Publié par Ftouh Souhail le 30 avril 2020

Les prisons qataris avaient été transformées en sépulcres pour les détenus à cause de tortures physiques et psychologiques, de négligence médicale et de détention dans des conditions inhumaines. La situation des « détenus politiques » inquiète.  

Le militant et journaliste qatari Fahd Bohandi décède après avoir été arrêté et torturé dans la prison qatari de Hamour. Il a été arrêté par les autorités qatariennes en août 2017, il y a environ 3 ans, pour des accusations liées à des publications sur des blogs et sur les réseaux sociaux.

Fahd Bohandi, un journaliste d’investigation, a été battu, blessé jusqu’à sa mort sous la torture, le 10 avril 2020. L’information a été relayée uniquement cette semaine dans la presse arabe.

Sa famille a été empêchée de l’enterrer. La police qatari l’a enterré dans une zone inconnue au désert. Le régime qatari veut que les détails du crime restent secrets.

Le détenu d’opinion aurait délibérément été privé de tout soin d’urgence, ce qui l’a plongé dans le coma avant d’en décéder.

La victime était le Directeur du Centre d’innovation culturelle de la télévision officielle qatari, avant de passer dans le camp de l’opposition. Il a été actif sur Twitter jusqu’à ce qu’il soit arrêté par le gouvernement du Qatar.

Ce journaliste de nationalité qatarie est né en 1983, il a 37 ans, il est diplômé de l’Université de Teesside, au nord du Royaume-Uni et marié et père de deux enfants.

Le militant et journaliste qatari Fahd Bohandi

De nombreuses voix ont réagi vigoureusement, pas en France

Dans un communiqué, l’Organisation arabe des droits de l’homme en Grande-Bretagne et en Europe, la Ligue des droits de l’homme et des libertés du Golfe et l’Organisation africaine du patrimoine et des droits de l’homme ont appelé le régime qatari à mener « des enquêtes indépendantes et impartiales » dès que possible, pour révéler qui était responsable de la torture de Fahd Bohandi à mort.

En France le président Emmanuel Macron refuse toujours de tenir une position face aux abus du Qatar et des violations graves et constantes des droits humains. Paris semble être incapable de contraindre les autorités qataries à s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international.

Macron, qui critique assez facilement Jérusalem, devrait dire sans ambiguïté la position de son pays face aux violations croissantes imposées aux militants des droits humains et que si ce mépris continu du Qatar pour les droits humains aura des conséquences.

Manifestement, les pays européens ne semblent pas vouloir rompre la quasi-impunité du régime qatari et ses abus. Cela intervient au moment où le gouvernement de Doha rend de plus en plus difficile le travail des journalistes opposants et soumet les défenseurs des droits à des restrictions de voyage et même à des arrestations et des poursuites pénales.

De toute évidence, le meurtre d’un journaliste révèle généralement la répression politique, la corruption, les abus de pouvoir et même la collusion. Toutes ces choses sont présentes dans le meurtre du militant et journaliste qatari Fahd Bohandi.

En outre, le meurtre de Fahd Bohandi est un crime international sur lequel d’autres pays doivent revendiquer la compétence universelle. Les États proches du Qatar, comme la France notamment, doivent prendre les mesures nécessaires pour établir la vérité sur les commanditaires du meurtre et exercer leur compétence en vertu du droit international pour ce genre de crime d’exécutions extrajudiciaires.

En tuant un journaliste, le régime qatari commet un acte contraire au principe fondamental des Nations Unies, qui est la protection de la liberté d’expression.

En vertu du droit international des droits de l’Homme, ce crime est un crime d’État. L’existence de preuves crédibles justifient une enquête approfondie pour mettre en évidence la responsabilité individuelle des hauts responsables du régime qatari, y compris l’émir du Qatar.

L’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani, et le ministre qatari de l’Intérieur Khalid bin Khalifa bin Abdulaziz Al Thani, responsables du meurtre de Fahd Buhandi, doivent être tenus responsables de ce crime.

L’impunité pour les crimes commis contre des journalistes encourage l’Etat du Qatar. En septembre 2018, le régime qatari et ses services de renseignement ont tenté de tuer Khaled Al-Hill, figure l’opposition qui a critiqué les violations endémiques des droits humains. Une grande responsabilité incombe aux autorités du Qatar sur la question de l’éclaircissement de cette affaire aussi.

Le Qatar mène une répression implacable contre toutes les voix discordantes, au sein de la famille royale comme dans le milieu des intellectuels et militants des droits humains.

Le président de l’association des Droits de l’homme au Qatar est un cousin de l’émir. 

Les abus généralisés liés aux prisons devraient susciter les indignations des officiels étrangers, surtout avant le Mondial 2022 au Qatar.

