Publié par Eduardo Mackenzie le 18 mai 2020

Y a-t-il un lien entre l’Opération Gédéon et le scandale des “dossiers secrets” de la revue Semana ?

Quinze jours après l’incident créé par l’hebdomadaire colombien Semana avec ses “Dossiers secrets”, les éléments de preuve que cette publication prétendait avoir sur les prétendues  “écoutes illégales” n’apparaissent toujours pas. Par conséquent, il est légitime de déduire que cet aspect de l’article, comme les autres invoqués, n’était rien d’autre qu’un moyen d’impressionner le gouvernement et l’opinion publique.

Ce faux scandale et l’absence de preuves ont cependant atteint leurs objectifs, à savoir : la révocation arbitraire et opaque de douze fonctionnaires du secteur du renseignement militaire. Ils ont également réussi – et cela me semble encore plus grave – à détériorer les relations Colombie-OTAN.

Ce scandale a poussé le gouvernement d’Ivan Duque à renoncer à sa décision d’envoyer le prestigieux général (r.) Nicacio Martinez représenter la Colombie devant l’OTAN. Les observateurs et les éditorialistes n’ont pas accordé d’attention à cet aspect de la crise du 1er mai. Il semble qu’ils n’aient pas réalisé les énormes dégâts que l’hebdomadaire Soros-Santiste a causé à la défense stratégique de la Colombie.

“Cette nomination ne va pas être prise”, a tonné le 4 mai Carlos Holmes Trujillo, ministre de la Défense colombien, visiblement dérangé par ce qui lui arrivait. La nomination du général Martinez avait été décidée par le président Duque début 2020, mais son voyage à Bruxelles avait été retardé “en raison de la pandémie de coronavirus”, selon une radio de Bogotá. Il a suffi à Semana de mettre sa fausse “révélation” sur les “écoutes illégales” pour que Duque et son ministre reculent, sans même avoir vérifié si ce que disait le magazine était vrai.

Le général Martinez a expliqué qu’il n’avait rien à voir avec les “écoutes illégales” inventées par Semana. Inutile. Holmes Trujillo, qui dit être un ami des Forces armées, a utilisé l’horrible assertion de la culpabilité per se des militaires et a tranché. 

La Colombie fut le premier pays d’Amérique latine à rejoindre l’OTAN. Les procédures ont été engagées en mars 2013 par le président Juan Manuel Santos. Peu après, des militaires colombiens ont suivi des cours à l’École de l’OTAN. En 2015, la Colombie a participé avec l’un de ses navires de guerre à l’opération «Ocean Shield» contre la piraterie dans les eaux de la Corne de l’Afrique. Le 31 mai 2018, les négociations Colombie-OTAN ont culminé et la Colombie a acquis, lors d’une réunion à Bruxelles, entre Jens Stoltenberg, secrétaire de l’OTAN, et le président Santos, le statut de “partenaire mondial” à part entière de l’importante organisation, statut que la Colombie partage avec le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et la Mongolie.

Étant donné que la Colombie participe, en vertu de cet accord, aux activités de l’OTAN liées à la sécurité maritime, ainsi qu’à la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et en matière de guerre hybride et de cybersécurité, il est inévitable de poser ces questions: le dossier diffamatoire a-t-il été lancé pour bloquer l’arrivée du général Martinez à Bruxelles ? Qui veut que la Colombie laisse vacante cette position ? Qu’est-il arrivé à la sécurité de nos mers les 3 et 4 mai derniers ?

Quelques jours avant l’obscure «Opération Gédéon», au cours de laquelle la dictature vénézuélienne a tué et capturé en deux jours une vingtaine de rebelles, et a saisi leurs armes et jusqu’à trois barges d’artillerie de la marine colombienne, qui étaient sur un point de frontière entre les deux pays, la Colombie était distraite par les “révélations” de Semana.

