Publié par Magali Marc le 28 mai 2020

Résidents laissés dans leurs excréments, patients privés de bain pendant des semaines, infestations de cafards, personnes âgées qui s’étouffent parce qu’on les nourrit de façon agressive, au point où des militaires ont vu « un incident qui semble avoir contribué au décès d’un patient »: voilà quelques-uns des constats dévastateurs relevés par des membres des Forces armées canadiennes, déployés en renfort dans la foulée de la crise du virus de Wuhan, dans les Centres de soins de longue durée de l’Ontario. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a promis de «remuer ciel et terre» pour éviter que ne se reproduisent ces situations «horribles».

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit la chronique de Brian Lilley, parue dans le Toronto Sun, le 26 mai.

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Les plates excuses ne font pas le poids lorsqu’il est question des Centres de soins de longue durée en Ontario

La colère, l’indignation et la déception ne suffiront pas. Me dire que vous êtes inquiet ne suffira pas.

Le rapport de l’armée canadienne concernant les conditions de vie dans cinq des Centres de soins de longue durée les plus touchés est tout simplement effrayant.

Des résidents laissés dans des couches souillées, de la nourriture pourrie, des mouches, des cafards et, pire que tout, de mauvais contrôles des infections au milieu d’une pandémie qui ont fait des résidents des cibles faciles alors que le virus se répandait dans leurs maisons.

« Les résidents testés positifs au virus de Wuhan ont été autorisés à se promener », selon les observations concernant le Centre de soins d’Eatonville, dans l’ouest de Toronto.

« Cela signifie que toute personne dans l’établissement (personnel, résidents et visiteurs) risque d’être exposée et de le transmettre dans tout le Centre ».

Ce n’est que la pointe visible de l’iceberg.

Le Premier ministre Justin Trudeau a lu le rapport avant de l’envoyer à Doug Ford. Il a qualifié les allégations de «tristes» et «choquantes». M. Ford a déclaré que la lecture du rapport était «bouleversante».

« La lecture de ces rapports est la chose la plus difficile que j’ai faite en tant que Premier ministre », a déclaré M. Ford mardi (le 26 mai).

« Jusqu’à hier matin, nous ne connaissions pas l’étendue de ce à quoi ces foyers, ces résidents, doivent faire face. »

Désolé, M. le Premier ministre, mais ça ne suffit pas. Vous n’étiez évidemment pas très concentré sur votre travail si vous ne saviez pas ce qui se passait dans ces Centres.

Que ce soit M. Ford, la ministre des soins de longue durée Merrilee Fullerton ou même les hauts fonctionnaires de son ministère, quelqu’un connaissait ou aurait dû connaître la situation dans ces établissements.

Le rapport de l’armée portait sur cinq Centres de soins de longue durée (il y en a plus de 600 dans la province de l’Ontario), qui étaient assez mal en point pour qu’on y envoie des militaires.

Cela m’a amené à poser une question simple aux fonctionnaires et au Premier ministre de l’Ontario : Pourquoi vous a-t-il fallu l’armée pour découvrir à quel point la situation était horrible ?

Un appel conférence téléphonique organisés pour les journalistes et les hauts fonctionnaires du département de Fullerton n’a pas été très utile, si ce n’est qu’on a pu entendre les bureaucrates essayant de brouiller les pistes.

J’ai demandé à deux reprises pourquoi il a fallu que l’armée montre ces fautes et je n’ai obtenu que du verbiage administratif et des âneries.

Ce n’était pas beaucoup mieux quand j’ai posé la même question au premier ministre de l’Ontario.

Il a parlé de demander à la santé publique d’aider ces Centres, puis aux hôpitaux locaux et aux bénévoles avant que l’armée ne soit appelée à la rescousse. M. Ford m’a même raconté une histoire sur les soins que son frère – feu le maire Rob Ford – a reçus dans un foyer avant sa mort.

Il n’a jamais répondu à la simple question : « Pourquoi a-t-il fallu que l’armée se rende dans ces cinq foyers pour mettre en évidence ces problèmes ? »
Doris Grinspun, PDG de l’Association des infirmières diplômées de l’Ontario, affirme que la province aurait dû le savoir parce qu’elle leur a raconté. Plus d’une fois apparemment.

