Publié par Dreuz Info le 1 avril 2020

Un bon nombre d’articles, ces derniers jours, font état de la situation catastrophique dans les Ehpad. Si la situation l’est pour l’ensemble de la société, elle présente un caractère particulier pour les personnes âgées, bien plus vulnérables, confinées dans un lieu fermé et n’ayant plus comme visiteurs que les aides-soignants débordés puisque les familles ont pour interdiction de rendre visite à leurs parents. Or, nous savons ce que représentent les visites familiales pour les résidents qui se sentent, en grande partie reliés à la vie par les visites de leurs proches.

Une impréparation criminelle

Faut-il revenir sur l’impréparation, le manque total d’anticipation des autorités gouvernementales et scientifiques qui, malgré l’exemple de la Chine d’où est parti le virus, se sont réveillées un peu tard et surtout n’ont pas décuplé leurs efforts pour remédier à la pénurie de masques, d’appareils respiratoires et de tests qui auraient permis de soigner et surtout dépister les porteurs du virus. Cette crise aura mis à jour (entre autres) l’incapacité du pays à compter sur ses propres forces, au nom d’une mondialisation aberrante parce que mal pensée.

Citons un exemple, lu dans la lettre Patriote du 1er avril : « à Plaintel (22) une usine pouvait fabriquer 200 millions de masques. Elle fut fermée en 2018. L’Union syndicale solidaires des Côtes d’Armor, ne mâche pas ses mots, pour qualifier la fermeture de l’usine de masques respiratoires jetables Honeywell. L’entreprise était basée à Plaintel près de saint Brieuc mais le propriétaire américain baisse le rideau en 2018. Le site était pourtant rentable, selon les ex-salariés… Honeywell a pris la décision irresponsable de détruire huit machines en les faisant concasser par la déchetterie située sur la zone industrielle des Châtelet à Plougagan. C’était pourtant à ce spécialiste mondial que l’État français avait passé commande de 200 millions de masques sous la menace du virus H1 N1 en 2009. On était le principal fabricant pour la France, se souvient Jacques Fuan, directeur du site de 1992 à 2006. On vendait partout dans le monde…C’est même Plaintel qui a créé le masque FFP2 pliable, celui qui nous manque tellement aujourd’hui. »

Pas de problème puisque la Chine a été chargée de produire des masques pour la terre entière ! Délocalisons, délocalisons, il paraît que ça coûte moins cher !

 A l’heure où j’écris ces lignes, le temps perdu ne sera jamais rattrapé. Si gouverner, c’est prévoir, nos responsables politiques et scientifiques qui les conseillent, ont oublié cet adage. Mais à travers ce scandale que tout un chacun réalise aujourd’hui, il en est un autre qui défie la morale et qui nous donne une image terrifiante de ce qu’est devenu la vie humaine aujourd’hui, dans une société soi-disant civilisée et démocratique : je veux parler du choix des morts : qui doit vivre et qui doit mourir. En effet, des médecins, des aides-soignants, des infirmiers en sont réduits, contre leur volonté, la mort dans l’âme, à choisir entre les patients. Un aide-soignant déclare (Riposte laïque du 31/03/2020) : « « lors de ma dernière garde, on nous a clairement dit que si quelqu’un allait mal pendant la nuit il ne fallait pas appeler les urgences car entre une personne de 70 ans et   une autre de 40 ans le choix était clair. C’est la pire chose que l’on puisse entendre en tant que soignant, » confie-t-il.

Il ne fait pas bon vieillir par les temps qui courent ! Dans mon livre sur la vieillesse en maison de retraite : « Les Centenaires » [1] une structure comme on en voit souvent, sans doute pas la pire, mais sans doute pas la meilleure, j’avais observé que le discours lénifiant de la nouvelle direction d’Ehpad, servait de cache misère à une réalité moins reluisante que ce qui était annoncé. Et cela en temps normal. En observant les résidents, je pouvais constater l’abandon dans lequel se trouvent beaucoup d’entre eux qui n’ont pas, ou très rarement, des visites. J’ai pu les observer, végétant des journées entières dans leur fauteuil roulant, sans de vraies activités pour les occuper et nourrir leurs facultés intellectuelles ou susciter des contacts sociaux entre eux. Certains passaient leur temps comme des légumes, posés là, dans une indifférence, une léthargie que venaient rompre les moments des repas puis celui du coucher. Ceux qui voyaient souvent leurs familles étaient évidemment mieux lotis. Pourtant, l’administration, au moment du changement de direction, nous lut les nouvelles directives assez surréalistes, incitant les résidents à construire chacun son « projet de vie » !

Aujourd’hui, ils sont confrontés à la roulette russe ! Si le virus les oublie, ils vivront mais si par malheur ils sont atteints, ils auront plus de « chances » que les autres de mourir.

