Le 22 avril 1860, les Savoyards et les Niçois votent pour leur rattachement à la France. Mais sait-on que quelques mois avant l’annexion de la Savoie à la France, 15000 Savoyards avaient demandé leur intégration à la Confédération helvétique ?
Les événements se sont déroulés dans un contexte de bouleversements majeurs en Europe. En juillet 1858, a lieu une rencontre secrète entre Camille Benso de Cavour, (président du Conseil du Royaume de Sardaigne, homme de confiance du roi d’Italie Victor Emmanuel II) et l’Empereur des Français Napoléon III. Il ressort de cet entretien que Napoléon III accepte d’aider le Piémont-Sardaigne à unifier l’Italie. La condition est que le pape puisse rester maître de Rome et que le Comté de Nice ainsi que la Savoie soient cédés à la France.
Mais en avril 1859, voici que l’Empire d’Autriche déclare la guerre au Royaume de Piémont-Sardaigne, parce que cet état livre des armes aux Lombards. Dans ce conflit armé, les Sardes sont facilement vainqueurs à Palestro et Montebello, alors que les Français peinent à avoir le dessus à Magenta et Solferino. C’est contrarié que l’Empereur Napoléon III signe l’armistice à Villafranca, Cavour donne sa démission. Le projet de la cession de la Savoie à la France s’enlise momentanément, on envisage alors son maintien dans le Royaume de Sardaigne ou son rattachement à la Confédération helvétique.
Le degré de volonté d’adhésion à la France de la part des Savoyards est discuté. Car si les populations de Savoie et de Nice vont finalement voter – officiellement du moins – à une grande majorité le rattachement à la France suite au traité de Turin de mars 1860, on ne peut dire avec précision si la votation a vraiment été démocratique. Le suffrage universel masculin existait en France depuis 1848, mais il semble que des pressions propagandistes ont empêché les votants savoyards d’exercer librement leur choix, le bulletin « non » étant rarement distribué aux électeurs. On sait que des bulletins portant la mention « Suisse » ont été massivement déclarés nuls.
Or il apparaît que le projet d’un rattachement à la Suisse a la faveur de certaines communes du Chablais, du Faucigny et du Genevois. Une pétition spectaculaire en ce sens récolte de nombreuses signatures dans le Duché de Savoie. Voici ce qu’écrit en 1860 un mouvement constitué d’électeurs savoyards : « Nous avons été réunis à la France pendant quelques années, nous sommes étroitement unis au Piémont depuis 1848. Cependant, malgré nos sympathies soit pour l’Italie libre, soit pour la France, d’autres sympathies d’un ordre plus élevé nous mènent à décider l’annexion à la Suisse. C’est notre désir le plus ardent, fondé sur nos rapports exclusifs avec Genève, sur nos intérêts commerciaux, sur tant d’avantages que nous ne saurions trouver ailleurs ».
A Genève, en mars 1860, un groupe de politiciens radicaux s’émeuvent du fait que les Savoyards désirant devenir suisses aient été entravés dans leur choix, et sous la conduite d’Elie Ducommun, chancelier d’Etat genevois, un groupe partisan organise une expédition musclée à Bonneville et Thonon. Cependant, les protestataires sont repoussés vers Evian et, de là, ils rejoignent Lausanne en bateau sur le Léman. Napoléon III suit de près ces mouvements d’opinion, et des émissaires secrets font remonter à l’Elysée les tendances exprimées dans la population. Hippolyte Pissard, syndic de Saint Julien en Genevois et député au parlement sarde milite vigoureusement en faveur du rattachement de la Savoie à la France. Finalement, tout sera conclu lors de la signature du Traité de Turin suivi du plébiscite confirmant officiellement la décision d’annexion.
Il se dit également que, côté helvétique, les Bernois protestants étaient peu enthousiastes pour envisager l’arrivée dans la Confédération, très soucieuse de la paix religieuse, d’une province majoritairement catholique.
Plus récemment, dans les années 2000, un mouvement savoyard pour le rattachement à la Suisse a refait surface à l’initiative de régionalistes. Des sondages étonnants montraient que la moitié des habitants de Savoie et Haute Savoie étaient intéressés par l’adhésion à la Suisse. Mais beaucoup de frontaliers s’inquiétaient de voir disparaître les avantages de leur position : habitat en France et salaire perçu en Suisse.
Après la prise de parole d’un député genevois proposant aux Savoyards l’annexion de leur région, la diplomatie helvétique a réagi de façon gênée, ne souhaitant pas voir brouiller les cartes des bonnes relations entre la Confédération et la République française. En 2020, 95000 frontaliers viennent travailler à Genève (500’000 habitants).
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
Bravo et merci Monsieur l’Abbé, il est bon de retourner son regard et d’analyser le passé. On comprend que certaines situations qui semblent inscrites dans le temps et l’histoire ne se sont en fait construites que très récemment, de manière artificielle, et toujours guidées par des intérêts prédateurs politiciens et financiers. (Du déjà vu).
