Nous sommes en octobre 1945. Dans ses “Notes sur le Nationalisme” (1) Orwell tente de répondre à une question qui le taraude depuis plusieurs années : pourquoi des personnes par ailleurs rationnelles adoptent-elles des croyances irrationnelles ou même contradictoires sur la politique ?
En tant que socialiste engagé à la fin des années 1930, Orwell s’est ouvertement moqué de ceux qui prétendaient être les champions de la classe ouvrière tout en méprisant ouvertement les véritables travailleurs. Rien n’a changé en 2020.
Car Orwell voyait le double langage, le deux poids deux mesures, que certains dénoncent pas peu de gens voient, jusque maintenant.
- Il a vu par exemple le Parti communiste britannique (PCB) affirmer que la Seconde Guerre mondiale n’était rien d’autre qu’une aventure impérialiste, jusqu’au moment où le premier soldat allemand a franchi la frontière soviétique. A ce moment, elle est devenue instantanément pour le PCB une noble lutte pour la liberté humaine.
- Son expérience la plus difficile des deux poids deux mesures a eu lieu à Barcelone en 1937.
L’année précédente, il s’était rendu en Espagne pour combattre dans la guerre civile du côté républicain.
Ses mauvaises relations avec le parti communiste britannique l’ont amené à s’engager dans la milice d’un parti socialiste antistalinien, le POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista, ou Parti des travailleurs pour l’unification marxiste).
Alors même qu’il menait une campagne acharnée, difficile, en plein hiver, dans les montagnes d’Aragon, le POUM a fait l’objet d’une campagne de propagande implacable de la part des républicains pro-soviétiques, qui insistaient sur le fait qu’il s’agissait d’un front secret pour le fascisme. - En mai et juin 1937, le POUM et les autres organisations indépendantes de gauche à Barcelone ont été brutalement réprimés par le gouvernement républicain, ainsi que par les communistes soutenus par l’Union soviétique.
- Orwell a vu ses amis et ses camarades subir – déjà – la Cancel culture, être arrêtés et, dans certains cas, fusillés.
- À son retour en Grande-Bretagne, il trouva le Parti communiste britannique déterminé à transformer l’image du POUM en Parti fasciste. Pourquoi ? Parce qu’admettre qu’il puisse y avoir une différence d’opinions à l’intérieur des groupes de gauche par rapport à l’Union soviétique, ou que les communistes espagnols puissent avoir agi injustement, était inacceptable.
La trahison du POUM par les communistes a pesé sur le moral d’Orwell pendant la Seconde Guerre mondiale, et La ferme des animaux* a fourni un exutoire à sa colère. Elles ont également inspiré ses “Notes sur le nationalisme”.
Notes sur le nationalisme
Orwell n’y parle pas seulement de loyauté envers le pays.
Il a plutôt utilisé le nationalisme comme un raccourci pour évoquer différents types de loyauté : du groupe envers un pays, envers une religion, un parti politique ou une idéologie.
- Un nationaliste peut être défini par son appartenance à un groupe, ou par son opposition à un groupe, ce qu’Orwell appelait le nationalisme “négatif”.
- Orwell a utilisé les antisémites comme exemple de ce dernier.
- Autre nationalisme négatif : la “minorité de pacifistes intellectuels dont le motif réel, bien que non admis, semble être la haine de la démocratie occidentale et l’admiration du totalitarisme”.
- Il s’est ensuite attaché à expliquer comment tout le monde – aussi raisonné et équilibré soit-il – est capable de penser de manière irrationnelle et partiale lorsque notre sens de l’identité de groupe est remis en question.
Il a ainsi identifié trois caractéristiques de la pensée “nationaliste”.
- Premièrement, l’obsession – le besoin de l’idéologue de tout filtrer à travers une lentille idéologique.
- Deuxièmement, l’instabilité – la capacité de l’idéologue à passer de la croyance en une chose, à la croyance rapide en une autre, pour suivre la ligne du parti.
- Et troisièmement, l’indifférence à la réalité.
