
La JEP (Justice spéciale de paix) ne reconnaît pas le droit des personnes physiques et morales de faire appel de ses décisions. C'est un fait. Le récent épisode de la cabale de la JEP contre le Centre national de la mémoire historique (CNMH) a révélé cette grave anomalie.
Bien qu'elle n'ait pas compétence sur le CNMH, un établissement public d'ordre national, rattaché au Département de la prospérité sociale (DPS), la JEP, organisme structuré lors des négociations de paix à La Havane pour empêcher que les chefs des FARC soient l’objet de procès et deviennent des justiciables comme tous les Colombiens, a émis un verdict (le numéro 058 de 2020) qui a été présenté à l'opinion publique, en mai dernier, comme un moyen légal de « protéger » une exposition de photos préparée par le CNMH et qui, de plus, n'était pas en danger.
La plainte avait été déposée par le sénateur communiste Ivan Cepeda. L’objectif de ce dernier n'était pas de protéger les travaux scientifiques de la CNMH mais de harceler le directeur du Centre, le professeur Darío Acevedo Carmona, car il est un fonctionnaire compétent et indépendant au service de la vérité historique, et non des FARC.
Les auteurs de la décision ont ajouté que cette mesure visait à éviter « la violation réelle ou potentielle des droits des victimes ». La JEP n’a pas expliqué comment le CNMH aurait « violé» les droits des victimes, ni comment et pourquoi elle violerait ces droits à l'avenir (puisque la sentence parle de violation «potentielle»).
La JEP considère, en revanche, que les activités du CNMH doivent toujours maintenir une « cohérence interne et externe avec les finalités, principes et objectifs du SIVJRN ». Cette soupe de lettres fait allusion à l'accord de La Havane, signé par le gouvernement de Juan Manuel Santos avec les FARC en 2016. Cepeda et la JEP veulent que les travaux scientifiques du CNMH se limitent à reproduire la version des FARC de ce qu’ils nomment le «conflit armé ». Cette version dit que les FARC n'ont pas attaqué la Colombie mais que leur violence depuis 60 ans est le résultat spontané de « la lutte des classes » et de la « lutte pour le socialisme ».
Cepeda entend que cette fausse mémoire soit déclarée par le CNMH comme la seule vérité officielle car cette bizarre légende, qui entre en conflit avec la vérité historique, serait la mémoire des « victimes », dans le sens que ces « victimes » sont uniquement les FARC et que ce qu'ils pensent est la seule interprétation acceptable de la terreur que la Colombie a subie à cause de cette organisation narco-communiste.
Scandalisée par la manœuvre d'Ivan Cepeda, le CNMH a adressé un recours gracieux devant l’auteur de la décision (recurso de reposición, en droit colombien). La JEP a immédiatement confirmé ce qu'elle avait dit dans sa décision 058 de 2020.
Devant cette réponse, le CNMH a interjeté appel. Très rapidement, la JEP a rejeté de nouveau ce recours en répondant deux choses: 1.- qu’elle étudiera seulement une partie de la décision contestée, et 2.- que l'appel sera résolu par la JEP elle-même.
Une moquerie. En droit, le recours d’appel doit être connu et résolu par une instance hiérarchique supérieure à celle qui a rendu la décision de première instance. Dans ce cas, la JEP prétend faire outre : confirmer l'injustice qu'elle a commise.
Chaque décision de la JEP devrait pouvoir être l'objet d'une contestation et d'une réforme par le biais des recours juridiques traditionnels. Dans ce cas, le recours d’appel contre le verdict 058 de 2020 devrait être résolu par une instance supérieure : par le Tribunal supérieure du Cundinamarca, par exemple.
Ce qu’offre la JEP, en termes de recours, est un recours gracieux (devant elle-même) et aucun recours d’appel ou de seconde instance. Ainsi, la JEP fabrique une nouvelle loi de la procédure civile et pénale qui sape la possibilité d’avoir en Colombie le droit au recours et à une justice équitable. L’impartialité, la loyauté et l’équité du procès disparaissent.
Ainsi, dans l'indifférence des autorités de tutelle, la JEP impose des nouvelles règles de droit de type totalitaire, dignes des dictatures les plus perverses. Cette innovation choquante est vouée à contaminer les autres cours de justice colombiennes.
