Publié par Sidney Touati le 25 février 2020

Il existe parait-il, des paradis fiscaux. L’Union européenne les traque, les dénonce. En dresse la liste.

Par contre, ce que ne dit pas l’Union européenne, ce que ne dénoncent pas les technocrates de Bruxelles, c’est l’enfer fiscal.

Car s’il existe un ou plusieurs paradis fiscaux, il existe un enfer fiscal et cet enfer se trouve en France.

Pour le malheur des Français, l’Etat en lequel il espère et croit tant, en réalité n’existe plus vraiment. Il a été amputé de  la plupart de ses prérogatives : pour l’essentiel, il n’est plus la source de la Loi et ne maîtrise plus, ni sa législation, ni ses frontières, ni la monnaie, ni les agissements de la plus redoutable de ses administrations, le Ministère des Finances. 

L’Etat laborieusement édifié depuis Louis XI, est en ruines. Cinquante années de construction européenne ont eu raison de ses fondations les plus solides, ont détruit 1500 ans d’un travail acharné.   Sur les décombres de l’Etat souverain,   prolifère  un invraisemblable empilement de « bureaux », de structures, de pouvoirs, de règlements. Cinq millions cinq cent mille fonctionnaires surveillent, contrôlent, sanctionnent la totalité des citoyens, soit un fonctionnaire pour 5 actifs. (il y a 28.5 millions d’actifs en France, y compris les demandeurs d’emploi). Un record absolu dans les démocraties. A titre de comparaison, l’Allemagne, plus peuplée, plus puissante compte trois millions de fonctionnaires. 

Pour financer cet invraisemblable imbroglio, ce « mille feuilles administratif »,  mélange de libéralisme pour les grands (et les très grands) et  de despotisme bureaucratique pour les autres, ceux qui sont prisonniers de l’hexagone,  a été mis au point le système fiscal le plus injuste, le plus violent, le plus confiscatoire qu’on puisse imaginer.

L’Union européenne se vante de respecter l’état de droit. En réalité, les règles de l’état de droit s’arrêtent aux portes d’une citadelle à l’architecture digne de l’ère Ceausescu. L’’immeuble qui abrite les bureaux du Ministère des Finances (qui change de nom très souvent, comme le font ordinairement les malfaiteurs) étale son ombre noire sur le poumon de Paris : la Seine. Cette bâtisse hideuse, Bercy,   viole ouvertement les règles de l’urbanisme : il est interdit de construire sur les bords de la Seine. La Seine est le poumon par lequel  la Capitale respire. C’est l’artère par laquelle circule l’air frais qui ventile Paris.

Bercy a modifié le climat de certains arrondissements de Paris, les rendant quasiment irrespirables. Le signal envoyé par cette transgression est clair. Dans cette épaisse citadelle, dans cette  Bastille, sont emprisonnés 40 millions de dossiers, 40 millions de contribuables. Le message envoyé par cette transgression est : la loi ne saurait vous protéger de mon emprise, car violer les règles fondamentales du droit est ma spécificité. Je dispose, comme tout un chacun l’apprend sur les bancs des facultés de droit, de prérogatives exorbitantes de droit commun

Belle expression qui signifie en langage courant : j’ai à peu près tous les droits.

Disposant de privilèges dignes  de l’absolutisme royal dans son aspect le plus haïssable, Bercy a acquis une telle puissance que ses locataires pourraient dire comme jadis  disait le Roi : L’Etat c’est moi.

Le Ministère des Finances s’est libéré des nombreuses limites que l’Etat de droit impose habituellement au commun des justiciables. On pourrait dire de Bercy ce que l’on disait jadis du Roi : il est « source et fontaine du droit ». Bercy est source des lois ; ses fonctionnaires  détachés auprès des parlementaires, des ministères… les rédigent ; ceux qui sont dans les « directions », les appliquent et en cas de contestation, ses juges tranchent.