Le fait inadmissible
Un des aspects les plus intéressants des “Notes sur le nationalisme” est le “fait inadmissible”, si commun dans les médias qu’on croirait ce trouble mental né avec les réseaux sociaux et internet qu’on oublie qu’il est partie intégrante de la nature humaine.
- Un “fait inadmissible” est quelque chose qui est largement prouvé comme étant vrai, qui est accepté comme étant vrai, mais qui pourtant ne peut pas être admis par les adeptes d’une idéologie particulière.
- Ou, s’ils admettent le fait, ils expliquent ou le rejettent comme étant sans importance, un fait minime.
Orwell donne un exemple :
“The Liberal News Chronicle”, écrit-il, “a publié, comme exemple de barbarie choquante, des photographies de Russes pendus par les Allemands.
Puis, un an ou deux plus tard, il a publié avec une chaleureuse approbation des photographies presque similaires d’Allemands pendus par les Russes”.
Le “fait inadmissible anticipe la double pensée de 1984*, dans laquelle les atrocités “sont considérées comme normales et, lorsqu’elles sont commises par son propre camp et non par l’ennemi, méritoires”.
Ainsi, explique Orwell dans une phrase dont nous souffrons quotidiennement de l’inversion morale qu’elle dévoile, “le premier pas sur le chemin trompeusement court du totalitarisme est de croire que nos ennemis politiques représentent une menace si grave que les vaincre prime sur la vérité, la cohérence ou le bon sens.”
“Pour ceux qui se sentent profondément concernés par la politique contemporaine, certains sujets sont devenus tellement infectés par des considérations de prestige qu’une approche véritablement rationnelle est presque impossible”, a écrit M. Orwell.
Tout espoir est donc perdu d’être honnête lorsqu’on parle de politique ? Ou devons-nous éviter complètement la politique ?
Orwell pense qu’il ne faut pas abandonner.
“Je pense qu’il faut faire de la politique – en utilisant le mot dans un sens large – et qu’il faut avoir des préférences : c’est-à-dire qu’il faut reconnaître que certaines causes sont objectivement meilleures que d’autres, même si elles sont avancées par des moyens tout aussi mauvais”, a-t-il écrit, révélant ainsi ce biais qu’il dénonce lui-même.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
- https://www.orwellfoundation.com/the-orwell-foundation/orwell/essays-and-other-works/notes-on-nationalism/
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plus ça change plus c’est pareil …. les démocrates sont supposément les défenseurs de la communauté Noir mais ils sont les créateurs du KKK …. biden représente la défense des Noirs mais dans les années 60 il paradait avec le grand dragon du KKK + lui , barack obama et bill clinton ont assister a ses funérailles bref un Président Noir faire les éloges a un défunt KKK est le comble du ridicule malgré cela AUCUN MÉDIAS ose en parler
grand écrivain qui avait tout compris avant les autres………..
Il y a aussi le concept de la théorie naïve.
Elle est d’abord exprimée, sans fondement réel, mais gentiment, par une autorité. Un médecin, c’est très bien, comme autorité. On vient de le voir dans l’histoire du confinement.
Il suffit ensuite à quelques personnages connus de répéter cette théorie pour qu’elle soit naïvement acceptée par les braves gens.
J’ai vécu l’exemple de la décision des autorités de la république de Genève concernant la dangerosité des chiens de race pit-bull.
Petit à petit, des ingénus en ont rajouté des couches, des ingénus du genre journalistes ou politiciens.
Ainsi, à Genève, tous les chiens, tout petits ou très gros, durent porter une muselière dans les lieux publics, et tous les propriétaires de chiens, éleveurs confirmés et vétérinaires compris, durent accepter de suivre une formation sur deux ans pour avoir le droit de sortir avec un chien, sous peine d’amendes sérieuses.
Une formation avec des gens en réalité incompétents, pour évidemment un résultat inexistant, le nombre de morsures de chiens n’ayant jamais baissé.