L’Ontario a assez bien géré le virus de Wuhan comme le montre l’absence de décès et d’hospitalisations importantes en dehors de notre population des Centres de soins de longue durée. Mais la réponse de la province dans le cadre des soins de longue durée a été un échec total.

Même si l’on tient compte du fait que la plupart de ces Centres n’ont jamais connu une seule épidémie, la majorité des décès sont survenus dans ces établissements. Un nombre élevé de cas y a été constaté.

Voici maintenant ce rapport de l’armée.

Me dire que personne au gouvernement n’était au courant est incroyable.
Mme Fullerton peut utiliser l’excuse qu’elle était en poste depuis moins d’un an, un peu plus de six mois avant l’épidémie.

Il y avait pourtant des gens qui travaillaient dans ce domaine pour le gouvernement depuis des années, qui pouvaient ou auraient dû savoir ce qui se passait.

S’ils n’en ont pas parlé, ils devraient être virés. S’ils ont parlé et que rien n’a été fait, alors la ministre doit démissionner.

Chronologie du rapport

Le rapport, rédigé par le Général de brigade basé à Toronto, C.J.J. Mialkowski, a été largement diffusé au sein de l’armée le 14 mai 2020.

Ce qui est arrivé au rapport au cours de la semaine et demie qui a suivi devrait faire l’objet d’un débat.

Les médias rapportent que le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a eu connaissance du rapport le 14 mai. Le bureau de M. Blair n’est pas en charge des forces armées canadiennes mais coordonne les interventions militaires dans les provinces.

Le bureau de M. Blair a déclaré qu’il n’avait reçu le rapport que vendredi dernier (le 22 mai).

« Notre bureau a reçu ce rapport du Ministère de la Défense nationale le vendredi 22 mai. Le ministre Blair a contacté le Solliciteur général de l’Ontario, ainsi que les ministres de la Santé, des Soins de longue durée et des Aînés au sujet de ce rapport le dimanche 24 mai », a déclaré Mary-Liz Power, porte-parole de M. Blair.

Le Premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu’il avait été mis au courant du rapport vendredi et l’a lu lundi. Les responsables du bureau de M. Ford ont déclaré que la province n’a été informée que quelques minutes avant minuit le dimanche 24 mai.

Le bureau de M. Ford a rendu le rapport public mardi (le 26 mai).

On ne sait pas qui a eu le contrôle du rapport au sein de l’armée entre le 14 mai et le moment où il a été envoyé à la province 10 jours plus tard.

Le contenu du rapport

– Centre de soins d’Eatonville 420 The East Mall, Etobicoke Médicaments périmés. Une grande partie du stock des services était périmée depuis des mois (conclusion : les résidents reçoivent probablement des médicaments périmés depuis un certain temps).

– Centre de soins Hawthorne Place 2045 Finch Ave. West, North York. Peu ou pas de désinfection avait été effectuée dans les installations avant les opérations de l’Armée. Une importante contamination fécale brute a été constatée dans de nombreuses chambres de patients.

– Orchard Villa 1955 Valley Farm Road, Pickering. Présence de cafards et de mouches. Des odeurs de nourriture pourrie ont été relevées dans le couloir à l’extérieur de la chambre d’un patient.

– Communauté de soins d’Altamont 92 Island Road, Scarborough. Au moment de leur arrivée, de nombreux résidents étaient alités depuis plusieurs semaines. Rien n’indique que les résidents aient été déplacés en fauteuil roulant pendant des parties de la journée, repositionnés ou lavés correctement.

– Manoir Grace 7900 McLaughlin Road, Brampton. Le personnel passe de l’unité du Virus de Wuhan à d’autres unités sans changer l’Équipement de protection individuelle contaminé. Certains membres du personnel ne suivent pas les politiques du bureau de la Prévention et du Contrôle des Infections du Canada (PCIC) (c’est-à-dire ne se lavent pas les mains entre les interactions avec les patients)

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Sources :

https://torontosun.com/opinion/columnists/lilley-sorry-doesnt-cut-it-in-sad-tale-of-long-term-care-homes

https://www.journaldemontreal.com/2020/05/26/trudeau-choque-par-un-rapport-sur-la-situation-dans-des-centres-de-soins-de-longue-duree-de-lontario

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