Publié par Gaia - Dreuz le 20 février 2020

Source : Capital

INFO CAPITAL : Après l’abandon de Benjamin Griveaux, c’est la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui sera candidate LREM pour briguer la mairie de Paris. Arrivera-t-elle à détrôner Anne Hidalgo, toujours en tête des sondages ? Capital révèle pourquoi les impôts et l’endettement de la municipalité pourraient être embarrassants pour la maire socialiste actuelle.

Le saviez-vous ? Les mobilités douces et le vivre-ensemble ne lui suffisant pas, la mairie de Paris ambitionne aussi de devenir un modèle pour la transparence comptable. A preuve, il y a quelques années, elle s’est volontairement lancée dans une «démarche de préparation à la certification de ses comptes», action indispensable aux yeux d’Anne Hidalgo pour instaurer une vraie démocratie citoyenne. Il s’agit, précise la municipalité, de pouvoir faire attester que ses présentations chiffrées sont “régulières et sincères” et offrent une «information irréprochable sur l’utilisation de l’argent public». Bravo! «Nous avons conscience que la route sera longue», a cependant tenu à tempérer l’adjoint aux finances Julien Bargeton (il a démissionné depuis) lors du lancement de l’opération, en novembre 2016.

Des documents administratifs non communiqués

Au moins ne pourra-t-on pas reprocher aux édiles parisiens de manquer d’humour. Parce qu’en matière de comptabilité leur principal objectif a toujours été – et continue d’être, nous allons le voir – de masquer aux citoyens la situation des finances de la capitale. Et d’une certaine façon, on les comprend, car exposer la vérité toute crue nuirait gravement à l’avenir électoral de madame la maire. Lors de sa campagne, début 2014, Anne Hidalgo avait promis tout à la fois aux électeurs de contenir les budgets, de maîtriser l’endettement et de ne pas augmenter les impôts d’un centime. Quatre ans de trous dans la chaussée et de folles dépenses plus tard (la masse salariale de la ville s’est envolée de 17%, trois fois plus vite que l’inflation), il faut bien reconnaître que le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur.

Pour essayer de cacher la misère, la mairie commence par «oublier» de mettre en ligne sur son site les documents administratifs compromettants. De nombreuses délibérations du conseil municipal concernant les dépenses ou l’endettement, par exemple, n’y figurent pas, au mépris des règles administratives les plus élémentaires. Et il est impossible d’y dénicher les «budgets supplémentaires», documents essentiels que la loi NOTRe fait obligation aux communes de mettre à la disposition de leurs administrés. «Nous ne les publions pas», reconnaît-on aux services financiers, sans aucun trouble. Il est vrai que, si d’aventure la ville de Paris était condamnée à une amende pour ce déni de droit, ce serait les contribuables qui la paieraient.

Flou sur la dette

Mais laissons là ces broutilles. Pour enfumer les citoyens, les argentiers de la capitale ont recours à un procédé autrement audacieux : ils glissent des chiffres erronés dans leurs présentations comptables. Selon la nomenclature officielle, le compte administratif des communes doit donner, par exemple, dans son annexe IV, le détail des dettes de chaque ville au centime près. Observons un instant celui de Paris. Aux lignes 163 et 164, on lit qu’au 31 décembre 2018 la municipalité devait 4,38 milliards d’euros sous forme d’emprunts obligataires et 1,311 milliard d’euros sous forme de crédits octroyés par des établissements financiers, ce qui est parfaitement exact. En revanche, à la ligne 1687, censée regrouper tous les autres emprunts, les scribes municipaux ont inscrit la somme de 192,63 millions d’euros, ce qui est faux.

A la ligne1687 de l’annexe IV de leur compte administratif, les argentiers de la capitale indiquent que la dette de la ville –en plus des 5,69 milliards d’emprunts obligataires et de crédits auprès d’établissements nanciers– est de 192,38 millions d’euros. C’est faux. Le vrai chiffre apparaît dans la comptabilité établie par les fonctionnaires de Bercy, qui, eux, n’ont rien à cacher. Il est de 1,04 milliard.

Pour connaître le vrai chiffre, il faut se référer – ce que personne n’a jamais l’idée de faire – au compte de gestion du trésorier de l’Etat. Les fonctionnaires de Bercy, qui, eux, n’ont rien à cacher, publient en effet chaque année leurs propres données financières sur les communes, selon une nomenclature comptable exactement semblable. Or le montant qu’ils inscrivent à la ligne 1687 pour la ville de Paris n’est pas de 192,63 millions, mais de… 1,04 milliard d’euros.

