Publié par Thierry Martin le 12 août 2020

La « woke generation », c’est la génération indignée. Mais il n’est pas dit que cette génération de soi-disant indignés ne reste pas dans l’Histoire comme une génération indigne, car en déboulonnant les statues, ne se conduisent-ils pas comme ces talibans qui ont détruit les statues de bouddhas millénaires.

De son côté, John Cleese des Monty Python pointe le comportement politiquement correct des médias.

En quelques dizaines d’années nous sommes passés de l’entre-soi « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui », à « on ne peut plus rire du tout ». À 80 ans, Cleese est plus occupé que jamais, depuis sa première performance internationale en direct, intitulée Why There Is No Hope, dans un théâtre vide de Londres la semaine dernière jusqu’à son prolifique compte Twitter, écrit Matt Wilstein dans The Daily Beast[1] à qui le comédien a donné une interview.

John Cleese des Monty Python pense que la « woke » culture tue la comédie. En Amérique du Nord, en Angleterre, tout comme en France maintenant, le « woke » a succédé au « cool ». On ne plane plus, on est dans un état de surexcitation hyperactive, en éveil (woke). La technologie des smartphones et de l’internet n’y est pas pour rien. On parle désormais de « cancel culture », c’est la culture de la réécriture de l’Histoire au moyen de l’effacement, ce qui n’est pas sans rappeler les bonnes vieilles photos trafiquées de l’ère stalinienne. C’est la génération indignée. Aujourd’hui elle tient le haut du pavé. Mais il n’est pas dit que cette génération de soi-disant indignés ne reste pas dans l’Histoire comme une génération indigne, car en déboulonnant les statues, ne se conduisent-ils pas quelque part comme ces talibans qui ont détruit les statues de bouddhas millénaires.

Souvenons-nous qu’en 2001, les Bouddhas géants de Bâmiyân en Afghanistan, après avoir survécu durant plus de quinze siècles, assisté à la destruction de la ville de Bâmiyân par les Mongols de Genghis Khan en 1221, subi l’occupation soviétique, furent détruits par les Talibans au moyen d’explosifs et de tirs d’artillerie. En mars 2001, les deux statues avaient disparu après presque un mois de bombardement intensif, sur les conseils de saoudiens venus pour aider le gouvernement des talibans à former leur police de répression du vice et de promotion de la vertu. Sérieusement, monsieur le cinéaste iranien Mohsen Makhmalbaf ! en Afghanistan, les bouddhas ont bien été détruits, et ne se sont pas écroulés seuls, soi-disant de honte face à l’ignorance du monde envers la misère afghane[2]. La misère a souvent bon dos.

Ça jette un froid, mais le 11 septembre est venu confirmer qu’il y avait des gens sur terre qui n’étaient pas là pour rigoler. Comme la niche vide du grand Bouddha de Bâmiyân, le vide laissé à Ground Zéro par les tours jumelles, l’idéologie de la « cancel culture » issue de la politique des identités (Identity politics) participe du même nihilisme.

L’acteur et comédien britannique des Monty Python, John Cleese, a déclaré que les partisans des identités (woke mob) détruisait la comédie à force d’injonctions politiquement correctes (political correctness), affirmant que ces personnes qui cherchent à faire respecter ces nouveaux codes de la parole n’ont « aucun sens de l’humour ».

La star de Monty Python et de Fawlty Towers s’en est prise à cette version moderne de la « culture de l’annulation », affirmant que les partisans du mouvement — qui a cherché à interdire les personnalités politiques et médiatiques qui expriment des convictions politiques prétendument grossières ou font des blagues de mauvais goût — ne comprennent pas la nature de la comédie.

