Jérôme de Stridon (347-420) a joué un rôle historique essentiel dans la popularisation de la Bible. Il est né en Pannonie (près de la Slovénie et de la Croatie actuelles) au sein d’une famille chrétienne aisée.
Selon les usages de l’époque, il n’est pas baptisé à la naissance mais reçoit le statut de catéchumène. Il recevra le baptême à l’âge de 19 ans en réponse à un songe lui ouvrant des perspectives spirituelles motivantes.
Il poursuit ses études à Rome dès l’adolescence, où il se lie d’amitié avec Rufin d’Aquilée et Héliodore d’Altino. Il étudie la grammaire, l’astronomie et la littérature de Virgile et Cicéron. Il suit des cours de rhétorique et de philosophie. Après l’étape du baptême, Jérôme se rend à Trèves, en Rhénanie, région barbare. C’est là qu’il prend goût à la recherche théologique en recopiant le commentaire d’Hilaire de Poitiers sur les Psaumes. Attiré par la vie monastique, il prend ses distances avec sa famille et décide de consacrer sa vie à Dieu.
Avec quelques amis chrétiens, Jérôme se rend en Syrie où les attendent de graves épreuves de santé. Jérôme entend un appel intérieur à approfondir son christianisme et à délaisser les connaissances trop profanes. Passionné par la lecture de la Bible, il enseigne à Antioche, ayant pour élèves un groupe de femmes. Il étudie les écrits de Tertullien, Cyprien de Carthage et Hilaire de Poitiers. Puis Jérôme s’installe en ascète dans le désert, en s’imposant une vie simplifiée à l’extrême. En contact avec un moine juif converti, il s’initie à la langue hébraïque et noue des relations avec quelques autres érudits juifs.
Il s’intéresse à « l’évangile des Hébreux », source de l’évangile selon St Matthieu. Il commence à écrire des commentaires bibliques. Et accompagné par un maître juif, il apprend l’hébreu.
Devenez “lecteur premium”, pour avoir accès à une navigation sans publicité, et nous soutenir financièrement pour continuer de défendre vos idées !
En tant que lecteur premium, vous pouvez également participer à la discussion et publier des commentaires.
De retour à Antioche, Jérôme est ordonné prêtre en 379, puis il se rend à Constantinople pour poursuivre sa recherche sur les Ecritures saintes sous la supervision de Grégoire de Nazianze. Il est confronté aux débats entre promoteurs et adversaires de la théologie du Concile de Nicée sur la nature du Christ. Marqué par les textes d’Origène, Jérôme approfondit sa méthode d’exégèse de la Bible en comparant symboliquement les interprétations hébraïques, latines et grecques.
C’est alors que Jérôme revient à Rome pour quelques années. En lien avec le pape Damase et les dirigeants de l’Eglise, il participe au concile de Rome en 382. Il sert d’interprète en grec et latin pour faciliter les échanges et devient conseiller du pape.
Le pape le questionne sur des passages bibliques et Jérôme insiste alors sur la nécessité d’intégrer les aspects historiques des Ecritures pour comprendre le message spirituel qu’elles délivrent. A la demande du pape Damase, Jérôme révise le texte de la Bible latine, car des divergences existent entre les différentes versions de la Vetus Latina qui circulent en Occident.
Durant ces années passées à Rome, Jérôme est entouré d’un cercle de femmes cultivées issues de familles aristocratiques, comme Marcella et Paula accompagnées de leurs filles Blaesilla et Eustochium. Sa démarche est novatrice car il souhaite donner une dimension spirituelle reconnue à des femmes chrétiennes engagées. Il fait donc la promotion du statut de femme consacrée. Il écrit une lettre pédagogique vite diffusée : « Rien n’est difficile pour qui aime…Si tu es attirée par quelque objet fastueux, déplace ton centre d’intérêt vers le paradis…sois déjà ici-bas ce que tu seras là-haut ! » Cette invitation au détachement connaît un certain succès mais suscite l’opposition au sein du clergé de Rome. Jérôme critique la cupidité des évêques et des prêtres en poste et qualifie leurs mœurs de païens, ce qui ne lui crée pas que des amis.
Après la mort du pape Damase en 384, et l’opposition qui se déchaîne, Jérôme est dans l’obligation de quitter Rome. Il se dirige vers Jérusalem accompagné de son frère Paulianus et de quelques disciples, dont Paula et Eustochium prêtes à laisser derrière elles les milieux patriciens. Le groupe visite pieusement Jérusalem, Bethlehem et les lieux saints. Ils y rencontrent Rufin d’Aquilée et Mélanie qui vivent dans des monastères une vie consacrée.