Mais à quoi bon s’acharner ? dirons les adeptes de la fin de vie planifiée…Dans notre société mondialisée où il est plus question de rentabilité, de marchés, de travail au moindre coût qui s’ouvre largement aux immigrants, les vieux ne servent plus à rien. Et je ne suis pas de ceux qui rendent le libéralisme coupable de tout. Le libéralisme est une économie basée sur une vision de la liberté. Or nous sommes gouvernés par la gauche depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cette gauche qui incarne soi-disant la morale, la générosité, l’égalité (et j’en passe). C’est elle qui, aujourd’hui nous demande de choisir entre ceux qui doivent vivre et ceux qui doivent mourir. « On achève bien les chevaux ! » Cela rappelle, toutes proportions gardées, les sinistres tentatives eugénistes durant cette guerre qui a conduit l’homme aux confins de l’horreur.

Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre la situation des vies en sursis dans les Ehpad et la décision de la Garde des Sceaux, Madame Belloubet, de rapatrier les djihadistes français, coupables de haute trahison, mais qui préfèrent, et pour cause, être jugés en France plutôt qu’en Irak ou en Syrie où ils savent à quoi s’attendre : la mort probable. Or le gouvernement français veut – dans sa haine idéologique de la peine de mort – les sauver, les exonérer de leurs crimes, eux qui ont massacré des dizaines, voire des centaines, d’hommes, de femmes et d’enfants. On sait que s’ils feront quelques années de prison, notre système judiciaire, pétri de mansuétude pour les criminels, leur rendra la liberté, au bout de quelques années, pour bonne conduite. Ajoutons que ces djihadistes bénéficient du privilège de la jeunesse, eux !

Un Etat qui ne protège pas les plus vulnérables : les enfants et les vieux, a perdu le sens de ce qui est humain aux deux bouts de la chaîne qui constituent une vie : le commencement et la fin d’une génération. Il est vrai qu’il a oublié ce que signifie instruire la jeunesse et a remplacé les connaissances, qui permettent de devenir un adulte libre et responsable, par des activités, car l’éducation nationale ne pense qu’à faire des citoyens dociles, biberonnés « aux droits de l’homme ». Quant aux anciens, on leur signifie qu’ils ne servent plus à rien et cela parfois dès qu’ils atteignent cinquante ans. Si à cinquante ans vous n’êtes plus bon pour le service, vous imaginez le poids mort que vous devenez dès soixante-dix ans !

Des morts non comptabilisés

Dans la panique de l’imprévoyance et de l’improvisation, on a oublié de comptabiliser les morts dans les Ehpad.  Cela indique que les morts ne pèsent pas grand-chose quand ils sont vieux, voire très vieux ! On me rétorquera – et c’est vrai – que tous les malades du corona virus ont été logés à la même enseigne puisque les masques, les appareils respiratoires, les vêtements de protection, sans parler des tests de dépistage qu’on attend toujours, sont en nombre dramatiquement insuffisant. Quand on pense qu’on attend de la Chine des livraisons   pharaoniques de masques, on se pince ! Le virus vient de Chine et la Chine nous vend des masques… bien contents quand ils ne sont pas pourris et doivent être renvoyés !

C’est pourquoi, les soignants dans les Ehpad nous disent combien ils sont démunis. L’un d’eux témoigne, (publié dans Riposte laïque 31/03/2020) :

« Les masques arrivés il y a environ une semaine sont à réutiliser tous les jours par manque de moyens. Idem pour les lunettes de protection. Les surblouses qu’on devrait jeter juste après les soins pour un patient en isolement sont également réutilisés faute de stocks !

Ce qui se profile, c’est un nombre toujours plus grand de personnes âgées qui vont mourir. »

Toujours dans ce même numéro de Riposte laïque, un aide – soignant raconte : « Dans nombre d’Ehpad, on dépose le plateau repas devant la porte de chaque chambre, (j’ose espérer que c’est posé sur une table et non par terre) et c’est au résident de se débrouiller pour l’atteindre.

Olivier Véran a annoncé : « Nous devons aller plus loin et prendre des décisions encore plus difficiles » Mais quelles décisions encore plus difficiles ? On a déjà choisi de traiter les vieux comme des pestiférés. Est-ce qu’il y a pire ? »

Il est inutile de continuer ces citations qui se ressemblent toutes et qui illustrent la détresse des résidents et celle des personnels qui font avec ce qu’ils peuvent, c’est-à-dire pas grand-chose, et qui voient le nombre de morts augmenter chaque jour.

Bien sûr, nous savons tous que nous devons mourir un jour mais, quel que soit notre âge, nos maux, nous avons droit à aller jusqu’au bout de notre vie. C’est aussi ce que j’ai appris de mes visites à la maison de retraite où se trouvait ma mère qui disait : « On ne change pas à l’intérieur, c’est le corps qui nous trahit, mais au fond on est toujours soi. »

Être soi, jusqu’à la fin. C’est ce qu’exprimait Sénèque :

            « Eh ! Lucilius,
quelle mort plus heureuse, que d’être conduit pas à pas vers
le terme par une dissolution naturelle ? Non que je regarde
comme un mal un coup de foudre, une mort soudaine ; mais
elle est douce, cette voie qui nous mène lentement hors de la vie. »

Evelyne Tschirhart


[1] Evelyne Tschirhart « Les Centenaires » éditions de Passy 2019

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