Pendant ce temps, les services de Nicolas Maduro s’efforçaient d’impliquer la Colombie dans une aventure de Vénézuéliens qui pourrait servir de prétexte à Caracas pour contre-attaquer et essayer de s’emparer des régions pétrolières colombiennes.

Quand je dis que cet hebdomadaire est allé très loin dans sa croisade anti-armée, je me réfère à cette question complexe contre la sécurité du pays, qui peut être divisée en trois chapitres :

  • 1. La réduction de l’aide militaire américaine à la Colombie (voir chez Semana la menace du sénateur américain Patrick Leahy de couper cette aide de Washington à la Colombie),
  • 2. La désorganisation de la représentation de la Colombie devant l’OTAN
  • 3. Le dynamitage du renseignement militaire pour que la Colombie ne puisse pas arrêter les intrigues et les provocations des opérateurs étrangers.

Nous en avons vu un exemple tragique: les manœuvres secrètes que la fraction du président autoproclamé Juan Guaidó a ouvertes en Colombie, comme l’installation et l’entrainement de déserteurs, feints ou non, de l’armée vénézuélienne en Colombie, avant de lancer la malheureuse Opération Gédéon. Selon la presse, ce personnel “rebelle” était parti d’une plage de Riohacha et d’autres points  de Colombie.

Alors que le gouvernement Duque savait ou ne savait pas ce qui se passait, sans vouloir rien faire – car il était concentré dans le limogeage de douze militaires et du directeur de la justice pénale militaire -, les renseignements vénézuéliens étaient au courant de “l’irruption terroriste” et ont pris des mesures pour l’infiltrer et l’écraser.

Personne ne doit oublier que la dictature chaviste a été la première à critiquer l’entrée de la Colombie dans l’OTAN. Le 26 mai 2018, Nicolas Maduro a, en effet, réitéré que l’adhésion de la Colombie à l’OTAN “constitue une menace pour la paix dans la région”. Quatre jours plus tard, un groupe communiste français avait repris cette ligne dans un communiqué où il déclarait que l’entrée de la Colombie dans l’OTAN était comme “un pistolet mis dans la tête des peuples d’Amérique latine et du Venezuela en particulier”.

L’Opération Gédéon a permis à Caracas d’accuser Washington et Bogotá de collusion dans cette affaire, une imputation que Trump et Duque contestent. Maduro affirme que le 2 mars dernier, lors d’une réunion, Trump a donné le feu vert à Duque pour qu’il autorise l’utilisation du sol colombien pour lancer l’opération. Un tel épisode pourrait avoir des conséquences à long terme pour la Colombie.

La marginalisation du général Martinez de l’OTAN pourrait avoir deux objectifs: contraindre la Colombie dans quelques mois à quitter l’OTAN, comme le demandent Caracas et La Havane, ou installer à ce poste quelqu’un du groupe Soros-Santiste qui coordonne le général (r.) colombien, si controversé Alberto José Mejía, ancien commandant général des Forces armées, aujourd’hui ambassadeur en Australie.

De telles options seraient désastreuses pour la sécurité stratégique de la Colombie. En mai 2019, lors d’une réunion à Copenhague, un conseiller principal de l’OTAN, Deniz Beten, a déclaré : “La vaste expérience de la Colombie en matière de guerre asymétrique, de lutte contre la drogue et contre le terrorisme est très précieuse pour les autres participants.” Il a ajouté que la Colombie “est pleinement prête à dialoguer et à coopérer avec les pays qui ont une expérience sur le terrain”. Lors de cette réunion, le vice-amiral de la Marine colombienne, Orlando Grisales, a déclaré : “La protection de nos mers contribuera non seulement à protéger nos sociétés et à préserver les flux commerciaux, mais renforcera également nos capacités à traiter des questions d’une importance cruciale pour la Colombie, comme le trafic de drogue et le piratage.”  Que deviendront ces responsabilités et avantages si le groupe Santos-Soros s’immisce dans ce dossier et dans les rangs de l’OTAN par ce moyen ?

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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