S’exprimant dans le Podcast The Last Laugh du Daily Beast, l’une des plus anciennes légendes de la comédie britannique a déclaré qu’il y a « beaucoup de gens qui sont maintenant des PC [politiquement corrects] et qui n’ont absolument aucun sens de l’humour. J’aimerais débattre, de façon amicale, avec quelques personnes dites « réveillées » (ces partisans des identités nommés « woke people ») devant un auditoire. Et je pense que la première chose que je dirais est, s’il vous plaît, dites-moi une bonne blague de « réveillé ». » (a good ‘woke’ joke.”)

« Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il y a deux types de taquineries », a ajouté Cleese en expliquant : « Il y a des taquineries vraiment désagréables, ce qui est horrible, et nous ne devrions pas le faire, point final. Mais l’autre type de taquinerie est affectueux. On peut taquiner les gens de façon très affectueuse et c’est un mécanisme de liaison. »

En examinant la nature de la comédie, John Cleese a dit : « Tout humour est critique. On ne peut pas se moquer des êtres humains parfaits. Si vous avez quelqu’un sur l’écran qui est une bonne personne, parfaite, intelligente, gentille et souple, il n’y a rien de drôle à cela. On ne rit donc que de la fragilité des gens, mais ce n’est pas cruel. On peut rire de la fragilité des gens de façon très drôle et généreuse en même temps. »

Le comédien de gauche, qui a toujours soutenu le Brexit [mauvais point], mais critique fréquemment le président Donald Trump [bon point], a lui-même eu des démêlés avec la « brigade en ligne » après avoir déclaré que « Londres n’est plus vraiment une ville anglaise » après des vagues massives d’immigration.

So British, délicieusement irascible, sarcastique et un tantinet grognon, « le gérant d’hôtel campé par l’ancien Monty Python dans les années 1970 n’était peut-être pas un rôle de composition » a laissé entendre Sadiq Khan selon le Guardian : « Les Londoniens savent que notre diversité est notre plus grande force, nous sommes fièrement la capitale du Royaume-Uni, une ville européenne, et un centre mondial. » Le maire de Londres oubliant juste de parler de la multiplication des attaques au couteau et à l’acide.

Expatrié aux Bahamas, car lassé par les mensonges de la presse britannique, mais très actif sur Twitter il a suscité de vives réactions dans son pays d’origine en écrivant : « Il y a quelques années, j’estimais que Londres n’était plus vraiment une ville britannique. Depuis, presque tous mes amis de l’étranger ont confirmé mon observation, il doit donc y avoir un peu de vrai… »[3] Le comique ajoute que Londres est la ville qui, en 2016, avait voté le plus massivement pour rester dans l’Union européenne.

« Je suis très déçu par la direction prise par le pays, et mes inquiétudes concernent particulièrement les journaux », avait déjà expliqué l’acteur lors d’un entretien relayé par le Guardian en 2018[4]. Pour John Cleese, ce ne sont pas ses compatriotes qui sont à blâmer, mais la médiocrité de l’information distillée par les médias.

M. Cleese a conclu qu’au cours des dernières années, il avait compris l’importance de la comédie, en disant qu’il y a trois ans, il avait rencontré des Serbes touchés par la guerre en Bosnie, qui lui avaient dit qu’ils regardaient les Monty Python pour échapper à leur détresse. « Ils ont dit : « Nous nous sommes sentis mieux par la suite. Cela nous a relevé d’une façon ou d’une autre. » Bien que rien n’ait changé dans le monde réel.

Et j’ai commencé à y penser quand j’ai rencontré des gens après mes spectacles sur scène et des hommes de 70 ans m’ont dit, littéralement les larmes aux yeux, « merci de m’avoir fait rire pendant les 40 dernières années ».

« C’est très touchant. Les femmes disent autre chose. Elles disent : « Merci de m’avoir aidé à former mon sens de l’humour. Si j’ai touché les gens d’une façon ou d’une autre, c’est tout ce que je veux », a-t-il fait remarquer en prenant le risque de tenir un discours hautement subversif : dire que les hommes et les femmes, ce n’était pas pareil.

« Je ne pense pas qu’on me donnera un prix Nobel pour autant », a-t-il plaisanté.

Thierry Martin

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