En 386, Jérôme s’installe à Bethlehem où il fonde une communauté. Grâce à l’aide financière de Paula, il développe un centre d’accueil et de formation spirituelle pour les pèlerins. Paula dirige le monastère des femmes et Jérôme celui des hommes. La Bible étant placée au centre de la vie de la communauté, Jérôme offre à chaque groupe des explications détaillées sur les Ecritures. « Aime les Saintes Ecritures, et la Sagesse t’aimera ! », telle est sa devise.
C’est alors qu’à Bethlehem, Jérôme perfectionne sa connaissance de l’hébreu grâce aux enseignements du rabbin Bar Anima. A la bibliothèque de Césarée, il étudie la Bible en grec et en hébreu. Il traduit les psaumes en latin. Face à la théologie de Marcion qui réfute la validité du Premier Testament, Jérôme montre l’impasse de cette posture grâce à des commentaires bibliques de Michée, de Sophonie, d’Aggée et de Habacuc, en soulignant l’unicité du Dieu du Premier et du Nouveau Testament.
A la demande du monastère des femmes, Jérôme traduit les 39 homélies d’Origène et fait la critique d’Ambroise de Milan dont les erreurs de traduction l’incommodent. Afin de mieux rendre la tonalité exacte des passages de la Bible, Jérôme utilise l’hébreu ainsi que des traductions de rabbins. Ce qui est tout à fait nouveau puisque jusqu’à présent, le christianisme n’utilisait que la version grecque de la Septante.
Il se met à l’étude du théologien juif Philon d’Alexandrie et écrit une présentation « Sur les hommes illustres ».
Son tempérament passionné vaut à Jérôme des critiques acerbes. Ainsi, lorsqu’il dénonce le mode de vie relâché de certains moines, de solides inimitiés se font jour contre lui. Palladios, ami de jean Chrysostome, le critique sévèrement en le décrivant comme caractériel. Ce qui n’empêche pas Jérôme de poursuivre sa traduction de la Bible, tout en se distançant des interprétations d’Origène. Il fait un mea culpa révélateur de sa nouvelle approche : « Je dois me faire pardonner d’avoir dans ma jeunesse interprété allégoriquement les Saintes Ecritures alors que j’en ignorais le sens historique ».
Jérôme traduit les textes à partir d’un original hébreu proche de la version massorétique.
Il précise un peu plus tard son approche respectueuse du texte biblique : « L’interprétation spirituelle doit rester conforme à la vérité historique, car l’ignorance fait tomber beaucoup d’interprètes dans l’aveuglement ! »
Sa conclusion est qu’ « ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ ! »
Jérôme défend à la manière juive les différentes possibilités de traduction qui permettent d’enrichir la lecture d’un texte biblique. C’est à cette période que Jérôme traduit la Bible en s’appuyant sur l’hébreu. Chacune de ses préfaces prend la défense de la langue hébraïque en réponse à ses détracteurs partisans de la Septante.
Ces travaux déterminants dans l’histoire de l’Eglise suscitent l’intérêt de l’évêque d’Hippone, Augustin. Augustin correspond avec Jérôme, mais en disqualifiant une traduction qui se ferait sur des bases hébraïques.
En 406, l’évêque de Toulouse lui demande son avis sur la doctrine diffusée par le prêtre Vigilance qui refuse le culte des martyrs de la foi et s’oppose au célibat consacré à Dieu. Jérôme répond que les témoins morts sont spécialement unis à Dieu et intercèdent pour les vivants. Et il réitère la valeur qu’il donne au célibat consacré comme attestation de l’attente du royaume de Dieu.
Lorsque les Wisigoths saccagent la ville de Rome en 410, des amis de Jérôme sont tués et il en est très affecté. Jérôme meurt en 419 à Bethlehem. Ses restes d’abord inhumés à Jérusalem sont transférés à Rome lors des invasions musulmanes en Palestine.
On retiendra du travail de Jérôme le lien inséparable qu’il établit entre le sens historique et la dimension spirituelle d’un texte biblique, sa proximité des méthodes rabbiniques montre son souci de respecter la « Veritas hebraïca » dans sa traduction. C’est au concile de Trente au 16ème siècle que la version latine de Jérôme appelée « Vulgate » est officiellement approuvée et recommandée comme authentique. L’usage de la Vulgate ne s’est généralisé qu’à partir du 9ème siècle en parallèle des copies de la Vetus Latina.
