Publié par Gilles William Goldnadel le 27 janvier 2020

L’avocat et chroniqueur dénonce les propos tenus par Emmanuel Macron au sujet de la mémoire de la guerre d’Algérie, qu’il juge «irresponsables».

Tandis que De Gaulle volait vers l’Orient avec des idées simples, son lointain successeur, de retour d’Israël, volait vers l’Occident avec des idées stupéfiantes. Voilà en effet qu’Emmanuel Macron déclarait dans l’avion qui le ramenait à Paris à des journalistes du Figaro que le traitement mémoriel de la guerre d’Algérie «aurait le statut que celui qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995».

Il y a d’abord l’incongruité entre Auschwitz et Alger. Il y a ensuite la malédiction qui pèse sur un jeune président pourtant intelligent et attachant qui ne peut s’empêcher ce genre d’obscénités.

Le martyrologe juif est unilatéral.

D’abord l’incongruité. Les juifs étaient des victimes absolues, innocentes et sans défense. La police française en collaborant à leur déportation avec l’envahisseur nazi s’est déshonorée. On peut toujours gloser sur la repentance chiraquienne entraînant la France dans la responsabilité de l’État de Vichy, mais le martyrologe juif est unilatéral.

L’armée française a commis des crimes de guerre en Algérie, mais le FLN algérien largement tout autant. Lorsque le candidat Macron déclarait, en terre algérienne, que la France y aurait commis «des crimes contre l’humanité» traçant déjà un lien avec les crimes de Nuremberg et oubliant au passage le massacre et la torture de civils et de soldats français en terre algérienne, il était déjà dans l’obscénité. Raison pourquoi, la principale organisation de pieds -noirs m’a demandé de le lui demander raison judiciairement. La procédure en cours est suspendue en raison de l’immunité attachée à sa fonction.

Cette malédiction du « en même temps  » qui pèse constamment sur le jeune président.

Dans le même esprit d’iniquité, lorsque le président rend visite à la famille de Maurice Audin, militant communiste mort sans doute sous la torture, mais n’a pas un mot pour le massacre d’Oran où des milliers de Français ont été assassinés alors même que l’Algérie avait obtenu son indépendance, il montre une stupéfiante incompréhension du drame algérien. Le comparer ensuite avec le drame juif incomparable c’est tracer une parallèle effectivement obscène sinon une diagonale du fou.

J’en viens précisément à cette malédiction du «en même temps» qui pèse constamment sur le jeune président. Je ne compte plus les articles où je le compare à cette chauve-souris de la fable («je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vive les rats!») qui veut complaire à tout le monde et fini par déplaire à chacun. Mondialiste le lundi soir, feignant de lutter contre l’immigration le mercredi matin, de gauche l’été et de droite en hiver.

C’est ainsi que son voyage en Israël s’est déroulé dans de bonnes conditions et que le président avait su trouver les mots justes pour expliquer combien la détestation obsessionnelle Israël (qui ne se confond évidemment pas avec la critique éventuelle de son gouvernement) est consubstantielle de l’antisémitisme moderne. Il avait également montré à Yad Vashem une compassion qui n’avait rien de feinte. Vint alors sa sortie théâtrale à l’encontre de la police israélienne à l’église Sainte-Anne.

Je ne veux pas parler de la légitimité juridique de celle-ci, l’église étant propriété française centenaire et les autorités locales n’ayant rien à y faire sauf requête spéciale. Je questionne la forme de l’intervention présidentielle auprès des policiers. Dans les mêmes termes que Jacques Chirac, mais en plus policé. Dans la langue de Shakespeare mais avec l’accent de Maurice Chevalier alors même que j’envie l’anglais de Manhattan du bon élève. Comme si, au moins dans l’inconscient présidentiel, par une sorte de fulgurance venue de je ne sais où, il fallait, en même temps, se concilier la rue arabe à Jérusalem mais peut-être aussi à Saint Denis. Comme si encore, une inconsciente envie de Jacques Chirac, populaire au moins à titre posthume, avait saisi ce jeune président mal-aimé. Raison pourquoi encore, dans l’avion du retour, cette envie de Chirac l’avait conduit à cette comparaison littéralement délirante.

On m’en voudra peut-être d’être davantage ici dans la psychologie que dans la politique, mais il est des étranges comportements qui heurtent la raison politique et même le bon sens. Une vidéo circule sur les réseaux sociaux où le jeune président questionné par je ne sais quel courtisan prend la pose inspirée du poète philosophe pour expliquer que sa présidence relève de la transcendance. On aimerait qu’il ne s’agisse que d’une pose d’acteur. Mais au-delà de la posture qui frôle l’imposture. Je scrute Narcisse et je questionne Écho.

Retour pour finir sur la parallèle obscène. Je pardonne au président d’avoir désacralisé la Shoah. Elle n’a pour moi rien de sacré. Elle n’est que l’horreur personnifiée et seul le deuil pudique me console en même temps que ces survivants d’Israël qui vivent dans la dignité retrouvée. Mais j’ai du mal à excuser la sottise d’un homme intelligent qui ne comprend pas que la détestation des Français dans certains quartiers d’origine algérienne puise précisément sa force à la source du ressentiment contre une France et des Français présentés comme des bourreaux génocidaires. C’est bien par ce que des Français irresponsables ont entretenu constamment ce sentiment de culpabilité indue, que de jeunes Algériens de bonne foi y ont cru, car rien n’est plus facile que de se persuader que l’on est une victime. Le racisme antifrançais est né dans cette construction pathologique d’un Dupont- la- joie tortionnaire et raciste.

Que le premier responsable du pays se conduise de manière aussi irresponsable demeure pour moi une énigme.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié dans Figaro Vox.

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