Dans le cas de la décision 058 de 2020, l'appel devrait être envoyé et résolu par une instance supérieure à la JEP, et non par la JEP elle-même. La justification de la JEP de son arrangement est ridicule: sous prétexte que dans l’organigramme de la JEP il y a une officine désignée comme «Chambre d'appel», cette chambre doit résoudre les appels.
Le Procureur général de la nation, chargé du suivi des décisions judiciaires et des actes administratifs, devrait mettre un terme à l'arbitraire de la JEP.
Il est évident, une fois de plus, que la JEP a pour but non seulement la préservation de l'impunité des chefs et des sous chefs des FARC, mais a aussi la tâche de réduire les droits de défense des Colombiens.
Cette faute constatée s'ajoute aux autres pratiques anormales que le système judiciaire colombien applique actuellement: décisions rendues publiques sans avoir été préalablement écrites, violation du secret de l'instruction, juges en tant qu'acteurs politiques, abolition de la chose jugée, parti pris répété, évaporation des dossiers et des enquêtes concernant les extrémistes de gauche, zèle excessif dans les enquêtes sur les hommes politiques de droite, permissivité démesurée face aux attaques diffamatoires des extrémistes contre un ancien président de la République, etc.
Par la voie de la soi-disant « justice spéciale », qui a ouvert le « processus de paix » FARC / Santos, le droit colombien collapse.
Si la JEP parvient à s'immiscer dans la vie interne du CNMH, elle pourra détourner les décisions de tout autre organisme de droit public ou de toute autre agence étatique. Qui protestera si demain la JEP attaque les décisions de la Banque de la République, ou celles de Planification Nationale ou de l'Autorité nationale de télévision, ou de l'Autorité nationale des hydrocarbures, ou de l'Agence nationale des infrastructures?
La perspective de la subversion en Colombie est le démantèlement de l'État de droit. Pour le moment, la JEP s'achemine en douceur vers un objectif à court terme: celui de devenir l’instance judiciaire suprême du pays.
© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.
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Merci pour ces articles exceptionnels. Bon courage.
La JEP a été mise en place exprès pour ça. Les accords de paix ont livré la Colombie à l’extrême gauche. Avec les applaudissements d’Obama, de l’UE, de l’ONU, de l’académie Nobel et la bénédiction du pape.
Merci bien pour cet article. Il me semble qu’en France, il y a environ 10 ans de ça, une personne convicted de meurtre n’avait pas le droit de faire appel. Vous pourriez confirmer?? Merci davance!
Annika, Voici ce que dit le Droit Français :
….. »Décisions susceptibles d’appel
Peuvent être attaqués par la voie de l’appel :
Les arrêts de condamnation rendus par la cour d’assises en premier ressort depuis le 1er janvier 200127 ;
les jugements rendus par les tribunaux correctionnels ;
les jugements rendus par les tribunaux de police lorsque l’amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe, lorsque a été prononcée la peine prévue par le 1º de l’article 131-16 [archive] du code pénal français, ou lorsque la peine d’amende prononcée est supérieure au maximum de l’amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe.
Délai d’appel
En règle générale, le délai d’appel est de dix jours à compter du prononcé du jugement ou de l’arrêt de condamnation Cf. Article 498 du Code de procédure pénale 28.
Les parties
En matière criminelle, la faculté d’appeler appartient à l’accusé, au ministère public, à la personne civilement responsable (quant à ses intérêts civils), à la partie civile (quant à ses intérêts civils), aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique. Le procureur général peut également faire appel principal des arrêts d’acquittement.
En matière correctionnelle, la faculté d’appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement, à la partie civile quant à ses intérêts civils seulement, au procureur de la République, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique, au procureur général près la cour d’appel.
Source Wikipédia France
En matière contraventionnelle, lorsque l’appel est possible, la faculté d’appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable, au procureur de la République, au procureur général, à l’officier du ministère public près le tribunal de police et la juridiction de proximité.
Complètement à côté de la plaque !
Merci niou. Je cherchais non pas ce qui gouverne la cour d’appel aujourd’hui, mais depuis quand est-ce possible de faire appel en France. D’apres votre lien, c’est seulement depuis le 1er Janvier 2001. On croit rever…
Les cours d’assises d’appel ont été créés le 1er janvier 2001 dans le cadre de la loi sur la présomption d’innocence, voici donc près de 20 ans.
J’ignorais que ce fût si récent.
Auparavant, seuls le pourvoi en cassation s’il était accepté, et la très rare procédure de révision, permettaient la tenue d’un nouveau procès.
👍 👍
La fin du droit des victimes ?………..