Depuis Montesquieu nous savons que ce qui caractérise la République est la séparation des pouvoirs. Bercy est au-dessus des principes républicains de base. Bercy est un Etat dans l’Etat. Un Etat surpuissant qui exerce son hégémonie sur toutes les autres bureaucraties.  Bercy concentre tous les pouvoirs : législatif et exécutif, et s’est créé une justice d’exception, le Conseil d’Etat, héritier direct du Conseil du Roi.  L’épée de Damoclès du contrôle fiscal, pèse sur la presse et les médias. Malheur à celui qui oserait s’attaquer au Léviathan fiscal.

Comment en est-on arrivé là ? Comment celui qui n’était que le « comptable public », comment Messieurs les ronds-de- cuir sont-ils devenus les maîtres devant lesquels tout le monde -élus, responsables, chefs d’entreprises, ministres…-  tremblent de peur ? Le terme exact serait  « ressentent de la  terreur ».  Car comme nous le verrons, c’est bien une forme particulière de terreur que ce Ministère exerce sur le pays et sur tous ses citoyens actifs.

A ma connaissance, seul le KGB (ex-URSS) ou la sinistre Stasi (ex-RDA)  exerçaient sur leur pays respectif, une telle emprise despotique pour ne pas dire totalitaire.   

Comment ce « monstre »,  le Léviathan, est-il parvenu à étendre, Loi de Finances après Loi de Finances, son emprise sur le pays ? 

C’est ce que nous allons tenter de comprendre dans cette série d’articles consacrés à la fiscalité française.

Au cours de ma carrière, en ma qualité d’avocat fiscaliste, j’ai vu cette terrible transformation se dérouler sous mes yeux.

J’ai assisté à la métamorphose d’une administration initialement créée pour recouvrer l’impôt et sanctionner les éventuels fraudeurs, l’ai vu se muer en machine à pomper au-delà de toute mesure, de tout contrôle, de toute limite,  tout ce que la société civile produit et ce parfois jusqu’à la mort des opérateurs.

Combien de projets d’investissement abandonnés en raison du risque et du coût fiscal ? Combien de citoyens paralysés, tétanisés par la peur d’entreprendre et d’affronter ce danger contre lequel il n’existe aucune assurance ? Combien d’entreprises détruites à la suite d’un contrôle fiscal ? Combien de chefs d’entreprises sont gravement tombés malades ? Combien sont morts, à la suite de l’insoutenable pression fiscale, victimes de cette guerre ouverte que l’Etat (fiscal) livre à la société ?

Cette machine à broyer la société civile a de profondes racines dans l’histoire de France. Mais elle a été réellement « re »mise en place sous Valérie Giscard d’Estaing, véritable maniaque de l’impôt et des prélèvements obligatoires, père d’une longue lignée de spécialistes de la pression fiscale. Parmi ses élèves, impossible de ne pas citer le plus brillant d’entre eux, le seul capable de rivaliser avec le maître : Michel Rocard. Mais n’anticipons pas. Revenons aux causes historiques de la centralité du ministère des finances, en France.

Le rôle des deux Guerres mondiales

Sous la Monarchie absolue, les Français avaient beaucoup souffert d’une fiscalité injuste et écrasante. En réaction contre la toute puissance du Souverain, la Révolution, pour ce qui est du financement des dépenses publiques, prônait le principe d’une contribution au prorata des moyens de chacun. Limiter le pouvoir de l’Etat est une idée forte des Constitutionnels de la Révolution.

Durant tout le XIXème siècle, et conformément aux théories des physiocrates pour qui la terre est la source de toutes les richesses, les prélèvements obligatoires reposent pour l’essentiel sur le foncier.

Jusqu’à la Première guerre mondiale, le Ministère des Finances est un ministère secondaire. Sa position est comparable est celle d’un comptable dans une entreprise. Il est un cadre technique qui ne joue aucun rôle dirigeant.

