Publié par Thierry Ferjeux Michaud-Nérard le 27 septembre 2020

Lorsqu’il est question de l’État d’Israël, les médias de la gauche bien-pensante nous imposent des jugements à l’emporte-pièce et des commentaires fondés sur une propagande irrationnelle, mais surtout pas sur une vraie connaissance approfondie de la réalité.

L’État juif occupe dans les consciences une fonction particulière qui suscite des débats passionnés peu soucieux de rigueur. Les commentaires de la gauche bien-pensante émanent d’intellectuels, de journalistes et d’hommes politiques français qui répandent des discours inexacts et de mauvaise foi. Questionner l’État d’Israël, sa réalité sociale et politique d’un point de vue moral, est un défi. Car enfin, y a-t-il un État au monde qui soit, comme Israël, constamment interpellé d’un point de vue moral ? Pour comprendre et juger en connaissance de cause, la distance de la réflexion s’impose.

À propos de l’existence des Arabes en Palestine, Herzl airait dit : “C’est certain, nous causons du tort. Exactement comme l’homme qui vit cause du tort. Vivre c’est causer du tort. Respirer, se nourrir, grandir, toutes les fonctions organiques vitales impliquent qu’on cause du tort. Tout le sens de la vie humaine, c’est d’être placé à chaque heure devant la responsabilité suivante : Je ne veux pas causer plus de tort que je ne le dois pour vivre”. Martin Buber, Foyer national juif et politique nationale en Palestine (1929).

Lorsqu’il s’agit d’Israël et des Israéliens, tout devient de l’ordre du mythe et du fantasme. Israël est, objectivement et à l’échelle du monde, un petit pays sur la carte. À peine plus de 9 millions d’habitants, sur un territoire comme la Belgique. Pourtant, Israël occupe souvent la première page des journaux occidentaux et les gros titres de leurs pages intérieures. Quel autre pays est à ce point décrié pour ses implantations et son traitement des territoires, son Shin Beth et ses religieux fanatiques ? Qui est le plus souvent mis en cause par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de l’ONU, ou la Communauté européenne bien-pensante qui finance les terroristes palestiniens ? Quel autre pays suscite-t-il des haines aussi tenaces ?

(adapté de la Revue “Autrement” : (Veux-t-on) “Comprendre ou juger Israël” ? n°70, septembre 1993)

La Revue des Deux Mondes : La haine d’Israël, Penser la crise avec Hannah Arendt :

Quand Israël est en train de normaliser ses relations avec les États arabes sunnites voisins, alors que la cause palestinienne est de moins en moins la cause des pays arabes, la détestation d’Israël est toujours vivace dans de nombreuses franges de notre société. Il s’agit bien d’une impossibilité de reconnaître Israël comme foyer national légitime du peuple juif et surtout son droit à vivre en sécurité dans ses frontières.

En 2020, Israël et les juifs ne sont jamais loin lorsqu’il s’agit d’étaler des théories complotistes.

La nouvelle élection d’Israël : Jamais, dans son histoire, l’État d’Israël n’a été aussi fort, et jamais sa légitimité n’a été aussi contestée par la gauche bien-pensante. 72 ans après son indépendance, cette jeune démocratie est devenue une puissance politique, militaire et technologique de tout premier plan. Longtemps menacée par le refus arabe et ostracisée sur la scène internationale, Israël réussit à rompre son isolement et à étendre ses horizons diplomatiques à travers les continents, jusqu’à s’allier ses ennemis d’hier : l’Égypte, la Jordanie, récemment les Émirats arabes unis, demain peut-être Bahreïn, Oman, voire l’Arabie saoudite.

Tous ses détracteurs rejettent ce succès historique et l’existence même de l’État hébreu !

Autrefois, la réprobation portée par les États arabes et le tiers-monde avait une forme politique. Mais quand aujourd’hui l’encerclement diplomatique s’est évanoui, ce ne sont plus des États qui l’arborent, c’est un autre pouvoir, idéologique, logé au sein de la société, qui veut encercler Israël d’un nouveau blocus, moral et culturel. Mais la marche des États ne coïncide pas avec l’humeur des médias et de la gauche bien-pensante.

