Publié par Jean-Patrick Grumberg le 3 mai 2020

Le comportement hostile du président Macron vis-à-vis des Français durant cette pandémie venue de Chine s’explique dans le contexte global de sa présidence : les investissements de la Chine ont progressé de 86% en France en 2018 tandis qu’ils diminuaient en Europe (1).

Les investissements de la Chine dans le monde portent un nom, que l’on retrouve mentionné dans les études indépendantes : « le piège de la dette chinoise ». Les plus complaisants parlent de « nouvelle route de la Soie ».

Je dois expliquer dans cet article ce que cela implique afin de mieux comprendre les comportements ressentis comme anti-français et les apparentes mauvaises décisions du président Macron durant cette pandémie.

La Chine veut conquérir le monde, à commencer par les pays, dont la France, qui nagent dans l’endettement

La Chine est partout à la conquête du monde, et beaucoup sont déjà victimes de son jeu. Evidemment, elle commence par les cibles les plus faciles, c’est-à-dire celles qui sont économiquement fragiles ou faibles et qui ont besoin d’aide et de financement extérieur.

Ainsi, le régime communiste s’affirme sur la scène mondiale avec l’initiative « Route de la Soie » du président Xi, qui fait partie de sa stratégie pour devenir l’acteur dominant. Une stratégie fort simple à comprendre si l’on se donne la peine de relier les points entre eux.

Selon le Centre for Global Development (CGD), un groupe de réflexion international, le piège chinois a déjà laissé plusieurs pays sombrer dans la dépendance de la Chine par l’endettement : Le Sri Lanka, Djibouti, le Kirghizstan, le Laos, les Maldives, la Mongolie, le Monténégro, le Pakistan et le Tadjikistan (10).

Le piège de la dette par le coronavirus

Le jeu de la Chine, autrement appelé le « piège de la dette » (14) est le suivant :

  • Elle offre à des pays économiquement fragiles comme l’Afrique, ou surendettés comme l’Italie, la Grèce ou France, des prêts bon marché pour les infrastructures dont ils ont cruellement besoin.

    « Cela rend les pays – en particulier les plus pauvres – accrochés à des dettes qu’ils ne peuvent pas rembourser », explique le professeur Malcolm Davis, analyste principal en stratégie et capacité de défense à l’Australian Strategic Policy Institute (10), ou qu’ils ont besoin de renégocier en période de crise économique forte.
  • Puis, lorsque ces économies éprouvent des difficultés économiques – et elles ont fortement été « aidées » à sombrer dans une crise bien pire que celle de 2008 ou de l’immédiate après-guerre par la stratégie qui a consisté à laisser la pandémie de coronavirus infecter le monde – ou lorsqu’elles ne sont pas en mesure de rembourser leurs prêts, « la Chine s’empare des ports, des installations ou du territoire. C’est une stratégie de piège par la dette, » ajoute Davis.
  • Un bon exemple, le Sri Lanka : en 2017, il a été contraint de céder un port à des entreprises appartenant au gouvernement chinois après s’être endetté de plus d’un milliard de dollars. Pareil pour le Tajikistan en 2011.

La Chine fronce les sourcils, Macron va à la niche

Dans un texte signé par « un diplomate chinois à Paris » (17, publié sur le site de l’ambassade de Chine en France, et intitulée « Restaurer les faits déformés ».

Le régime a défendu la gestion de la crise sanitaire par la Chine et a accusé les démocraties occidentales de comportement imprudent, tout en ciblant spécifiquement la France, accusant les travailleurs de la santé français d’avoir laissé des personnes âgées mourir dans les maisons de retraite.

L’ambassadeur Lu fut convoqué par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour ces « propos récents », mais la leçon était claire : la France devait rentrer dans le rang, et elle rentra dans le rang.