En 1454, le premier livre imprimé par Gutenberg est la Vulgate de St Jérôme (édition 14ème siècle).
Une de ses réflexions : « Le vrai temple du Christ, c’est l’âme du croyant, c’est elle qui mérite d’être comblée de présents. A quoi cela sert-il de voir des murailles rutilantes de pierres précieuses si le Christ, en la personne d’un pauvre, meurt de faim ? »
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
Abonnez-vous sans tarder à notre chaîne Telegram, pour le cas où Dreuz soit censuré, ou son accès coupé. Cliquez ici : Dreuz.Info.Telegram.
@ ARA
Mr Arbez, ce que vous ne dites pas c’est que votre ami Jérôme a introduit la « Théologie du Remplacement » qui enseigne que l’Église a remplacé Israël dans le programme divin. Du fait qu’Israël a rejeté Jésus comme son Messie, Dieu aurait remplacé Israël par l’Église. Dès lors Israël n’aurait plus d’avenir dans le programme divin ; les promesses que Dieu a faites à Israël seraient accomplies dans l’Église, à quoi on parvient en les «spiritualisant».
Augustin, Jérôme et Jean Chrysostome (tous dits “saint”) ont suivi cette voie.
Dans la mesure où l’Église, après la période apostolique, a cherché à s’installer comme une puissance dominatrice sur la terre, elle est forcément entrée en concurrence et en conflit avec les Juifs et Israël, qu’elle a tenu pour des ennemis. Si l’apôtre Paul qualifie les Juifs d’ennemis, c’est quant à l’Évangile (que les Juifs rejettent), mais Paul, lui-même, qualifie les Juifs de bien-aimés à cause des patriarches (Ro.11:28).
L’introduction de cette théologie du Remplacement s’explique, pour faire court, par le rejet de l’inspiration verbale (littérale) de la Parole de Dieu et des prophéties qu’elle contient ; lesquelles annoncent le rétablissement futur d’Israël et d’autre part, par une mauvaise compréhension du plan de Dieu en rapport avec la terre et Israël, et du plan de Dieu en rapport avec le ciel et l’Église.
Les promesses concernant Israël dans l’A.T. n’ont pas à être spiritualisées ; elles sont pour la terre et ne concernent pas l’Église; elles s’accompliront, car pas un iota des paroles de Dieu ne passera sans être accompli.
L’Église n’a pas à chercher une quelconque autorité ou puissance sur la terre : ce n’est pas son rôle. Son espérance est céleste comme Jésus l’a dit aux disciples juste avant sa mort.
Les conséquences de cette idée du Remplacement ont développé rapidement l’antisémitisme au cours des siècles.
Si aujourd’hui, nous voulons qu’il n’y ait pas d’antisémitisme dans l’Église, il faut que celle-ci s’occupe de ses affaires, c’est-à-dire son espérance céleste et s’en tienne de très près à ce que dit la Bible.
NB. Je sais vos bonnes relations avec tous nos amis Juifs.
Cher Père ARBEZ,
On ne peut qu’ approuver la sévérité qui se dégage du commentaire ci dessus : pour rappel “Et antiquum documentum novo cedat ritui” (à la suite du ‘tantum ergo’) qu’il souligne…
En prenant à nouveau des distances avec le message initial (celui de l’A.T) par son adaptation ‘électoraliste’ à l’évolution sociétale ( comme admettre l’homosexualité au sein des baptisés), l’Eglise catholique actuelle tombe à nouveau dans son antique travers…auquel vont heureusement remédier les initiatives épiscopales qui se multiplient ces jours ci…
Evidemment que toute posture délégitimant Israël est condamnable. Ces courants se sont développés dès le 2ème s. dans des tensions intercommunautaires.
Mais le travail de Jérôme ne peut se résumer à la conceptualisation postérieure de cette dérive, et tout le positif de son action mérite d’être reconnu. Je crois que l’Eglise a assez clairement dénoncé la fausse théologie de la substitution et qu’aujourd’hui les choses sont claires. On ne peut juger les postures d’il y a 1950 ans avec les critères éclairés d’aujourd’hui, même s’il est clair qu’il s’agissait d’une interprétation fallacieuse qui, en tout cas, n’a jamais été érigée en dogme.
Cela dit, les promesses faites à Israël ont une portée spirituelle qui concerne aussi l’Eglise, les témoignages du 1er testament se répercutent aussi dans la vie de l’Eglise.