La haine d’Israël, aurait dit le roi Hassan II, est le principal aphrodisiaque du monde arabe. Cette vieille passion est antérieure à la création de l’État hébreu : ses premières grandes éructations remontent à la révolte arabe (1936-1939) qui a entraîné la séparation des communautés juives et arabes dans la Palestine mandataire. La haine d’Israël a sa traduction politique dans le rejet par les Palestiniens et les États arabes, d’abord du projet de la commission Peel (1937) de partager la Palestine mandataire entre juifs et Arabes, puis du plan de partition voté par les Nations unies en 1947 qui prévoyait deux États séparés, Israël et Palestine.

Et elle sera exacerbée, institutionnalisée, au rythme des défaites militaires des État voisins : celle de 1948 qui provoque le départ, dans certains cas l’expulsion, des centaines de milliers de Palestiniens vers les États voisins, en 1955, avec l’expédition de Suez, au lendemain de la guerre des Six-Jours, suivie des trois non arabes solennisés à Khartoum : ni paix avec Israël, ni reconnaissance, ni négociation. Enfin, dans le sillage de la guerre du Kippour (1973), la crise du pétrole, provoquée par les États producteurs pour punir les Européens de leur soutien à Israël, condamna l’État hébreu à un isolement international sans précédent.

La proscription idéologique a fait le reste. Elle visait à poursuivre la guerre par d’autres moyens. Elle ne se contentait pas d’utiliser le drame des réfugiés palestiniens qui étaient, depuis 1948, parqués dans des camps au sein des pays d’accueil. Elle reposait sur un argumentaire dont la clé de voûte était la dénégation au mouvement sioniste du droit à l’autodétermination : les Juifs ne constituent pas un peuple mais font partie d’une religion, laquelle, par définition, ne procure pas des droits politiques. Déjà en 1947, devant l’assemblée des Nations Unies, les représentants arabes l’ont dit et répété : il n’existe pas de continuité entre les anciens Hébreux installés sur la terre de Judée et les Juifs qui voulaient maintenant y créer un foyer national. C’était nier les traits constitutifs de l’identité nationale que les Juifs avaient perpétuée à travers les âges, l’adhésion commune à un passé, à une mémoire, à des traditions, des mythes, des aspirations partagées. (Ran Halévi)

Les racines oubliées d’une passion progressiste haineuse : Jusqu’en 1948, l’antisionisme a nourri le débat intellectuel : Fallait-il créer un État juif ? État juif au sens de nationalité et non de religion seule. Depuis le 14 mai 1948, ce débat n’a plus de raison d’être ou ce serait réactiver le désir de détruire l’État d’Israël.

Pour autant, cela n’ôte rien à la légitimité de la critique même radicale de la politique israélienne.

L’antisionisme actuel n’a rien à voir ni avec la réalité du conflit palestinien, ni avec le sionisme réel, de la même façon que la paranoïa antisémite n’a plus rien à voir avec le Juif réel. A fortiori, quand le discours antisioniste de la doxa laisse de côté les questions-clés à l’échelle du monde : l’inégal partage des richesses, la disproportion des enjeux entre Juifs et Arabes et la nature profondément anti-coloniale du projet sioniste.

Enfin la question du droit historique des Juifs, loin de l’assertion selon laquelle Dieu aurait donné cette terre aux Juifs. C’est que la question est ailleurs : le sionisme perturbe l’économie psychique de l’Europe !

Le sionisme irrite quand il met en lumière une modernité régressive qui n’est pas toute la modernité et qui montre que le culte du progrès n’est pas synonyme d’un progrès de la raison. À l’instar de Léon Pinsker, les pré-sionistes russes avaient été parmi les premiers à saisir l’ambivalence de la pensée des Lumières.

Avec Ahad Ha’Am et quelques autres, ils ont compris que les Lumières émancipent le Juif et tendent à l’assimiler, mais nourrissent en même temps une nouvelle forme de rejet. Moins le Juif se distingue de ses concitoyens, plus la différence se fait infime, et plus ce qui persiste du Juif est mal perçu.

La modernité démocratique homogénéise au point de voir dans toute différence un scandale et une injustice. En même temps qu’elle l’émancipe, la modernité laisse le Juif sans défense, impuissant devant ce malentendu lourd de dangers : le Juif émancipé se vit individuellement comme Juif, mais c’est en tant qu’être Juif collectif qu’il est perçu dans le regard des autres. Sa réussite est individuelle, mais elle est perçue comme la réussite collective du groupe des Juifs. Le sionisme confirme l’impasse des stratégies d’émancipation !