Sous les menaces de Pékin, l’UE retire son rapport dénonçant la désinformation chinoise – Macron laisse faire

Alors que 3 jours plus tôt, il faisait un numéro de cirque en dénonçant (16) la désinformation de Pékin sur le coronavirus (« il y a des choses qu’on ne sait pas sur la façon dont la Chine a géré le coronavirus), juste pour donner le change, le 21 avril, le président Macron n’a pas levé le petit doigt ni protesté lorsque le rapport l’UE a enterré son rapport dénonçant la campagne de désinformation de la Chine pour faire oublier sa responsabilité dans la diffusion au monde du coronavirus (11).

Le rapport initial a été fuité par Politico. On pouvait lire à la première page :

« La Chine a continué à mener une campagne mondiale de désinformation pour détourner les responsabilités de l’apparition de la pandémie et améliorer son image internationale. Des tactiques tant ouvertes que secrètes ont été observées ».

https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-eu-china/china-pressured-eu-to-drop-covid-disinformation-criticism-sources-idUSKCN227030

Cela a disparu du rapport final, publié pour cacher la honte des dirigeants européens (12).

Le nouveau rapport attribue la désinformation à des « sources soutenues par divers gouvernements, y compris la Russie et – dans une moindre mesure – la Chine ».

Qui ne voudrait pas d’un nouvel ordre mondial dominé par les communistes ?

Depuis qu’il est devenu le secrétaire général du Parti communiste chinois en 2012, puis président à vie en 2013, Xi a promis de faire de la Chine « le plus grand acteur de l’histoire du monde » (3), et a développé le concept de « nouvelle route de la Soie », une pieuvre d’influence qui visait d’abord les pays voisins les plus faibles, puis l’Afrique, puis l’Europe, expliquent les auteurs Sophie Boisseau du Rocher et Emmanuel Dubois de Prisque dans La Chine e(s)t le monde.

Ainsi, la Chine investit dans les infrastructures dont elle veut prendre le contrôle : l’énergie et les transports (Gestion partielle ou totale d’une douzaine de ports européens : Rotterdam, Marseille, Le Havre, Valence, Zeebruges, Le Pirée en Grèce, soit plus de 10 % des capacités portuaires européennes, escales clés des «nouvelles routes de la soie» en Europe (9).

Ce projet hégémonique est très bien accueilli par les médias, qui sur le sujet, tentent d’influencer l’opinion publique du mieux qu’ils peuvent en faisant totalement oublier la dimension totalitaire du parti communiste chinois.

Tous ne sont pas aveugles. Ainsi, d’éminents professeurs, spécialistes de la géopolitique, ont sonné l’alarme dans un article publié le 12 janvier 2020 (4), alors que la pandémie n’avait pas encore atteint le reste du monde :

« Vu depuis l’Occident, à tort ou à raison, il s’agit souvent d’un projet hégémonique visant à créer un nouvel ordre mondial, ce qui signifie une remise en cause des hiérarchies nées de l’après-Seconde Guerre mondiale » explique le professeur Lasserre de l’Université Laval et directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques (CQEG). 

https://www.diploweb.com/Chine-Le-deploiement-des-projets-d-infrastructures-de-l-Initiative-Belt-and-Road-Une-strategie.html

Les auteurs notent également que l’objectif du parti consiste à :

Transformer les rapports de force à échelle internationale, mais aussi d’impacter les sociétés dans leur dimension politique, économique et même sociétale ».

https://www.diploweb.com/Chine-Le-deploiement-des-projets-d-infrastructures-de-l-Initiative-Belt-and-Road-Une-strategie.html

La Chine tient Macron par la (les?) bourse

Lorsque vous apprenez dans les médias que Macron hausse le ton contre la Chine, qu’il plaide pour ralentir les investissements chinois auprès de ses confrères européens, ce sont des belles paroles destinées à brouiller les cartes et dissimuler qu’il fait tout l’inverse (16).

En 2019, la France était en passe de devenir le 4 Etat le plus endetté au monde (13). Je ne pense pas qu’il faille une imagination démesurée pour projeter la fragilité de la France après 4 mois d’arrêt de son économie, et la façon dont la Chine profite des pays fragiles (15).

