Source : Lesalonbeige
Dans un livre-événement s’appuyant sur des milliers de documents inédits et intitulé Le Bureau. Les Juifs de Pie XII, l’archiviste du Vatican, Johan Ickx, révèle l’ampleur de l’activité du Saint-Siège en faveur des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il a accordé un entretien au Figaro Magazine.
[…] La perception positive portée sur Pie XII juste après la guerre a été balayée par la pièce de Hochhuth, Le Vicaire, une création des services secrets soviétiques qui a joué un grand rôle dans le retournement de l’opinion publique dans tout l’Occident. Tous les historiens ont pris l’acte d’accusation de cette invention théâtrale – ami des nazis, Pie XII aurait sciemment détourné le regard et gardé le silence sur la persécution et l’extermination des Juifs – comme point de départ pour construire leur «vérité», mais sans connaître les pièces essentielles et originales que j’expose et développe dans mon livre. Sans compter qu’ils se sont souvent appuyés sur un seul document, étudié à la loupe quand celui-ci semblait aller dans le sens de leur «cause».
Le livre est plein d’éléments nouveaux, mais je voudrais en mentionner trois en particulier. D’abord, la réalité d’une aide constante du Vatican aux Juifs de toute l’Europe – individus ou familles, via l’action d’un desk officer de la secrétairerie d’État, à qui avait été spécifiquement confiée cette mission quotidienne: Mgr Dell’Acqua. Et il est à noter qu’il y a seulement quelques mois, cette personne chargée de sauver les Juifs a subi soudain une campagne de diffamation et a été traité d’antisémite… C’est une diffamation lourde, même post mortem. Cela montre bien combien on continue à «créer» de l’Histoire sur Pie XII. C’est la même technique depuis cinquante ans: délégitimer auprès du grand public les personnages autour de Pie XII pour projeter indirectement une ombre accusatrice sur le pape.
Deuxième élément, très important, qui mérite d’être étudié par les spécialistes: la rupture diplomatique définitive entre l’Église catholique et le gouvernement nazi le 17 mars 1943, après la découverte d’une note du Saint-Siège critiquant la persécution religieuse pratiquée en Allemagne et dans les territoires occupés. Resté secret jusqu’à aujourd’hui, c’est un fait important parce qu’à partir de cette date, le Saint-Siège, qui a été diplomatiquement déclaré en guerre, est mis hors-jeu dans tous les pays occupés par les nazis. À partir de cette date, la «guerre froide» entre le Vatican et le régime nazi a commencé.
Enfin, j’ai trouvé la confirmation du fil rouge qui lie la Seconde à la Première Guerre mondiale: ses figures cardinales (Hitler, Pacelli, certains cardinaux et les Juifs qui ont servi leur patrie pendant la Grande Guerre), certaines réalités (déportations et camps de concentration), la pensée même du futur pape autour du peuple juif (expliqué dans un document officiel du Saint-Siège en 1916 et considéré, par le Comité juif américain à New York comme «encyclique»!), quand il était le ministre des Affaires étrangères du Vatican. Il est surprenant de voir comment tous ces éléments retracent ou trouvent leur genèse dans et pendant la Première Guerre mondiale. […]
On découvre dans votre livre le haut degré de persécutions subies durant la guerre par l’Église catholique. Vous attendiez-vous à cela?
J’étais au courant de cette persécution de l’Église catholique, déjà entamée en Allemagne dans les années 1930, avec notamment des décapitations de prêtres, mais je dois avouer que les dimensions réelles lors de la Seconde Guerre mondiale racontées par les documents des Archives historiques m’ont laissé perplexe. À l’Est en particulier, d’innombrables innocents, hommes, femmes et enfants ont été confrontés à l’horreur des tortures et des massacres, d’abord perpétrés par les Soviétiques puis par les nazis. Il me semble que dans l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale il existe encore une lacune à cet égard. Je raconte dans un chapitre le danger constant pour n’importe quel fidèle catholique et l’élimination des classes intellectuelles et savantes dans les territoires occupés, surtout en Pologne. Le réseau d’informateurs, des hommes qui souvent méprisaient la mort, est remarquable. Du début de l’invasion en Pologne les massacres commis par les nazis sur la population sont rapportés soit par l’ambassade de Pologne près du Saint-Siège, soit par des membres du clergé et des catholiques polonais. Ils décrivent une cascade de terreur et de massacres sur la population catholique.
Peut-on mesurer le niveau d’aide apportée par le Vatican aux Juifs, et le rôle précis de Pie XII dans cette aide? A-t-il fait, à vos yeux, tout ce qu’il pouvait faire?
L’aide du Vatican a été massive. Ma réponse peut surprendre le lecteur, mais il faut voir la réalité. Le Saint-Siège a mis en branle un réseau international d’aide et de secours qui a continué à fonctionner là ou d’autres organisations ont cessé d’agir (par impossibilité) 24 heures sur 24. De plus, les nonces et les représentants diplomatiques du pape Pie XII ont cherché, non sans suivre les instructions directes, à trouver toutes les voies possibles pour sauver des Juifs. Le mot-clé dans tout cela est «possible», car celui qui vivait la réalité du nazisme féroce ne «pouvait» presque rien faire. […]
s’il le dit, mais l’exfiltration des dirigeants nazis par le cardinal autrichien encore plus massive
“plus massive” ?
