Publié par Dreuz Info le 14 juillet 2020

Que renferme un nom ? Le cas israélo-palestinien [De l’importance de bien nommer les choses]

Colonel (rés.) Dr Raphaël G. Bouchnik-Chen, chercheur au Centre BESA, université Bar-Ilan* – 5 juillet 2020

Le Centre Begin-Sadat d’études stratégiques (également connu sous son acronyme, le Centre BESA) est un groupe de réflexion (think tank) indépendant et non partisan qui mène des recherches sur des sujets stratégiques tant à l’étranger qu’au Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne la sécurité nationale et les affaires étrangères, la politique d’Israël et la paix et la stabilité régionales. Ses chercheurs sont des spécialistes renommés en Israël.

La machine de propagande palestino-arabe alimente sans cesse des campagnes anti-israéliennes agressives. La diplomatie publique de l’Autorité palestinienne est basée sur la manipulation : elle profite de l’ignorance et des connaissances historiques superficielles du reste du monde sur le conflit israélo-arabe pour imposer une histoire inventée. L’État juif a peut-être commis une erreur de jugement historique en choisissant le nom “Israël”, car ce choix a porté atteinte aux intérêts stratégiques de l’État d’Israël.

Le conflit israélo-palestinien sans fin est l’un des conflits les plus insolubles et les plus explosifs au monde, provoquant des passions et des bains de sang permanents au Moyen-Orient et dans le monde entier. Dans de nombreux cas, des groupes terroristes, dont l’Etat islamique et al-Qaïda, ont consacré leurs attaques terroristes spectaculaires à la cause de la Palestine et de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem.

Israël est largement considéré comme le méchant responsable du sort des “réfugiés” de 1948, ainsi que de “l’oppression brutale” du peuple palestinien dans les “territoires occupés”. La propagande palestino-arabe alimente des campagnes anti-israéliennes incessantes, principalement sous l’égide du mouvement BDS, qui soutiennent et renforcent cette déformation de l’histoire. (BDS est la version moderne du “boycott de la Ligue arabe”, presque oublié, déclaré officiellement le 2 décembre 1945).

Le mouvement sioniste et plus tard l’État d’Israël sont présentés de façon déformée comme des forces coloniales déterminées à expulser les habitants indigènes de Palestine et à les priver de leurs droits afin d’établir une entité étrangère devant être peuplée par un afflux d’immigrants en provenance d’États étrangers. Les porte-parole de ces narratifs ne disent jamais un seul mot sur le lien millénaire du peuple juif avec la Terre d’Israël (ou Palestine telle qu’elle est connue depuis l’époque romaine) et nient catégoriquement la validité de la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917 ratifiée par le mandat de la Société des Nations en 1922 appelant à la création d’un Foyer National pour le peuple juif en Palestine.

Le plan de partition de l’ONU du 29 novembre 1947 a ouvert la voie à l’établissement de l’État d’Israël. Il a également cristallisé la détermination des Arabes à détruire par la force l’État juif naissant. Comme l’exprimait sans ambages le secrétaire général de la Ligue arabe d’alors, Azzam Pacha : “Ce sera une guerre d’extermination et un massacre mémorable dont on parlera comme des massacres mongols et des Croisades.”

En 2020, l’Autorité palestinienne est devenue internationalement reconnue comme l’entité destinée à émerger à terme en tant qu’État palestinien, sur la base d’une solution à deux États. Pourtant, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, rejette catégoriquement toutes les clauses de “l’accord du siècle” du président Trump et mène une campagne de propagande avec comme slogan “L’anéantissement de la Palestine”.

Lors d’une réunion spéciale de la Ligue arabe au Caire le 1er février 2020, Abbas a affiché des cartes de propagande manifestement trompeuses de la “Palestine historique” sous le titre provocateur “La disparition de la Palestine “. Elles comprenaient la carte du mandat de la Palestine, la carte de la partition de 1947, les lignes de juin 1967, le “plan projeté de Trump” ainsi que la “terre palestinienne” s’amenuisant sans cesse au fil des décennies. Cette présentation théâtrale était une manipulation typique qui profite délibérément de l’ignorance et des connaissances historiques superficielles de la plupart du reste du monde sur le conflit israélo-arabe. Les cartes étaient une forme d’illusion d’optique conçue pour permettre de donner la fausse impression que la Palestine était un État entièrement arabe tout au long de l’histoire humaine et qui a été littéralement volé par les Juifs.

