Publié par Abbé Alain René Arbez le 21 juillet 2020

Le 22 avril 1860, les Savoyards et les Niçois votent pour leur rattachement à la France. Mais sait-on que quelques mois avant l’annexion de la Savoie à la France, 15000 Savoyards avaient demandé leur intégration à la Confédération helvétique ?

Les événements se sont déroulés dans un contexte de bouleversements majeurs en Europe. En juillet 1858, a lieu une rencontre secrète entre Camille Benso de Cavour, (président du Conseil du Royaume de Sardaigne, homme de confiance du roi d’Italie Victor Emmanuel II) et l’Empereur des Français Napoléon III. Il ressort de cet entretien que Napoléon III accepte d’aider le Piémont-Sardaigne à unifier l’Italie. La condition est que le pape puisse rester maître de Rome et que le Comté de Nice ainsi que la Savoie soient cédés à la France.

Mais en avril 1859, voici que l’Empire d’Autriche déclare la guerre au Royaume de Piémont-Sardaigne, parce que cet état livre des armes aux Lombards. Dans ce conflit armé, les Sardes sont facilement vainqueurs à Palestro et Montebello, alors que les Français peinent à avoir le dessus à Magenta et Solferino. C’est contrarié que l’Empereur Napoléon III signe l’armistice à Villafranca, Cavour donne sa démission. Le projet de la cession de la Savoie à la France s’enlise momentanément, on envisage alors son maintien dans le Royaume de Sardaigne ou son rattachement à la Confédération helvétique.

Le degré de volonté d’adhésion à la France de la part des Savoyards est discuté. Car si les populations de Savoie et de Nice vont finalement voter – officiellement du moins –  à une grande majorité le rattachement à la France suite au traité de Turin de mars 1860, on ne peut dire avec précision si la votation a vraiment été démocratique. Le suffrage universel masculin existait en France depuis 1848, mais il semble que des pressions propagandistes ont empêché les votants savoyards d’exercer librement leur choix, le bulletin « non » étant rarement distribué aux électeurs. On sait que des bulletins portant la mention « Suisse » ont été massivement déclarés nuls.

Or il apparaît que le projet d’un rattachement à la Suisse a la faveur de certaines communes du Chablais, du Faucigny et du Genevois. Une pétition spectaculaire en ce sens récolte de nombreuses signatures dans le Duché de Savoie. Voici ce qu’écrit en 1860 un mouvement constitué d’électeurs savoyards : « Nous avons été réunis à la France pendant quelques années, nous sommes étroitement unis au Piémont depuis 1848. Cependant, malgré nos sympathies soit pour l’Italie libre, soit pour la France, d’autres sympathies d’un ordre plus élevé nous mènent à décider l’annexion à la Suisse. C’est notre désir le plus ardent, fondé sur nos rapports exclusifs avec Genève, sur nos intérêts commerciaux, sur tant d’avantages que nous ne saurions trouver ailleurs ».

A Genève, en mars 1860, un groupe de politiciens radicaux s’émeuvent du fait que les Savoyards désirant devenir suisses aient été entravés dans leur choix, et sous la conduite d’Elie Ducommun, chancelier d’Etat genevois, un groupe partisan organise une expédition musclée à Bonneville et Thonon. Cependant, les protestataires sont repoussés vers Evian et, de là, ils rejoignent Lausanne en bateau sur le Léman. Napoléon III suit de près ces mouvements d’opinion, et des émissaires secrets font remonter à l’Elysée les tendances exprimées dans la population. Hippolyte Pissard, syndic de Saint Julien en Genevois et député au parlement sarde milite vigoureusement en faveur du rattachement de la Savoie à la France. Finalement, tout sera conclu lors de la signature du Traité de Turin suivi du plébiscite confirmant officiellement la décision d’annexion.

Il se dit également que, côté helvétique, les Bernois protestants étaient peu enthousiastes pour envisager l’arrivée dans la Confédération, très soucieuse de la paix religieuse, d’une province majoritairement catholique.

Plus récemment,  dans les années 2000, un mouvement savoyard pour le rattachement à la Suisse a refait surface à l’initiative de régionalistes. Des sondages étonnants montraient que la moitié des habitants de Savoie et Haute Savoie étaient intéressés par l’adhésion à la Suisse. Mais beaucoup de frontaliers s’inquiétaient de voir disparaître les avantages de leur position : habitat en France et salaire perçu en Suisse.

Après la prise de parole d’un député genevois proposant aux Savoyards l’annexion de leur région, la diplomatie helvétique a réagi de façon gênée, ne souhaitant pas voir brouiller les cartes des bonnes relations entre la Confédération et la République française. En 2020, 95000 frontaliers viennent travailler à Genève (500’000 habitants).

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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