Publié par Gilles William Goldnadel le 24 août 2020

En plein cœur du mois d’août, empêchant tout débat public comme seule une grande démocratie sait le faire, l’Assemblée nationale française a adopté, dans le cadre de la loi bioéthique, un amendement autorisant l’interruption médicale de grossesse (IMG) jusqu’au 9e mois pour « détresse psychosociale ».

Dreuz a demandé à l’avocat Gilles-William Goldnadel de réagir sur le sujet, sa réponse nous a surpris – dans le bon sens du terme – à plus d’un titre.

Gilles-William Goldnadel, la peine de mort est interdite en France, et maintenant on autorise l’avortement d’un bébé – d’ailleurs ce n’est plus un avortement – jusqu’à quelques heures après sa naissance, il n’y a pas une incohérence ? 

Il y a une immense contradiction que j’ai déjà condamnée lors de l’adoption de cette loi. Il faut bien comprendre que l’accouchement de cette loi, si j’ose dire, s’est produit en pleine torpeur estivale, dans une loi sur la bioéthique qui était en vérité sur la PMA entre femmes. On a fait une sorte de bretelles légale, où l’on a décidé d’autoriser désormais jusqu’au 9e mois de la grossesse un avortement dès l’instant où il y aurait un risque, je mets entre guillemets “psychosocial”, pour la mère. Personne n’est capable de dire ce qu’est le risque psychosocial, et cette définition est livrée à l’arbitrage de deux médecins qui donneraient l’autorisation en question. 

Il existait déjà, mais c’est beaucoup plus compréhensible, pour une mère d’avorter à tout moment dès l’instant où il y avait un risque pour elle-même. La loi préfère, et la religion aussi, sauver la femme plutôt que l’enfant, ça se comprend. Mais venir légiférer sur un risque psychosocial, autrement dit une détresse morale, et autoriser, en cas de détresse morale de la femme, de supprimer son enfant à naître, nous ne sommes plus dans le cadre d’un avortement mais d’un infanticide, au 9e mois.

Et bien là, il y a une transgression morale que je vous avoue que j’ai du mal à expliquer rationnellement, pour autant que l’on soit encore sous l’égide de la raison. J’ai comparé avec le fait que dans nos sociétés occidentales, et sous les pressions du progressisme, la peine de mort est considérée comme le comble des abominations. Autrement dit, vous n’avez pas le droit d’exécuter monsieur Fourniret, vous n’avez pas le droit d’exécuter quelqu’un qui a coupé en morceaux un petit enfant parce que ce serait se mettre à la place de l’assassin.

Je vous rappelle que le débat sur la peine de mort n’a pas été aussi simple qu’on veut bien le dire maintenant. L’interdiction de la peine de mort l’a emporté pour deux raisons : la première est que l’on considérait sur le plan moral qu’on ne pouvait pas enlever la vie, et qu’il y avait un risque d’erreur judiciaire, ce qui est vrai – mais vous pouviez très bien réserver la peine de mort en cas d’aveu – et puis la seconde, les abolitionnistes l’ont emporté en vendant le fait qu’en termes de sévérité, il est bien plus sévère de conserver quelqu’un toute sa vie durant en prison que de le faire partir tout de suite. Sauf que le lendemain matin de l’abolition de la peine de mort, on s’apercevait, et de plus en plus, à chaque fois même, que la peine de prison à perpétuité était une chimère, et qu’aujourd’hui, en moyenne, un condamné à perpétuité fait 17 ans de prison. En termes de dissuasion, on est très loin du pire châtiment que représente la peine de mort. 

En réalité, sous couvert de vouloir protéger la vie, il y avait dans l’esprit de beaucoup d’abolitionnistes – je ne dis pas tous – le fait de davantage penser au coupable qu’à la victime, parce une sorte de détournement de la raison, ou d’inversion des normes. 

Je vous dis cela parce que, quand on y réfléchit bien, tolérer d’assassiner un petit enfant innocent, mais pas d’exécuter un criminel inexcusable et coupable, vous voyez bien qu’on est dans l’inversion des normes. 

J’essaie d’expliquer l’inexplicable mais je pense que nous sommes au cœur de cela.

Ajoutez à cela un inconscient très fort qui répugne à tolérer de la part de l’État, qu’on a considérablement émasculé ces trente dernières années – vous voyez bien dans quelle situation sécuritaire nous sommes : l’État n’est plus qu’un colosse aux pieds d’argile – il est hors de question de tolérer de l’Etat émasculé qu’il fasse montre de la moindre virilité. 

Par contre, sous l’égide du féminisme triomphant – pardon d’être au cœur de la psychanalyse, presque avec virilité – au nom de la mère, vous pouvez tolérer l’assassinat. Pardon d’aller jusqu’à ces explications pour expliquer l’inexplicable. 

Mais cette décision d’autoriser l’avortement jusqu’au 9e mois était très désirée par les gens qui se situent à l’extrême gauche du spectre politique, lesquels demandent un contrôle beaucoup plus important de l’État sur la vie des gens.

Vous avez raison. Ca fait partie des multiples contradictions de l’extrême gauche en majesté. 

Il y a 4 ans, lorsque Donald Trump s’opposait à Hillary Clinton dans la course à la présidence, et que Hillary Clinton avait déclaré être favorable à l’avortement jusqu’au dernier jour du 9e mois de la grossesse, Dreuz avait été attaqué par les médias bien-pensants de gauche comme conspirationniste, comme diffuseur de Fake News abominables. Ceux qui niaient à l’époque qu’un dirigeant de gauche puisse vouloir cet infanticide l’agréent aujourd’hui.

Vous savez, la dernière mode de la gauche extrême pour nier la réalité, quand on la lui met sous le nez, c’est expliquer que c’est un fake. Exemple, le pacte de Marrakech. Ils ont expliqué au départ que c’était une pure invention des conspirationnistes. C’est la dernière arme à la mode.

Mais pour terminer sur notre sujet principal, c’est quand même un étrange paradoxe que de s’en remettre à deux hommes pour décider de la vie d’un innocent, alors qu’on n’a pas voulu s’en remettre à douze pour décider de la mort d’un coupable. 

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel pour Dreuz.info

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