Cette version complètement déformée de l’histoire est la pierre angulaire du mouvement BDS. Avec l’aide des dirigeants palestiniens et du mouvement BDS, elle est constamment renforcée dans la perception  internationale du conflit et a un impact décisif sur l’élaboration des politiques, principalement en Europe et en Asie. Cela a abouti à une large adoption d’un point de vue systématiquement anti-israélien. La diplomatie publique israélienne (”Hasbara”) se trouve impuissante à corriger ses erreurs du passé dans ce domaine.

Parfois, les efforts des Palestiniens pour renforcer leur version sans fondement de l’histoire se retournent contre eux. Le 20 juin 2016, Abbas a effectué une visite officielle en Arabie saoudite. Sur place, il a remis au monarque saoudien une copie encadrée de l’ancien quotidien The Palestine Post. Le geste visait à renforcer le narratif palestinien, mais a fait exactement le contraire. Comme le Premier ministre israélien Netanyahu le faisait remarquer à l’époque, “Mahmoud Abbas a donné cette semaine au roi saoudien un exemplaire du Palestine Post en cadeau. Abbas ne savait apparemment pas que The Palestine Post était un journal sioniste [de l’époque du Mandat britannique] qui a changé son nom en 1948 en The Jerusalem Post et est toujours publié aujourd’hui, à Jérusalem, notre capitale”.

L’affirmation selon laquelle les Palestiniens sont les habitants autochtones de cette terre est au cœur de leur conflit avec Israël. Cette affirmation est répétée régulièrement par les Palestiniens et n’est presque jamais contestée. Dans un récent discours, Abbas a déclaré: “Notre récit dit que nous étions dans ce pays depuis avant Abraham. Je ne le dis pas, la Bible le dit. La Bible dit, dans ces mots, que les Palestiniens existaient avant Abraham. Alors pourquoi ne reconnaissez-vous pas mon droit ?”. Saeb Erekat, le négociateur en chef de l’Autorité palestinienne, a déclaré: “Je suis le fils de Jéricho… l’heureux fils des Natoufiens [période épipaléolithique, datant de 16.500 à 13.500 ans] et des Cananéens. Je suis là depuis 5 500 ans avant que Josué fils de Noun ne vienne brûler ma ville natale de Jéricho”.

Tout cela est une histoire entièrement inventée.

On peut se demander pourquoi Israël, qui a fait face à de nombreuses agressions militaires génocidaires et est constamment la cible d’attaques terroristes, est considéré par tant de personnes dans le monde non pas comme une victime mais comme un agresseur. En d’autres termes, comment se fait-il que le monde ait été si enclin à croire qu’en matière de terreur palestinienne, les fins justifient les moyens ?

Une réponse pourrait résider dans l’approche du professeur Martin Kramer, qui a publié un remarquable article à la veille du 72e anniversaire de l’Etat d’Israël. Dans son article, intitulé “1948 : pourquoi le nom d’Israël ?”, Kramer discute de la décision difficile que l’État naissant a dû prendre pour choisir un nom. Il note que le choix du nom “Israël” a été fait par David Ben Gourion presque au dernier moment, juste avant la cérémonie officielle au cours de laquelle Israël a été proclamé État indépendant le 14 mai 1948. D’autres noms avaient été proposés et envisagés, mais ils avait été rejetés par Ben Gourion.

Un article de presse du 30 septembre 1937 cite ainsi Ben Gourion: “Erets Israël (la Terre d’Israël) représente pour nous le pays tout entier plutôt qu’une partie de celui-ci”. C’est peut-être la raison pour laquelle Ben Gourion ne pouvait pas accepter le nom de “Palestine-Erets Israel”, bien que cela ait été le nom hébreu officiel de tout le pays sous le Mandat britannique.

Ben Gourion était connu pour son fort intérêt pour la langue hébraïque. Voici ce qu’il écrit : “L’hébreu est le ciment culturel tandis que la terre est le ciment matériel de la nation renaissante”. Sa décision d’exclure l’utilisation du nom “Palestine” pour l’État juif pourrait s’expliquer par son désir de lui donner le nom hébreu sous lequel il était connu depuis l’époque biblique.