Comment oublier que c’est au cœur de l’Europe émancipatrice qu’a surgi la plus grande catastrophe de l’histoire juive moderne ? La haine du Juif n’a pas disparu. Elle a mué. C’est pour une raison profonde que le sionisme insupporte : parce qu’il marque la décolonisation psychique du Juif et qu’il brise une soumission qui fait partie de l’économie culturelle de l’Europe. Parce qu’il émancipe un sujet dominé qui fut longtemps au cœur de l’imaginaire maudit de la chrétienté dont l’Occident est né historiquement. La sujétion du Juif est au cœur de l’existence chrétienne, voire de son équilibre. La domination du Juif et son humiliation, au moins jusqu’au concile Vatican II, a participé des bases de la vision chrétienne du monde. La parole libérée du Juif (au sens psychique du sujet) met en péril un équilibre qui tout entier avait été construit à son détriment. C’est ce qui, des siècles durant, avait figuré cette part d’altérité dont le rejet avait permis à l’autre de se constituer.

Le sionisme insupporte quand il suppose la disparition de l’antique soumission juive, quand il délivre le Juif d’une peur de colonisé et qu’il prive d’exutoire des sociétés minées par leur propre violence interne.

Pour autant, la haine du Juif n’a pas disparu. Elle a changé. Elle s’est sécularisée. Elle se focalise désormais sur un État-nation dont l’identité et la force demeurent autant d’impensés dans des mondes où le rabaissement du sujet Juif avait longtemps participé de l’ordre des choses. (Georges Bensoussan)

L’antisémitisme arabo-musulman et la faillite du monde : L’actualité dans nos banlieues maghrébines est profondément antisémite en France, née du conflit avec Israël dans ses dimensions, palestinienne, arabe, musulmane. L’antisémitisme arabo-musulman militant lui doit une grande partie de sa folie islamiste !

Les relations israélo-turque et israélo-iranienne sont jugées avec passion par les islamistes. L’Iran et la Turquie, pays non arabes et grands musulmans (162 millions de fidèles à eux deux) et fierté de l’oumma, ont le désir d’anéantir Israël. Et d’une manière perplexe par les antisémites qui se revendiquent d’autres mouvances politiques, nationaliste, libérale, socialiste ou autre, et voient en eux une chance et un danger.

La chance est que la Turquie et l’Iran sont de vraies puissances qui mènent de vraies politiques contre Israël, comprenant un vrai volet militaire, nucléaire dans le cas de l’Iran. Le danger est que leur victoire sur Israël signera la fin du monde arabe. Ces pays sont ses ennemis jurés : la Turquie voudra reconstituer l’Empire ottoman sur les ruines d’Israël et du monde arabe qui se délitera de lui-même à la disparition de l’État d’Israël, et l’Iran chiite revendiquera ses droits légitimes sur l’islam usurpés par les califes sunnites à la mort du Prophète. Quels pays arabes voudraient voir Israël tomber sous les coups des Turcs et des Iraniens ?

Pas un ! Antisionistes, Oui ! Mais ils ont besoin d’Israël pour tenir à distance ces deux mastodontes, frères en Islam mais traîtres devant l’Éternel. Voilà pourquoi ils envoient des signaux à Israël. Ils donneraient la Palestine si l’État d’Israël les débarrassait de l’Iran, comme Netanyahou l’avait promis. Comment vaincre ce mal inépuisable de l’antisémitisme qui avilit l’humanité ? L’antisémitisme nouveau est lié à la salafisation de la société sur fond de pauvreté galopante et d’incurie gouvernementale crasse. (Boualem Sansal)

Revue “Autrement” : La “réponse” des intellectuels étrangers, des journalistes et des diplomates en poste en Israël est en général la même. : C’est une réponse paradoxalement flatteuse : “Oui, mais vous, c’est autre chose”. Vous, ce sont les Juifs. Autre chose, cela signifie que l’on attend du Juif une conduite morale et intellectuelle que l’on n’attendrait pas d’un autre. Un Français, un Allemand, un Catholique, un Musulman, Oui, mais un Juif, Non. Un Juif, c’est autre chose. Les Juifs sont le peuple de la Bible, ils ont un “lien spécial” avec Dieu, ils ont été pendant des milliers d’années le symbole de l’humanité et de la civilisation, etc. Le Juif paraît en conséquence être le dernier refuge, en ces temps d’effondrement des religions occidentales et des idéologies utopistes, d’une certaine idée de l’homme, comme de Gaulle avait une certaine idée de la France.

