Publié par Maurice Saliba le 6 février 2020
Tawfik Hamid

Tawfik Hamid est un ancien membre de l’organisation terroriste islamiste Jamaa Islamiya. Médecin d’origine égyptienne, il vit aux États-Unis et milite pour une réforme de l’islam. Il avait publié le 7 décembre 2017 cet article en arabe sur le site de la télé Al-Hurra (La Libre), dans la rubrique « Sous un autre angle ». Voici sa traduction par Maurice Saliba.

L’annonce du président Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël et d’y transférer l’ambassade des États-Unis fut un choc, bien que pressenti par beaucoup dans le monde arabe et islamique. Ce fut un « choc » pour eux, car ils n’avaient jamais vu un président américain tenir son engagement sur cette question. En même temps c’était un choc « attendu », car l’administration américaine avait déjà clairement exprimé son intention de prendre cette décision historique.

Quant aux musulmans, ils croient que Jérusalem est islamique, parce que le Messager (Mahomet) l’a visitée au début de l’islam dans un rêve (un voyage nocturne dit al-isrâ’ wal-mi’raj). Ils croient également – comme ils disent toujours – que le « troisième sanctuaire », la mosquée al-Aqsa, s’y trouve, étant donné que le premier sanctuaire est la Mosquée de la Mecque et le deuxième est celui du Messager (Médine).

À cet égard, les gens sérieux devraient poser plusieurs questions concernant Jérusalem et la relation du monde islamique avec cette ville.

Première question : pourquoi Jérusalem n’a-t-elle jamais été mentionnée dans le Coran pour être considérée comme un des sanctuaires religieux de l’islam ? Par contre, le nom de La Mecque s’y trouve : « C’est lui qui vous a épargné, comme à vos ennemis, les coups que vous pouviez vous porter les uns aux autres dans la vallée de La Mecque » (48.24). Même le nom de la localité qui est connue aujourd’hui sous le nom de Médine y est cité sous son nom d’origine Yathrib. « Et qu’au même moment, un groupe d’entre eux dit : ‘Ô gens de Yathrib !’ » (33.13). Par conséquent, il n’est pas surprenant de voir les musulmans considérer La Mecque et Yathrib comme villes saintes. Mais comment peuvent-ils considérer également Jérusalem comme ville sainte, alors qu’elle n’a pas été mentionnée une seule fois dans le livre d’Allah ? Est-ce raisonnable ?

Deuxième question : Qui vivait à Jérusalem au moment de l’avènement dudit « voyage nocturne » de Mahomet ? Ses habitants ne pouvaient pas être des musulmans, parce que l’islam, comme on le sait aujourd’hui d’un point de vue historique, n’avait pas encore atteint cette région. ‘Umar Ibn Al-Khattab l’a conquise quelques années après la mort de Mahomet, selon les chroniques islamiques qui situent l’invasion de Jérusalem ou plutôt la soi-disant « sa conquête » en l’an 637 de l’ère chrétienne (l’année 16 de l’hégire). Elle a commencé lorsque l’armée des musulmans, sous la direction d’Abû `Ubayda ibn al-Jarrâh, l’a assiégée au mois de Shawwal, qui correspondait au mois de Novembre 636 de l’ère chrétienne. Six mois plus tard, le patriarche Sophronios [Sophrone de Jérusalem, patriarche de la ville de 634 à 638] avait accepté sa reddition.

Ce qui veut dire qu’au moment du présumé « Voyage nocturne » durant lequel Mahomet serait rendu à la mosquée Al-Aqsa (la mosquée la plus lointaine), il n’y avait pas de musulmans à Jérusalem, mais des chrétiens et des juifs. Pour cette raison, l’on peut se demander comment appelle-t-on la « Mosquée al-Aqsa » comme mosquée alors qu’il n’y avait pas des musulmans à Jérusalem pour y faire des prières ? [De plus, Peu de temps avant sa mort, le patriarche Sophrone de Jérusalem avait obtenu du calife Omar qu’il rentre dans la cité sainte en pèlerin et non en conquérant, promesse que ce dernier n’a pas tenue.]

La clarification de ce phénomène se trouve dans le Coran lui-même. Ce livre utilise le terme « mosquée » pour tout lieu où le culte et la prosternation sont rendus à Allah le Très Haut. Cela signifie que le mot « mosquée » n’est pas un monopole propre à la religion islamique comme beaucoup le pensent. En réalité, il désigne tout lieu où on se prosterne pour adorer Dieu dans n’importe quelle religion céleste. Dans le récit des « Gens de la Caverne » par exemple [Coran sourate 18, El Kahf, « La Caverne »], connu il y a plus de deux mille ans, c’est-à-dire plusieurs siècles avant la naissance du Messager de l’islam, le Coran a utilisé le terme « mosquée » pour décrire un lieu de culte, un sanctuaire que les gens voulaient construire autour des gens de la caverne. « Ceux dont l’avis l’emporta dirent : Élevons sur eux une mosquée » (18.21).

Troisième question : Est-ce que « le droit des musulmans » sur Jérusalem est-il basé sur la vision du Messager ou sur son déplacement au cours de son soi-disant « voyage nocturne » mentionné dans le Coran ? « Gloire à celui qui fit voyager de nuit « son serviteur de la mosquée sacrée (d’Al-Haram) à la mosquée la plus éloignée » (Coran 17.1). Dans ce cas que dire si la communauté des Bahaïs disait aux musulmans que leur prophète a visité La Mecque dans ses rêves ?

Quatrième question : Que feront les musulmans des versets coraniques qui parlent de « la Terre Sainte », celle qu’on appelle historiquement la terre de Palestine ?

« Ô mon peuple, entrez dans la Terre Sainte que Dieu vous a assignée » (5.21).

« Ô Enfants d’Israël ! Nous vous avons délivré de votre ennemi et nous vous avons donné rendez-vous sur le versant droit (du mont Sinaï) » (20.80). Le versant droit signifie le plus généreux ou le plus béni » (20.80).

« Nous avons donné en héritage aux gens qui étaient naguère opprimés les contrées orientales et occidentales de la terre que nous avons bénies. Et la très belle promesse de ton Seigneur sur les enfants d’Israël s’accomplit pour prix de leur endurance » (7.137).

« Ainsi en fut-il. Et nous avons donné tout cela en héritage aux enfants d’Israël (6.59) ».

Cinquième question : Comment l’expression « le troisième des deux lieux sacrés » [deux mosquées ou deux sanctuaires : La Mecque et Médine] est-elle utilisée, puisqu’il ne peut y avoir qu’un premier ou un second des deux lieux sacrés ? L’expression utilisée ici est une erreur. On aurait pu dire « le troisième des lieux sacrés ou le troisième sanctuaire », mais on ne peut rien appeler « le troisième des deux lieux sacrés ou des deux sanctuaires ». Le Coran utilise ici, à titre d’exemple et non de manière exhaustive, l’expression « le deuxième des deux » : « Allah l’a déjà secouru, lorsque ceux qui avaient mécru l’avaient banni, deuxième de deux, quand ils étaient dans la grotte » (9.40). Donc, d’un point de vue linguistique, on ne peut pas qualifier quelque chose de « troisième des deux », comme c’est dans le cas « le troisième des deux lieux saints ».

Si l’expression la plus courante dans le monde islamique pour décrire la mosquée al-Aqsa est un terme erroné et linguistiquement impossible, cela ne remettra-t-il pas en question toute la crédibilité de l’ensemble ?

Cet article ne révèle que des interrogations substantielles qui nécessitent des clarifications et des réponses sérieuses. Que le débat s’ouvre.

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