La première guerre mondiale va placer brutalement ce Ministère dans une position centrale, avec l’instauration d’une véritable économie de guerre dont il devient le maître d’œuvre.

Aux « Quatre vieilles » – la contribution foncière, la contribution mobilière, la patente et l’impôt sur les portes et fenêtres – créées par les Assemblées révolutionnaires, la guerre va ajouter le premier impôt « moderne » : l’impôt sur le revenu qui est institué en 1914.

Les dépenses de l’Etat ne cessant d’augmenter, les prélèvements obligatoires vont se multiplier, avec l’augmentation du nombre de fonctionnaires et l’extension du pouvoir de l’Etat.

En 1925 est mis en place l’impôt sur les sociétés. L’instrument de contrôle des entreprises, la comptabilité en partie double, est rendue obligatoire. L’Etat commence à avoir un œil sur les entreprises.

A un système fiscal fondé sur la terre, et les richesses qui en découlent, est substitué un système qui appréhende les profits de toutes sortes, les salaires et la circulation des marchandises. Mais pendant ces années, l’impôt demeure « light ». En cas de besoin, on préfère avoir recours à l’emprunt plutôt qu’à l’impôt.

Le système devenant « déclaratif », l’administration est appelée à vérifier, contrôler et éventuellement « redresser » les déclarations qu’elle juge inexactes.

Les Français qui en 1789 voulaient limiter le pouvoir de l’Etat se retrouvent deux siècles plus tard avec l’un des Etats le plus bureaucratique de la planète.

Fin de la Première guerre mondiale, le ministère des finances sort des placards poussiéreux pour devenir un grand ministère.

Mais, c’est surtout au cours de la Seconde guerre mondiale que le Ministère des Finances va devenir un pilier central de l’Etat. Son pouvoir s’étend et devient inquisitorial.

L’Etat doit faire face à un surcroît de dépenses. Outre le financement des dépenses publiques il faut également prendre en charge les frais liés à l’occupation allemande. En effet, selon les accords passés entre l’Allemagne et Vichy, la France doit payer la somme faramineuse de 400 millions de francs par jour.

Durant toutes les années noires de l’occupation, les Français sont soumis à des contrôles tatillons et à des prélèvements très élevés. L’économie française passe sous contrôle allemand. Les Français ont le sentiment d’être dépossédés de tout ce qu’ils possèdent et produisent.

Le Ministère des Finances est en première ligne. C’est par lui que s’effectue la mise en coupe réglée de l’économie française ; que celle-ci passe sous la tutelle allemande.

Mais le plus sinistre méfait accompli par l’administration fiscale pendant cette période est le vol des biens Juifs, baptisé « aryanisation ».

Dans un ouvrage extrêmement bien documenté, « Les mauvais comptes de Vichy », Philippe Verheyde décrit, analyse, cet immense hold’up organisé par l’Etat français : « l’aryanisation des entreprises juives. Derrière ce néologisme doublement sinistre se trouve désigné la liquidation ou le transfert de toute entreprise juive à un nouveau propriétaire « aryen », au nom de la « déjudaïsation » souhaitée de l’économie. » 47 000 entreprises sont les victimes de cet acte de truanderie d’Etat, dont les Chaussures André, les Galeries Lafayette, les avions Marcel Bloch (Marcel Dassault), Lévitan, les Galeries Barbès…

Le Ministère des Finances s’empare de ce juteux dossier. « Un industriel israélite ne saurait disposer de ses biens », rappelle Maurice Couve de Murville, directeur des Finances extérieures… » (Ce dernier deviendra quelques années plus tard Ministre du général de Gaulle).

On ne peut entrer ici dans le détail du mécanisme de ce vol gigantesque.

Il convient de retenir de cette période, deux faits majeurs :

  • L’hyper-contrôle et les prélèvements élevés auxquels les Français ont pris l’habitude d’être soumis pendant les longues, très longues années d’occupation ;
  • La pratique du vol des biens Juifs a créé un fâcheux précédent. Elle a enseigné  aux « élites françaises » l’art de dépouiller le peuple en toute légalité.