Sur ce point, il convient de noter un document officiel de mai 1948 publié par le Conseil national, cabinet ministériel provisoire d’Israël, signalant qu’il a été débattu de la question de la traduction du nom “Israël” en arabe. Le Conseil national est parvenu à la conclusion que le nom de l’État en arabe devra être “Israël”, tout comme en hébreu, plutôt que “Palestine”.

L’un des arguments en faveur de cette décision était qu’“il est possible qu’un futur État arabe en Terre d’Israël soit dénommé Palestine, de sorte qu’une confusion pourrait se produire”. Cette pensée a été non seulement une manifestation très précoce de la droiture politique d’Israël,  mais également de prévision historique [possible], étant donné que la Ligue Arabe avait rejeté sans équivoque le Plan de Partage et n’était donc pas partie à la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui prévoyait la création d’un État arabe (aux côtés de l’État juif) dans la Palestine mandataire.

La manière officielle de l’ONU de faire référence au conflit du Moyen-Orient était généralement cohérente jusqu’au début des années 60 : elle utilisait le nom de “Palestine” pour désigner le territoire et “Arabes” – et non “Palestiniens” – pour désigner les réfugiés. Cela pourrait indiquer qu’en se référant à la question de la Palestine, l’ONU considérait le nom Israël comme étant synonyme de la Palestine mandataire.

Ce n’est que le 28 mai 1964 – date de la création de l’OLP – que le nom de “Palestine” a été adopté, pourrait-on même dire volé, par une entité arabe résolue à éradiquer entièrement l’État juif. Cet objectif était clairement exprimé dans les articles 1 et 2 de la Charte palestinienne (1968) comme suit :

  1. ”La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien ; c’est une partie indivisible de la patrie arabe, et le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe.
  2. La Palestine, avec les frontières qu’elle avait pendant le mandat britannique, est une unité territoriale indivisible”.

Avec le recul, on peut arguer du fait que volonté déterminée de Ben Gourion à utiliser le nom biblique “Israël” pour le jeune État juif et la négation qui l’accompagne du [précédent] nom officiel –  mandataire – de cet exigu   territoire géographique – était une vue à court terme et motivée par un esprit messianique exagéré.

Le rejet volontaire des dirigeants juifs du nom de “Palestine” a créé un vide qui a finalement été comblé par les représentants des “réfugiés” arabes, qui ont ”rebaptisé” leur statut en “Réfugiés palestiniens”.

Ce n’est nullement le seul cas de différend concernant le choix du nom d’un pays. L’exemple le plus récent est le conflit gréco-macédonien, qui a presque débouché sur une guerre totale pour cause de l’utilisation du nom de Macédoine. Ce nom est important pour les Grecs, qui ont une province appelée du même nom. En janvier 2019, les deux parties sont parvenues à un compromis dans lequel l’ancienne Macédoine a été rebaptisée République de Macédoine du Nord.

Une bombe à retardement similaire concerne le conflit historique entre la Chine et Taïwan, qui dure depuis 1949. Taïwan, officiellement nommée République de Chine (RDC), est actuellement dirigée par le Parti progressiste démocratique (DPP), qui prétend être un pays indépendant. La Chine considère Taiwan comme une province renégate qui doit être réunie au continent, par la force si nécessaire. Pékin repousse toutes les initiatives taïwanaises de nier le lien avec la Chine en adoptant officiellement le nom de Taïwan, et considère ces tentatives comme des provocations.

*Le Dr Raphaël G. Bouchnik-Chen est un colonel de réserve qui a été analyste principal des services de renseignement militaire de Tsahal. Il est titulaire d’un PhD de l’université de Jinan en Chine et est spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient et internationales. Il a servi pendant 26 ans dans le renseignement militaire de Tsahal à plusieurs affectations de haut niveau, dont celle de chef du département d’analyse et de prospective. Il a également servi pendant trois ans au Cabinet du Premier Ministre et au Ministère de la défense et a rempli une mission diplomatique en Extrême-Orient.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction/adaptation David Pasder pour Dreuz.info.

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