Mais, finalement, la vérité a fini par percer, ce qui est arrivé au marxisme dans de nombreux pays. Et les autorités genevoises ont abandonné le port obligatoire de la muselière…
“fanatisme de gauche versus dogmatisme de droite, au milieu, une seule victime, l’intelligence, et son embryon, la vérité”. Maurice G. Dantec.
en parlant d’un écrivain d’anticipation qui en avait compris beaucoup avant les autres…
Est-ce que le totalitarisme aurait pu naître dans une société d’Ancien Régime ? Ou bien l’abstraction et l’absolu nés de la Révolution française sont un préalable nécessaire à l’émergence du totalitarisme dans une société donnée ? A mon avis, c’est là le point de départ pour penser Orwell.
Bien sûr qu’il pouvait naître dans l’Ancien Régime. Savonarole, Calvin et sa république théocratique de Genève, qui n’avait rien à envier à l’Iran des mollahs…
Dans l’Antiquité, Sparte était aussi soumise à un régime totalitaire.
Et n’oublions pas LE Totalitarisme des totalitarismes, l’islam, inspirateur direct du nazisme.
En matière politique, rien de nouveau sous le soleil, en cherchant un peu, on trouve toujours un analogue dans le passé.
est-ce ce ORWELL qui a écrit le roman “1984 “? !
Google est ton ami.
!!!
Oui.
Cette splendide phrase d’Orwell ne parle ni de gauche ni de droite, mais bien de totalitarisme et pour en saisir toute l’universalité, il faut l’appliquer à l’islam et à sa taqiya, par exemple. S’il y a un groupe humain pour qui la vérité est une calamité, c’est bien eux. S’ils votent à gauche, c’est davantage par connivence nihiliste que par conviction politique. Et c’est pas pour faire jolie mais bien pour réaliser leur totalitarisme universel, où ils pourraient régner comme des esclaves tyranniques et despotes. On ne peut pas trouver meilleur exemple.
Souriez, la caméra intégré de votre ordi vous observe!
Les masques ne seraient-ils pas les prémisses du port généralisé de la muselière ?! Gêne respiratoire, gêne du discernement, signe de soumission et, subtilement, de bonne appartenance, glissement progressif vers la reconnaissance et l’acceptation de nouveaux catéchismes, mise en place, à peine dans l’ombre, de futurs bûchers et de vieux signes discriminatoires cousus au vêtements et dans le vif des consciences conditionnées ?!…
Et concernant la religion politique verte d’amour et de paix, elle connaît très bien cette même dynamique. Faute de conquête et de soumission par les armes, un autre registre est celui de la croissance démographique, de la propagande simpliste, du lavage de cerveau par réécriture de l’histoire et de la traite systématique de toutes les mamelles étatiques, ce qui finira bien par affaiblir et coucher le pays à soumettre. Une politique de gauche se prêtant d’ailleurs très bien comme véhicule pour ce genre de Trittbrettfahrer, resquilleur se clamant si souvent victime…
Quel article intéressant sur un auteur non moins intéressant !
Merci beaucoup M. JP GRUMBERG, c’est un grand plaisir de vous lire…
La phrase d’Orwell est selon moi juste, mais trop étroite, elle restreint le problème au seul aspect de l’écrasement des opposants.
Je généraliserais le propos en disant que le totalitarisme émerge lorsque l’on commence à considérer que les idéaux et les fins l’emportent sur la vérité et justifient le mensonge.
Ce qui est assez logique, car le seul moyen d’empêcher la vérité de sortir et de dissimuler l’évidence, c’est d’imposer les mensonges par la terreur, l’endoctrinement et le lavage de cerveau, autrement dit le totalitarisme (contrôle total des individus, y compris leurs pensées).
Au risque de me répéter, l’islam et Mahomet en offrent un exemple éclatant. Ce n’est pas pour rien que l’islam interdit la lecture en-dehors du coran, lecture réservée de préférence aux tauliers (imams, mollahs et autres “savants”), il est préférable que la grande majorité des soumis ne puissent se renseigner directement et restent. analphabètes.