A partir de cette période, l’apprentissage du vol légal fait parti de l’ADN du Ministère des Finances.

Pendant les années d’après-guerre, les adeptes du vol d’Etat feront profil bas. Les Américains (Plan Marshall oblige) enseignent aux Français comment une économie libre, dégagée de la tutelle étatique, peut prospérer. Et effectivement, la société française se développe rapidement. C’est le début de ce que l’on a appelé, les Trente Glorieuses.

Après le retour du général de Gaulle, sous couvert de « rétablissement de l’autorité de l’Etat », le « gène silencieux » du vol légal va être progressivement réactivé. Les nostalgiques de Vichy reprennent du poil de la bête. Mais le « vieux » leur tient la bride sur le cou. L’Etat reste globalement paternaliste et bon enfant. Personne n’a peur du grand méchant loup fiscal. Les contrôles se passent bien, l’économie tourne, il n’y a pas de chômage.

Hélas ! Cette époque « paradisiaque » ne va pas tarder à prendre fin. Après la mort de Pompidou qui disait « laissez vivre les Français, cessez de les emmerder avec vos impôts,! ».

Les Français vont commettre une erreur qui va leur coûter très très cher : ils vont porter à la tête de l’Etat, un ex-ministre des finances littéralement obsédé par les prélèvements obligatoires, un monomaniaque de l’impôt : Valérie Giscard d’Estaing. (VGE)

Très vite, sous la houlette de ce technocrate intelligent, à l’imagination illimitée dès qu’il s’agit de fiscalité, la stratégie du vol légal qui avait été appliquée seulement aux Juifs pendant l’Occupation sera étendue à une partie importante de la population.

Le règne de la politique d’hyper-prélèvements obligatoires, commence à tourner à plein régime.

Le retour des technocrates et des experts

La technocratie propre au régime de Vichy refait surface dans la France des années 1974 et suivantes. Le règne des « experts » commence. Le résultat de cette politique catastrophique ne se fait pas attendre : à la fin du règne de VGE, la France compte un million de chômeurs. Mais ses successeurs, en bons élèves, feront aussi bien que le maître et parfois beaucoup mieux ! Le résultat final de ce processus morbide : les prélèvements obligatoires ont plus que doublés depuis 1970. Ils représentent 46% du PIB. 80% des Français entrent dans un processus de paupérisation. Neuf millions vivent sous le seuil de pauvreté. Les classes moyennes sont exsangues.

Ce qui s’est produit sous Vichy se répète quasiment à l’identique : la pression fiscale (désigne ici l’ensemble des prélèvements obligatoires) s’accroît à mesure que la France se soumet aux directives de l’Etranger, de Bruxelles et des normes internationales. Comme sous Vichy, plus de la moitié du potentiel industriel du pays est démantelée, est « délocalisée ».

Au cœur de ce processus maladif, l’esprit de soumission, le retour du refoulé. Ceux qui se sont formés pendant les années de guerre, c’est-à-dire l’essentiel des cadres fonctionnaires des machines bureaucratiques, travaillent à restaurer l’ordre qu’ils ont connu : remettre la France et l’Europe sous la tutelle de l’Etranger : Allemagne, Chine, Monde arabe… La France est à genoux. Première dans de nombreux domaines dans les années 60, elle ne cesse de dégringoler.

Les cadres issus de la collaboration ont été forgés dans l’esprit de soumission pendant leurs années de formation. Ils ont fait école. Pour la quasi-totalité des « élites » actuelles, servir l’Etat signifie asservir la nation, ruiner le peuple. Une nouvelle fois, l’adage se vérifie : une histoire qui n’est pas comprise est une histoire qui se répète…

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Sidney Touati pour Dreuz.info.

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