », « obéissantes », à prier, à accomplir leurs devoirs religieux et à « sauver la cohésion et la stabilité de la famille », bien sûr au grand dam de leur dignité et de leur intégrité physique.

Dans notre royaume chérifien, les juges et la police continuent toujours à traiter les plaignantes comme le font leurs maris. Par contre, dans les pays démocratiques, les hommes qui battent leurs femmes sont traités comme des criminels. Leur acte est répréhensible et punissable. Personne ne vient devant le tribunal avec des textes bibliques pour masquer ou justifier un comportement honteux.

En Allemagne, une Marocaine a déposé une plainte devant un tribunal contre son mari marocain qui la battait. Mais celui-ci, comme au bled, a refusé d’arrêter les violences brutales à l’encontre de son épouse ; il a écopé, par conséquent, un mois de prison ferme. Lors d’une visite du couple au Maroc, le mari réussit à soudoyer les services de sécurité pour se venger de son épouse. Dès leur arrivée au bled, cette dernière est arrêtée par la police en raison d’accusations forgées de toutes pièces. Elle passe trois mois en prison et parvient à se sauver et à rentrer à Berlin grâce à sa nationalité allemande.

Cet incident reflète quelque chose de fondamental. Il montre que l’homme musulman n’accepte pas d’être contraint de cesser de battre sa femme, ni d’être pénalisé à cause de ce droit qu’il considère légal, licite et divin. Et si on le sanctionne, il fera n’importe quoi pour se venger. Ne pouvant pas passer à l’acte dans un État de droit occidental, il recourt aux méthodes les plus méprisables dans son pays d’origine pour humilier son épouse et se venger.

Les doctes et les imams cachent toujours cette triste et ignoble réalité. Ils utilisent une pléthore de discours qui regorgent d’affabulations et d’ergotage, afin de maintenir en vigueur une situation aberrante et perverse, même dans les pays occidentaux.

Maurice Saliba[1]

[1]Maurice Saliba (Préface d’Henri BOULAD), auteur de L’islam mis à nu par les siens. Anthologie d’auteurs arabophones post 2001. Éditions Riposte Laïque, 2019.

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