Quand on est confronté à sa propre image dans le miroir, on en veut aux Israéliens de ne pas être conformes à ce mythe du Juif qu’ils devraient à tout prix sauvegarder : un Juif devrait traiter les Arabes avec douceur et compréhension, il ne devrait pas sanctifier la terre, un rabbin ne devrait pas voler, un membre de kibboutz devrait tout consacrer à sa collectivité et surtout ne jamais rien demander pour lui-même, Jérusalem devrait être céleste et non cette petite capitale de l’État d’Israël où les haines sont féroces et où on risque de se faire poignarder. Les nations chrétiennes voudraient à tout prix que l’Israélien reste conforme à l’archétype biblique d’Abel, le bon, le beau, le berger, le pur, mais aussi… celui qui est tué, qui a vocation au martyre.

Pour beaucoup d’Israéliens, Mitterrand a porté cette attitude à l’extrême ! Débordant d’amitié pour le peuple juif et débordant de critique moralisante à l’égard de l’État d’Israël. Ami ostentatoire d’Élie Wiesel, symbole vivant de la Shoah et du Juif de l’exil, mais accusateur des gouvernements israéliens de chair et de sang. Mitterrand se sera comporté comme un amant déçu, qui vibre au souvenir de la dulcinée qu’il porte dans son cœur, mais qui est blessé et amer de sa conduite volage ? L’idéal socialiste de Ben Gourion, le kibboutz, la rédemption du Néguev, Oui ! La conduite d’Israël face aux lanceurs de pierres de l’intifada, Non !

Cette attitude exaspère les Israéliens en colère, parce que leur rêve est d’être en réalité un peuple normal, exactement comme les autres, ni meilleur ni pire, qu’il faudrait juger à l’aune des autres nations !

Il faut rappeler quelle était l’essence du sionisme : normaliser à tout prix un peuple a-normal. Faire en sorte que cette collectivité d’intellectuels marginaux, hors du temps et de l’espace, devienne une nation ayant une structure socio-économique normale, avec des ouvriers, des paysans, des hommes politiques, etc.

Faire en sorte que ce peuple errant de nomades aux “semelles de vent”, de réfugiés, de persécutés toujours sur le départ, soit fixé sur une terre, ancré dans un pays, entre des postes de douane et des bornes-frontières, comme toutes les autres nations du monde. Faire en sorte que ce peuple, qui avait perdu pendant 2000 ans toute souveraineté, tout cadre politique, tout pouvoir, se reconstitue dans le cadre d’un État.

 Faire en sorte que ce peuple, embarrassé de religion, de piété et de superstitions ait son propre gouvernement, devienne un peuple éclairé, laïque et moderne à l’image des sociétés occidentales, etc.

Pour la majeure partie des Israéliens qui pensent de cette façon, les critiques moralisantes contre l’État juif ou “l’État hébreu”, critiques qui rappellent l’image du Juif de l’exil, sont très choquantes. Beaucoup, même non religieux, jugent que l’État d’Israël ne saurait être “une nation comme les autres”. Comme l’écrivait le professeur Gershom Scholem, les Juifs, même si jamais ils le voulaient, ne pourraient jamais être “comme les autres”, cela pour des raisons à la fois historiques et philosophiques : la normalité juive est un leurre.

Certains estiment que c’est une mauvaise lecture du judaïsme et de l’histoire juive que de faire du Juif un éternel Abel, un être moral éthéré, dont la vocation ne serait que compassion, amour et martyre.

La conquête du pays est inscrite en toutes lettres dans la Bible, la Terre fait organiquement partie de l’identité juive, l’importance d’Eretz-Israël n’est pas une invention du sionisme moderne. Beaucoup d’Israéliens sont irrités, non pas par le déséquilibre de la critique, déséquilibre plutôt flatteur puisque Israël est jugé selon des critères supérieurs, mais par la disproportion de ce déséquilibre : que l’on exige, moralement, de l’État juif plus que de la Syrie, de l’Arabie Saoudite ou de l’Irak, c’est normal, l’un est démocratique, les autres : Non.

Mais on ne se contente pas de condamner Israël, on accompagne cette condamnation de sanctions politiques et économiques, et d’une prise de position favorable à ses ennemis. Ainsi, en 1988, après un débat moral, le Parlement européen a opposé son veto aux protocoles de coopération économique CEE-Israël.

On supporte mal en Israël l’hypocrisie de pays qui condamnent Israël, alors qu’ils ont fait ou font bien pire ! Même si la morale était une sorte d’absolu et non de relatif à la conduite des autres, on est conscient en Israël que les pays qui font des sermons indignés et publient des déclarations où ils “déplorent”, “regrettent” où “condamnent”, vendent des armes en quantité, soutiennent en secret des régimes autoritaires, cautionnent des massacres ou interviennent militairement dans divers continents pour appuyer leurs seuls intérêts.