Inutile d’aller chercher bien loin l’origine des 853 millions d’euros disparus : pour l’essentiel, ils correspondent exactement aux loyers que la municipalité s’est fait verser avec trente ans d’avance par les offices HLM pour boucher ses trous de trésorerie. Cette pratique, qui revient à obérer l’avenir pour financer les dépenses actuelles, et qui s’assimile à une dette, comme le démontrent les documents de Bercy, n’est utilisée dans aucune autre ville de France. Elle est tellement limite que la mairie de Paris a dû demander une dérogation exceptionnelle au gouvernement pour pouvoir y avoir recours. Pas étonnant qu’Anne Hidalgo veuille en faire disparaître les traces corps et biens.

Grâce à quoi, dans son document officiel d’informations, qui sert de référence à toute la presse et à la classe politique, la ville peut chiffrer à 5,69 milliards d’euros son ardoise au 31 décembre 2018 (en «oubliant» au passage d’inclure dans ce total les 192,63 millions de sa propre ligne 1687), soit exactement 2.557,58 euros par habitant. «C’est bien moins que dans la plupart des grandes villes !», peut ainsi clamer Anne Hidalgo sur toutes les estrades, sans jamais être démentie. Du cousu main. En réalité, la dette dépassait 6,7 milliards d’euros à la fin 2018, soit un montant moyen de 3.039 euros par Parisien, selon Bercy. C’est l’un des plus lourds fardeaux de l’Hexagone. A noter que, depuis, les choses se sont aggravées, car la dette dépasse désormais 7 milliards, en augmentation de 100% depuis l’arrivée de la maire en 2014, un record.

Du coup, afin de brouiller encore un peu plus les pistes, les élus parisiens travaillent au corps une autre donnée essentielle: la durée théorique de remboursement des emprunts. Pour obtenir ce ratio, implacable pour juger la qualité de la gestion d’une municipalité, tous les comptables publics de France procèdent de la même manière: ils calculent combien d’années il faudrait à la ville pour effacer son ardoise si elle y consacrait la totalité de sa «capacité d’autofinancement», autrement dit, de l’excédent de son budget de fonctionnement. Les spécialistes considèrent qu’au-delà de douze ans la situation devient inquiétante. En moyenne, cette durée est de 5,4 ans dans les communes françaises et de 8,1 ans dans les villes de plus de 100.000 habitants. Mais, à Paris, l’application de ce ratio donne des résultats catastrophiques: quatorze ans!

Nos élus ont donc eu l’idée de le bidouiller un peu. Pour gonfler l’excédent de leur budget de fonctionnement, ils lui ajoutent le produit de la vente annuelle des bijoux de famille (les propriétés immobilières de la ville), qui rapporte environ 200 millions d’euros par an. En utilisant comme dénominateur, ce nouveau concept comptable unique en France, finement baptisé «capacité de financement», les choses deviennent plus présentables, puisque la durée de remboursement théorique passe à moins de dix ans. Dans un rapport de 2016, les magistrats de la Chambre régionale des comptes s’émeuvent de cette grosse ficelle.

Impôts : la facture grimpe pour les Parisiens

Quant aux impôts… En bonne communicante, Anne Hidalgo a pris soin de ne pas toucher aux taux des taxes foncière et d’habitation, sur lesquels la presse a les yeux rivés. Mais elle a fait valser celui de la taxe de séjour, gonflé de 18% celui des droits de mutation (au point que ces derniers, les fameux «frais de notaire», sont devenus la première recette de la capitale), triplé celui de la taxe sur les résidences secondaires, fait exploser de 17 à 50 euros le montant des amendes de stationnement et ajusté à la hausse tout un tas de redevances dues par les administrés. Du coup, à périmètre égal, la note pour les Parisiens a grimpé de plus de 20% depuis l’arrivée de l’élue.

Cela n’empêche pas cette dernière de continuer à répéter partout qu’elle a tenu son engagement de ne pas augmenter les impôts. Et de reformuler sans rire la même promesse pour les cinq années à venir, au cas où elle serait réélue. Dans son rapport de 2016, la Chambre régionale des comptes lui avait pourtant enjoint en termes polis de cesser de mentir. «La ville devra veiller dans sa communication financière à prévenir toute ambiguïté entre les notions de stabilité de la fiscalité et celle, plus restrictive, de stabilité des impôts locaux», écrivaient avec tact les magistrats. Anne Hidalgo n’a pas suivi leurs conseils…

Selon les calculs de Capital, en tenant compte des droits de mutation, un ménage propriétaire qui change de logement tous les quinze ans paie en moyenne 3.419 euros d’impôts par an à Lyon, 3.797 euros à Marseille, 4.193 euros à Bordeaux, et 4.854 euros dans la capitale. Le mythe de l’heureux parisien moins imposé que les autres ne tient plus du tout la route.

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