Le vote était exclusivement masculin, ce qui signifie que, outre les magouilles commises, la moitié de la population de l’époque n’a pas pu s’exprimer. Fort regrettable, car comme tout le monde le sait, il s’agissait de la partie la plus éclairée, la plus sage, la plus intelligente, la plus belle : les femmes…. Dommage, dommage, dommage.
Ma belle-famille haut-savoyarde du Genevois depuis le 16e gagnait déjà sa gamelle en allant vendre sa production agricole au marché de Genève, comme beaucoup de paysans de l’époque. La campagne genevoise est catholique (sous le contrôle de votre expertise), contrairement à la vieille Ville qui elle, était protestante, c’est exactement la même population que la campagne haut-savoyarde catholique de souche.
Malheureusement, l’éducation nationale française est passée par là, dispenser ses bienfaits, lobotomisant irrémédiablement certains cerveaux, se rajoute à cela une forte population venue de l’extérieure profiter de la manne genevoise. En résumé la situation est morte, la région est condamnée à se taire, à se contenter de produire de l’excellent Reblochon, mais surtout, à demeurer la vache à lait de Paris.
Merci pour votre apport personnel et circonstancié sur le sujet que peu de gens connaissent! Dans le canton de Genève, les catholiques sont majoritaires, l’immigration espagnole, italienne et portugaise y est pour beaucoup dans la période récente, mais déjà dès 1860, le nombre de catholiques dépassait celui des protestants dans la cité de Calvin!
Les communes autour de Genève sont mitigées, souvent moitié moitié comme la fondue…
L’essentiel est surtout que les relations entre catholiques et protestants sont dans l’ensemble excellentes, et les deux Eglises gèrent ensemble l’aumônerie de l’hôpital, celle de la prison, et l’accompagnement des personnes marginalisées.
je suis sur que des villes comme grenoble n’auraient pas élu un écolo
qui n’a finalement pas obtenu le contrôle de la métropole grenobloise…
Quel dommage pour la Savoie, elle aurait été bien mieux lotie en étant Suisse que Française ! Car la Suisse est une VERITABLE DEMOCRATIE !
Quel dommage pour les savoyards ; ils auraient eu une bible écrite en version ‘arpitan’!
J’ai l’extraordinaire chance d’être savoyard et genevois, de même que je suis un supporter pour le rattachement de la Savoie à l’Helvétie (par haine du génocide de la révolution française et de la dhimmitude-collabo ambiante). Comme d’habitude, on ignore les aides discrètes de la République et Canton de Genève à la Haute-Savoie : aides pendant les catastrophes telles que l’incendie de la Mairie d’Annecy, aides scientifiques discrètes qui ont fait des Houches la plus grande réunion de Prix Nobels scientifiques en Europe, aides écologiques pour la création de sentiers de découvertes de la biodiversité etc. Bref, les Helvètes sont les meilleurs amis des Gaulois Savoyards. Et quand mes copains genevois s’étonnent que je fête l’Escalade, je leur rappelle que c’était une bataille entre Sardes et Genevois qui à l’époque n’étaient pas Helvètes ! Et ce que je fête c’est la mère Royaume et sa marmite.
Je voudrais que la Franche-Comté soit rattachée à la Confédération Helvétique…
vous avez tout à fait raison ….
Petite erreur, le député qui a fait cette proposition est Jurassien, pas Genevois ^^
quel député?
Elie Ducommun est genevois, pas jurassien.
Pour parler simplement, la Savoie et le Comté de Nice devinrent française à la suite de la libération (en partie) de l’Italie contre les autrichiens qui en occupaient le nord, après des accords passés entre Cavour et Napoléon III en 1859.
Après les batailles de Magenta (4 juin 1859) et de Solférino (24 juin suivant) ; victoires décisives mais difficiles de l’Armée française sur l’Armée autrichienne, car les tués et les blessés se comptèrent par dizaines de milliers, — d’où l’armistice de Villafranca passée à la hâte avec les autrichiens, — (à cause aussi des prussiens qui avaient 400000 hommes massés près du Rhin) qui ne permis pas à Napoléon III de remplir l’intégralité des accords passés.
Ces malheurs de la guerre permirent à un citoyen Suisse, Henri Dunant, de fonder la Croix-Rouge, mais les Suisses ne jouèrent aucun rôle dans ces batailles qui permirent l’indépendance de l’Italie.
Et Henri Dunant, fondateur de la Croix Rouge suite aux horreurs de la guerre, s’est tenu aux côtés de Théodore Herzl au premier congrès sioniste de Bâle, pour soutenir la revendication du peuple juif à retrouver son territoire ancestral occupé et à vivre en sécurité malgré ses agresseurs.