L’envie est un défaut si pénible, mais si bien caché en général, que beaucoup de sociologues et même de psychologues préfèrent l’ignorer…. ignorer surtout qu’il est inhérent à tant d’êtres qui ne supportent pas la supériorité – réelle ou supposée – d’un de leurs semblables, ignorer qu’il ne peut être éliminé par l’éducation. Helmut Schoeck a voulu tout savoir sur l’envie.
L’auteur nous parle de l’envie chez des peuples primitifs où l’on va jusqu’à tuer celui qui est plus intelligent ou plus entreprenant que les autres, où l’envié doit partager tout ce qu’il possède et n’a donc pas tendance à faire des efforts pour dépasser sa situation de base, a plutôt tendance à camoufler sa supériorité pour s’éviter des ennuis si pas la mort….
Contrairement à ce qui se dit, l’envie ne naît pas chez nous à cause d’une éducation créatrice d’envie mais elle existe dès la naissance et plus la personne enviée – frère ou sœur ou parfait étranger – se montre gentille et constructive, plus l’envie grandit. Cela semble incroyable mais les exemples qui le démontrent sont si nombreux qu’on se demanderait comment notre civilisation a pu connaître son essor fabuleux dans un monde si peu propice au progrès individuel. Une réponse peut être donnée par la religion chrétienne qui incite explicitement ses adeptes à se faire valoir par des actions positives, constructives, envers les autres.
L’envie ne peut être éradiquée pour autant et j’en veux pour preuve très actuelle – dont l’auteur présente déjà des signes au moment où il écrit son livre en allemand, il y a près de 40 ans – l’attitude indigne, destructrice, de ceux qui veulent déboulonner des statues de personnages historiques tout en exigeant haut et fort des compensations pour des crimes que leurs ancêtres auraient eu à subir de la part du colonisateur blanc. Même le Père Damien est visé !! L’envie leur ferme les yeux et les oreilles sur une réalité qui devrait les inciter à se renseigner sur l’histoire, à agir utilement – chrétiennement ? – au lieu de laisser le pays qu’ils plaignent tant se détruire chaque jour plus, au lieu de s’attaquer à des symboles qui ne peuvent se défendre mais qu’il est si valorisant de mettre sur un selfie…..
Avec Karl Marx l’égalité entre tous les êtres humains a été vue comme un remède souverain contre l’envie, contre ses conséquences. On y revient à l’heure actuelle, à cette égalité, on ignore que celui que l’humain envie le plus n’est pas son supérieur mais son semblable qui bénéficie d’un petit « plus », petit « plus » qu’on peut envier de manière concrète ! L’envieux est occupé par son envie, elle lui fait « passer le temps ». Marx a aussi parlé de la religion « opium du peuple », opium inventé par des chefs pour tenir ce peuple tranquille. Il s’est encore trompé car la religion permet à tous les humains , riches et pauvres, puissants et insignifiants, de dépasser l’envie pour rêver – agir ! – dans l’attente d’un monde meilleur après le monde d’ici.
Le seul moyen réaliste de donner un sens à l’envie est de la transformer en émulation, cette émulation qui est interdite dans nos écoles, émulation qui pousse à l’action, qui est source de progrès ! Et la dernière phrase du livre semble avoir été écrite pour tous ceux qui s’imaginent encore qu’on peut mettre fin à l’envie à condition de bien comprendre l’envieux : Il serait temps de cesser de nous conduire comme si l’envieux faisait autorité en matière de politique sociale et économique. (p. 540)
A tous ceux qui voudraient en savoir plus, je ne puis que conseiller la lecture de ce livre indispensable. S’il est impossible de tuer l’envie, on peut faire comprendre à ceux qui espèrent diminuer l’envie de certains en leur faisant des concessions, en les flattant, en les comprenant…. que le seul résultat possible de leur action est l’augmentation de cette envie.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Mia Vossen pour Dreuz.info.
«…Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle…/…Amène-là dans la foret, tue-la et rapporte-moi son cœur…»
Juste un peu d’envie… ordinaire.
Dans son langage médiéval, la scholastique dénommait ce mouvement intérieur malsain “concupiscence”. La Bible, en disant “tu ne convoiteras pas…” appelle à la maîtrise des pulsions égoïstes d’appropriation.
Ce qui rejoint en partie la notion de détachement et de renoncement chez les bouddhistes.
L’envie est à la base de l’antisémitisme et de la haine des juifs
Bien vrai! Un élève palestinien a eu l’honnêteté de me répondre cela quand je lui ai demandé pourquoi les Palestiniens détestent tant les Juifs…
Oui la jalousie c’est tout à fait exact.
Après les années 68 Helmut Schoeck n’était pas trop aimé. Les bonnes choses sont souvent découvertes…
Et souvent l’envie est accompagnée des ragots, des mensonges, des paroles de haine, donc de la langue perfide :
Jacques 3:5 De même, la langue est un petit membre, et elle se vante de grandes choses. Voici, comme un petit feu peut embraser une grande forêt
J’ai lu ce livre à sa sortie : un sommet ! Un incendie aux Belles Lettres l’avait rendu inaccessible, mais s’il est disponible, n’hésitez pas…
Bonjour
ce livre a été réédité aux Belles Lettres en 2019. Il coute 15,50 euros.
efge
L’émulation permet de “monter” et PEUT diminuer l’envie! Ce n’est pas un remède-miracle mais le manque d’émulation dans les écoles ne diminue en rien l’envie, risque même de l’augmenter puisqu’on se focalise sur n’importe quoi (vêtements, coiffure, tatouages…). La religion chrétienne PEUT diminuer l’envie de ceux qui se consacrent à faire le bien…. et, non, malheureusement, il n’y a pas de vrai remède à l’envie. Ce livre m’a fait comprendre beaucoup de choses… Il est vraiment à lire et j’ose dire que c’est (pour le moment, bien sûr)LE plus intéressant à mes yeux.