Le déficit commercial de l’Allemagne avec la Chine (13 milliards d’euros en 2018) est le plus faible parmi les grandes économies européennes. La situation de la France est très différente : avec un déficit commercial de 29 milliards d’euros, Macron a besoin de courtiser Pékin pour développer ses exportations vers la Chine (5).

Pour cela, Macron fait comme font les mauvais négociateurs : il commence par lâcher, sans se rendre compte qu’il perd ainsi sa puissance de négociation, et promet de renforcer les contrôles sur les « investissements de pillage » de la Chine. Ainsi Peugeot, ainsi l’aéroport de Toulouse-Blagnac (une drôle d’opération signée Macron : acheté à bas-prix à la France par les Chinois, et revendu à une entreprise française avec une énorme plus-value), 30% de GDF Suez, le Club Med, Justin Bridou, Cochonou, Aoste, AccorHotels, Louvre Hotels (Campanile, Kyriad, Première classe), le géant agro-alimentaire St-Hubert, l’olympique lyonnais… (6), 165 châteaux et domaines vinicoles dont 150 dans le Bordelais, Lanvin, Marionnaud, Sonya Rykiel (7).

Résultat, Macron n’obtient – c’était prévisible – que des miettes en retour, et enferme le pays dans le piège diplomatique et économique en adhérant en 2016 à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures créée par Xi en 2014 pour hameçonner et rendre dépendant les pays fragiles par le piège à l’investissement sans soulever de protestation ou de résistance des pays adhérents (8).

Le 30 avril, l’ambassade de Chine en France publiait une vidéo de pure désinformation, reprochant aux Etats-Unis de ne pas avoir pris la mesure de la pandémie lorsque Pékin a averti le monde.

Elle oubliait que le régime communiste a refusé début janvier l’aide des Etats-Unis afin de déterminer la cause du coronavirus, et a interdit aux experts mondiaux et américains de se rendre à Wuhan, l’épicentre de la pandémie.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

  1. https://www.sudouest.fr/2019/03/25/investissements-chinois-en-france-des-acquisitions-massives-dans-de-nombreux-domaines-5929060-705.php
  2. https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-eu-china/china-pressured-eu-to-drop-covid-disinformation-criticism-sources-idUSKCN227030
  3. https://www.theatlantic.com/international/archive/2017/05/what-china-wants/528561/
  4. https://www.diploweb.com/Chine-Le-deploiement-des-projets-d-infrastructures-de-l-Initiative-Belt-and-Road-Une-strategie.html
  5. https://carnegieeurope.eu/strategiceurope/80242
  6. https://www.challenges.fr/economie/les-investissements-chinois-en-forte-hausse-en-france_638855
  7. https://www.sudouest.fr/2019/03/25/investissements-chinois-en-france-des-acquisitions-massives-dans-de-nombreux-domaines-5929060-705.php
  8. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/les-dynamiques-d-integration-regionale/les-enceintes-de-cooperation-economique/article/la-banque-asiatique-d-investissement-pour-les-infrastructures
  9. https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Comment-Chine-achete-monde-2019-12-03-1201064127
  10. https://www.news.com.au/finance/economy/world-economy/china-wants-to-conquer-the-world-and-several-countries-are-now-swimming-in-debt-to-it/news-story/a8c743bd7021187e73817d59ca48cb6b
  11. https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-eu-china/china-pressured-eu-to-drop-covid-disinformation-criticism-sources-idUSKCN227030
  12. http://www.euvsdisinfo.eu
  13. https://www.telegraph.co.uk/business/2019/03/29/wont-long-france-overtakes-italy-worlds-fourth-indebted-country/
  14. https://globalriskinsights.com/2019/05/china-debt-diplomacy/
  15. https://commodity.com/debt-clock/france/
  16. https://www.politico.eu/article/macron-there-are-things-we-dont-know-about-chinas-handling-of-coronavirus/
  17. http://www.amb-chine.fr/fra/zfzj/t1768712.htm

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