Publié par Drieu Godefridi le 14 juin 2020

« Who controls the past controls the future. »

George Orwell

Vainement argue-t-on que Léopold II n’a jamais ordonné, ni encouragé les exactions commises par des colons européens au Congo. Vainement montre-t-on qu’il a mandé d’y mettre un terme quand la connaissance lui en fut venue ; car il n’avait jamais foulé le sol du Congo. Vainement rappelle-t-on que les chiffres de la mortalité de 10 voire 15 millions de morts qui sont imputés aux Européens sont sans base rationnelle (Jean Stengers). Vainement souligne-t-on que ces informations frelatées reprennent la propagande anglo-saxonne, un tantinet intéressée, de l’époque.

Vainement, car ce débat n’est pas rationnel. Ce n’est pas le débat que recherchent ceux qui défigurent, maculent, tronçonnent, frappent à la masse le visage des statues de bronze et de pierre : c’est leur défiguration, le fait de leur défiguration.

On leur offre des procédures démocratiques pour déplacer tel monument, réévaluer l’histoire, la mieux enseigner ? L’option n’est pas même considérée, car c’est la défiguration — l’acte et le symbole — qui est voulue.

Quand les Talibans détruisent les vestiges romains de Palmyre ou les statues géantes de Bouddha, dans la vallée de Bâmiyân, ce qui est célébré est le fait de la destruction, l’acte de détruire ce qui n’est pas soi et qui témoigne d’un passé qui fut grand, même s’il n’était pas islamique. Dans ce vertige négationniste, le passé doit cesser d’exister. Car, le passé est par nature subversif (Wells, Huxley, Orwell).

Aristote considérait l’esclavage comme légitime, à l’instar de la plupart des philosophes de son temps. Cessera-t-on, pour autant, d’enseigner la philosophie grecque, parce que nos conceptions divergent radicalement ? Alors, on cessera d’enseigner la philosophie et l’histoire, qui attestent de la « guerre des dieux » (Max Weber). Alors l’histoire cessera d’exister ; ou plutôt elle sera constamment récrite, au gré des humeurs politiques, niant la pertinence des versions précédentes ; niant même qu’elles aient existé : 1984, triomphe « l’histoire présente ».

Cette vaporisation du passé, l’histoire nous enseigne qu’elle n’est pas sans précédent ; elle était l’objet des autodafés organisés par le régime national-socialiste allemand. Les cris de haine qui résonnent sur l’Opernplatz à Berlin, le 10 mai 1933, comme on brûlait les auteurs « juifs » parce que juifs, les « dégénérés » et les « immoraux » — non conformes à la morale national-socialiste ­— trahissaient la vérité de la doctrine.

Le présent qui tabasse le passé au gré des fureurs politiques n’est pas un progrès ; cette immolation de la mémoire marque, au contraire, une terrible régression morale, intellectuelle et démocratique.

Dans nos démocraties, le pic qui frappe le visage de l’histoire, s’affranchissant des procédures et du droit, est celui de la barbarie.

Drieu Godefridi, PhD (Sorbonne)

« Trois mois qui ont changé le monde », juin 2020

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