Cher Abbe Arbez, Vous connaissez surement bien la question mais, a l’intention des lecteurs qui ne la connaissent pas du tout, le lien
http://www.slate.fr/story/167351/histoire-fuite-anciens-nazis-italie-argentine
apporte bien des explications.
oui, je connais le sujet, mais dire que les exfiltrations ont été “plus massives” que les sauvetages me semble critiquable.
Patphil, votre lien ne dit pas du tout ça et le “nombre massif” d’exfiltrés volontairement par le Vatican et Pie XII en particulier reste à prouver.
Quel cardinal?
Il y a quelque chose qui me chiffonne dans tout ça : je veux bien croire que pie XII ait agit en secret avec ses différentes cellules secrètes d’où le témoignage du dernier agent du Vatican encore en vie qui a conduit les opérations de sauvetage.
Mais ce qui me chiffonne c’est pourquoi en parler que maintenant?
Pourquoi ce dernier agent a attendu que les archives soient sorties donc en mars 2020 pour parler ?
Surtout que ce silence autour de pie XII a duré plus de 70 ans, 70 ans où il aurait pu être défendu mais l’histoire du silence est restée ancrée. Si quelqu’un peut m’éclairer sur la situation je ne dis pas non
Merci famille dreuzienne !
Pourquoi aucun juif n’est venu témoigner des efforts fait pour le sauver lui ou d’autres??? Pourquoi???
comment s’appelait, au fait, la grand rabbin de Rome, qui s’est converti à la fin de la guerre ?
Eugenio Zolli fut grand rabbin de Rome pendant la guerre et ami du pape Pie XII. Sa recherche personnelle dans les Ecritures le conduisit à reconnaître que Jésus de Nazareth était bien fils de Dieu et Messie d’Israël. Sa proximité du pape en a fait un témoin et acteur proche de événements de l’occupation ainsi que du travail du Vatican et du pape pour aider les juifs italiens … Il fut sèchement rejeté après la guerre par la communauté juive d’Italie qui le considéra comme traître à son peuple.
oh si, il y en a eu, dès la fin de la guerre, et ensuite à la mort du pape (cf livres mentionnés ci-dessus). Seulement, curieusement, cela n’est pas crié sur les toits…
Pourquoi croyez vous qu’on n’ait plus le droit actuellement de dire que les blancs ne sont pas plus salauds que les autres et que s’il y a eu une traite esclavagiste transatlantique, il y a eu une traite arabomusulmane qui a duré bien plus longtemps accompagnée d’un esclavage des africains par les africains eux mêmes bien plus ancienne. Ce sont des faits avérés mais personne n’a le droit de le dire.
non, c’est seulement depuis les années soixante que le mythe du pape pro-nazi a été diffusé par certains canaux repérables. Les premières réactions juives après la guerre étaient tout autres, on les trouve facilement.
Le rôle positif de pie XII a été nié de façon exponentielle à partir de la pièce Le Vicaire ,de Rolf Hochhuth, de gauche et ancien des Jeunesses hitlériennes (!), jouée en 1963 à Berlin, en pleine guerre froide.
Vous pouvez lire Pie XII – mon privilège fut de le servir, de Pascalina Lehnert, mais surtout Pie XII et les Juifs – le mythe du pape D’Hitler, écrit par le rabbin David Dalin. Il mentionne les hommages écrits ou oraux de personnaltiés juives à l’égard de Pie XII : Golda Meir, Moshé Sharett, Isaac Herzog, Pinchas lapide et même Albert Einstein, ainsi que Elio Toaff devenu Grand Rabbin de Rome, des aumôniers juifs etc
Avant cela, il y a eu les 11 volumes des Actes et Documents du Saint Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale, disponibles dans les années 1980, résumés ensuite par le Père Blet dans Pie XII et la seconde guerre mondiale d’après les archives du Vatican.
David Dalin replace les calomnies envers Pie XII dans le contexte, entre autres, de la guerre culturelle engagée par les media progressistes.
Le souci est la collaboration de cet homme avec la plupart des régimes autoritaires durant cette terrible seconde guerre……cet article nous donne-t-il la réponse de cette étrange diplomatie ???
Parler, échanger, garder le contact ne veulent pas dire collaborer!
Ces choses sont complexes. Ma famille a été impliquée dans un autre conflit durant la première guerre mondiale. C’était de riches industriels étrangers dans un pays envahi par un autre. L’envahisseur a eu un comportement terrible puisque 125 à 175’000 ont été assassinées ou déportées sans retour et les populations affamées. Le riche industriel a usé de son prestige auprès des envahisseurs, a déjeuné à leur table et leur a servi d’honorable paravent. Mais dans le même temps, l’ndustriel a organisé des soupes populaires, a négocié la libération de nombreux prisonniers et a racheté les otages juifs. Il aurait sauvé 10 à 15’000 personnes selon les historiens locaux. Mais officiellement, il fricotait avec l’envahisseur…
La lista de Schindler ?????????????????
Pour addendum, le Professeur Stefan Samerski, un prêtre allemand, a donné 2019 un panorame de Nuntius Pacelli en Allemagne, à Berlin de 1920 jusqu’a son élection comme Pius XII. L’oeuvre de Samerski se termine, avec les sources ouvertes, en 1945: “Deutschland und der Heilige Stuhl. Diplomatische Beziehungen 1920-1945”. Il y a un certain moment d’expérience du Pape, de la politique avant guerre, dont l’auteur laisse participer.