 Il est étonnant que seule la mort du journaliste saoudien à Istanbul en octobre 2018, l’islamiste Jamal Khashoggi, avait entraîné un torrent de critiques à l’international.

Au Qatar, les prisons se transforment en cimetières pour les prisonniers d’opinion. Aucune  commission d’enquête internationale n’ a été chargée d’examiner l’état de santé de centaines de prisonniers d’opinion et de défenseurs des droits de l’Homme dans les prisons qataries. Des personnes âgées sont actuellement en prison et leur santé se dégrade continuellement.

Les responsables à Doha continuent d’ignorer les obligations qui leur incombent en vertu de la ratification des instruments relatifs aux droits de l’Homme et des dispositions internationales coutumières relatives aux droits de l’Homme et à l’interdiction de la torture.

 Jean-Pierre Marongiu : témoignage d’un ex-prisonnier français au Qatar

Alors que Paris se retranche derrière un mur d’indifférence face aux abus du gouvernement du Qatar, nombreux sont les Français travaillant au Qatar et qui dénoncent des conditions épouvantables de détention dans les prisons de ce petit émirat du Moyen-Orient.

Jean-Pierre Marongiu est un entrepreneur français a été retenu prisonnier presque 5 ans au Qatar pour une affaire de chèque sans provisions dans laquelle il a toujours clamé son innocence. Il a été libéré en juillet 2018.

Conditions de détention ahurissantes, menaces djihadistes, inertie du Quai d’Orsay, Jean-Pierre Marongiu a même rédigé, en 2019, un livre coup de poing.

« InQarcéré » aux éditions Les Nouveaux Auteurs, un livre choc, qui fait entrer le lecteur dans un incroyable périple, celui de l’enfer qatarien.

Jean-Pierre Marongiu s’est retrouvé dans le bloc des prisonniers de Daesh. Il a entendu des hurlements de joie au moment des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. Il a été menacé par des chefs de l’État islamique qui lui ont demandé de collaborer en prison, car ils savaient où se trouvait sa famille en France…

Jean-Pierre Marongiu : 1 744 jours dans les prisons du Qatar

La promiscuité quotidienne avec des djihadistes, les amitiés étranges avec des assassins au parcours glaçant, les trafics en tout genre, les tabassages en règle, les grèves de la faim pour hurler son innocence au-delà des murs, les tentatives d’évasion… Jean-Pierre Marongiu révèle, page après page, son calvaire enduré toutes ces années.

Cet expert en management auprès Qatar Petroleum a été jeté dans une chambre ou il n’y avait pas de fenêtres, pas de lumière du soleil, juste des néons toute la journée.

« J’ai vu des mutilations, des viols, des gens morts depuis des semaines et dont les cadavres traînaient, et même le cannibalisme. J’ai rencontré quelqu’un qui était très fier d’être en prison pour cannibalisme. Ils ont essayé de me convertir en Islam pratiquement tous les mois.» témoigne Jean-Pierre Marongiu.

Quatre ans et 10 mois, c’est le temps furieusement long qu’a passé Jean-Pierre Marongiu dans l’enfer des prisons qataries. 1744 jours, pendant lesquels, le prisonnier, accusé à tort d’avoir fait des chèques sans provisions, écrit son quotidien sur des petits carnets, à l’insu de ses geôliers. « InQarcéré », aux éditions Les Nouveaux Auteurs

Jean-Pierre Marongiu ajoute avec amertume :

« À mon arrivée, le 5 juillet 2018 à Paris, il n’y avait personne pour m’accueillir, juste mon épouse. Je n’ai plus jamais eu un seul contact. Les services sociaux étaient absents. Je n’ai pas reçu le moindre soutien psychologique, alors que, quand des otages rentrent en France, il y a généralement une équipe psychologique. Depuis cette date, personne ne m’a contacté et je n’ai droit à aucune aide et aucun soutien. »

Vraisemblablement Jean-Pierre Marongiu n’a pas eu la même chance de médiatisation, lors de son retour en France, contrairement au terroriste franco-palestinien Salah Hamouri (qui a été reçu par B. Kouchner et défendu par  Alain Juppé et Dominique Voynet, sénatrice française ) (1).

Ce dernier était prisonnier dans des conditions confortables en Israël après son inculpation pour avoir projeté de tuer le rabbin Ovadia Yosef et pour son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine. Il sort de prison le 30 septembre 2018, soit quelques mois seulement après le retour discret de Jean-Pierre Marongiu des geôles du Qatar.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

(1) Le cas du terroriste Hamouri a été même plaidoyé lors d’un débat au Parlement européen de Strasbourg, le 9 juillet 2008, consacré aux prisonniers palestiniens. La députée socialiste belge Véronique De Keyser avait évoqué le cas de Salah Hamouri dans une question orale.

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