Publié par Gaia - Dreuz le 12 mars 2020

Source : Aleteia

C’est une histoire méconnue qui s’est déroulé à Lyon en 1942. Pour sauver plus d’une centaine d’enfants juifs d’une mort certaine, l’association l’Amitié chrétienne, soutenue par le cardinal Gerlier, primat des Gaules, s’est rendue au camp de Vénissieux pour exfiltrer et sauver 108 enfants sur le départ. Une action qui aura un retentissement majeur pour le réveil des consciences.

Si vous visitez le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation à Lyon, vous pourrez découvrir pourquoi et comment la ville est devenue le centre de la Résistance, notamment grâce à sa taille (permettant un plus facile anonymat), à son emplacement (en zone libre) et à une multitude de petits actes de résistance dans la vie courante de jeunes adolescents, d’adultes ou encore de discrètes mères de famille. Mais vous pourrez également découvrir, affiché en taille « poster » sur un mur du musée, ce tract de la résistance distribué sous le manteau, à Lyon, en 1942 avec ce titre « Vous n’aurez pas les enfants ». C’est cet incroyable sauvetage de 108 enfants juifs que retrace dans son livre Vous n’aurez pas les enfants Valérie Portheret, historienne, qui a enquêté pendant vingt ans pour retrouver ces enfants et raconter cette histoire véridique et pourtant encore peu connue. Celle d’un réseau d’hommes et de femmes, catholiques, protestants et juifs qui, sous l’aile du cardinal Gerlier, va sauver des enfants et réveiller les consciences.

Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon

L’Amitié chrétienne à la manœuvre

Nous sommes le 26 août 1942. Pour répondre aux exigences des nazis, le gouvernement de Vichy ordonne la rafle des juifs étrangers dans la région de Lyon. Au petit matin, ils sont 1.016 à être arrêtés et rassemblés dans un camp de « triage » à Vénissieux. Aucune indication n’a été donnée concernant les enfants. Doivent-ils être arrêtés avec leurs parents ? Et si oui, doivent-ils ensuite les suivre dans les convois ? Les autorités demandent plus de précisions aux Allemands mais la réponse n’arrive pas… Alors profitant de ce flou, les réseaux chrétiens s’activent. Dans la nuit du 28 au 29 août 1942, certains de leurs membres, autorisés à venir dans le camp, vont convaincre les parents d’abandonner leurs enfants et de les confier à une association, l’Amitié chrétienne, seule façon pour eux de les sauver d’une déportation certaine. C’est l’horreur du choix pour ces parents qui vont hurler et pleurer, mais ils vont choisir la vie pour leurs enfants. Entre temps, les instructions allemandes sont tombées : oui, il faut envoyer les enfants avec leurs parents ! « Branle-bas de combat » pour la police qui part à la recherche de ces 108 enfants, tout juste emmenés et cachés dans des couvents et des familles. Le préfet Angeli exige du cardinal Gerlier, qu’il sait à la manœuvre, de ramener les enfants. Mais Mgr Gerlier a du tempérament, et de l’autorité, il est Primat des Gaules ! Il s’oppose fermement à la demande, ce que raconte par la suite ce tract de la Résistance résumant ainsi le sens de ses propos : « Vous n’aurez pas les enfants ».

Le cardinal Gerlier, Juste parmi les Nations

« La noble attitude des évêques français »

Si cette histoire est incroyable, c’est qu’il s’agit d’un sauvetage exemplaire de ce qu’il fallait faire, et qu’elle illustre bien le rôle des Justes en France. Comme l’explique Valérie Portheret, « l’affaire de Vénissieux a eu une dimension nationale et européenne. À l’issue de cette grande rafle, la population va être très choquée et la position ferme du cardinal Gerlier va conforter les Français dans leurs oppositions à l’occupant ». D’autant que le cardinal ne va pas s’arrêter là. Dans un communiqué qui sera lu pendant l’homélie dans toutes les églises de la région, le dimanche 6 septembre 1942, il va dénoncer la traque honteuse des Juifs et enjoindre les religieux à ouvrir leurs monastères. Ce bras de fer entre le cardinal Gerlier et les autorités de Vichy va avoir un grand retentissement. Sa prise de position est même relayée à l’étranger, notamment par un article du 12 septembre 1942 intitulé « La noble attitude des évêques français », dans le journal La Liberté de Fribourg. De son côté, Pierre Laval, alors chef du gouvernement de Vichy et partisan résolu de la collaboration, demandera au chef supérieur des SS et de la police allemande en France, le général SS Carl Oberg, de ne plus formuler de nouvelles revendications sur la question juive, « à cause de la résistance sans pareille de l’Église ».

Une belle page de l’histoire de France et de l’Église de Lyon encore trop peu connue du grand public. C’est pourquoi dans son livre, Valérie Portheret la raconte tout en retraçant également la vie de plus de 90 des enfants sauvés qu’elle a pu rencontrer. Si le cardinal Gerlier est demeuré archevêque de Lyon jusqu’à sa mort, le 17 janvier 1965, il a été reconnu « Juste parmi les Nations » à titre posthume le 15 juillet 1980. En 2012, pour la commémoration du 70e anniversaire de cette rafle, une plaque a été posée à Vénissieux, sur proposition de Serge Klarsfeld, une plaque qui pourrait tout aussi bien trouver sa place sur le parvis de Notre-Dame de Fourvière, où les deux millions de touristes chaque année, auraient alors l’occasion de découvrir ce passé glorieux des Justes de France.

Plaque commémorative de Vénissieux, posée à Vénissieux le 29 août 2012, lors de la commémoration du 70° anniversaire de la rafle et des sauvetages du 26 août 1942.

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