Pour l’Israélien, la France moralisante minimise les actes anti-sémites de sa population et y ajoute l’accumulation des résolutions condamnant Israël. Ce que résume une phrase hébraïque très rassurante :

Haolam Koulo Negdenon, “le monde entier est (de toute façon) contre nous”.

Par conséquent, quoi que nous fassions, nous serons condamnés. Donc, faisons ce qu’il faut pour que notre peuple survive à la morale partisane avilie selon la haine de la gauche bien-pensante !

Gerchom Scholem ironisait sur ces belles âmes “qui n’ont pas choisi la voie de la responsabilité pour l’avenir physique du peuple juif”. Le grand intellectuel parlait de “l’avantage” de ces moralistes qui critiquent Israël “du dehors”. Scholem évoquait la volonté des intellectuels juifs de gauche de “changer le monde” et leur rappelait qu’ils avaient toujours été évincés et massacrés par les Camarades de la révolution communiste.

À Hannah Arendt, qui avait fustigé le sionisme et Israël, Scholem avait écrit : “Il y a dans la tradition juive un concept que nous appelons Ahavat Israël, l’amour du peuple juif. Chez vous, chère Hannah, comme chez d’autres intellectuels qui sont venus de la gauche allemande, j’ai trouvé bien peu de tout cela…”

Cette simple vérité n’apparaît pas toujours clairement aux yeux des citoyens d’Israël et encore moins aux yeux de ses politiciens. Il y a, chez certains, une tendance à considérer qu’Israël devrait être protégé, choyé, ménagé, aidé, et que ses actes et sa conduite devraient être plus ou moins “hors critique”.

Le principal argument opposé à la critique est que le sionisme, sur lequel est basé l’État d’Israël, a voulu que cet État soit celui de tous les Juifs. Le titre de l’ouvrage de Théodore Herzl n’est pas l’État juif mais l’État des Juifs. En bonne théorie sioniste, il n’y a que deux sortes de Juifs : ceux qui vivent en Israël et ceux qui n’y vivent pas encore. Dès lors, cet État “appartiendrait-il” tout autant à un Juif de Paris ou de Londres qu’à un Juif établi à Jérusalem ou à Tel-Aviv. Mais, cette situation factice d’égalité entre Juifs vivant en Israël (pays en guerre) et Juifs vivant en diaspora est inexacte. D’abord pour des raisons de sécurité : les Israéliens sont dans une situation de danger physique, durant leur service militaire et lors des guerres, et lorsqu’ils sont confrontés au terrorisme. N’y a-t-il pas une indécence dans la critique ultra-nationaliste du rabbin Loubavitch qui vit à New York et adjure le gouvernement israélien de ne concéder aucune parcelle de territoire occupé ?

Ou dans la critique de Noam Chomsky et autres intellectuels juifs américains qui, de Boston, fustigent Israël pour sa politique ? Certes, les Juifs de la diaspora ont le droit de critiquer Israël bien qu’ils ne soient pas confrontés aux mêmes dangers que les Israéliens. Mais le fait de ne pas être confrontés aux mêmes dangers devrait inciter les Juifs de la diaspora à une certaine réserve dans leur jugement. Avant de conseiller à Israël de rendre tous les territoires occupés en 1967, et de critiquer le gouvernement israélien, les intellectuels juifs de gauche devraient connaître un peu mieux les problèmes concrets que pose la politique palestinienne.

Comment défendre ses frontières et faire que les fondamentalistes islamiques soient neutralisés ?

Le fait est que les intellectuels juifs de la diaspora, qui critiquent Israël, pensent à Israël comme à un refuge réel en cas d’explosion d’un antisémitisme extrême qui les forcerait à quitter leur pays. Reconnaître en Israël, pour eux et les leurs, un refuge contre la persécution existe dans leur conscient et leur inconscient.

Moralité : éviter la surenchère et faire l’effort de mieux connaître la réalité israélienne, ce conflit de deux peuples pour la même terre, et les besoins de sécurité des Juifs dans le bourbier israélo-arabe !

(extrait de la Revue “Autrement”, série “Monde”, H.S. n°70, septembre 1993, p. 7 et pp. 13-22)

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Thierry-Ferjeux Michaud-Nérard pour Dreuz.info.

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